COMMÉMORER LA LIBÉRATION D’AUSCHWITZ EN REFUSANT LE RACISME ET LE FASCISME

Il y a soixante-dix ans, jour pour jour, l’Armée rouge libérait le camp d’Auschwitz-Birkenau, le plus grand camp d’extermination nazi et le lieu emblématique de la folie meurtrière qu’a été l’entreprise de destruction des Juifs d’Europe.

Aujourd’hui comme hier, nous demeurons saisis par l’injonction Plus jamais ça ! Que plus jamais on ne tolère l’oppression d’un groupe humain quel qu’il soit, sur quelque base que ce soit. Et que nous ne nous trompions pas lorsqu’il s’agit d’en tirer les enseignements. Aujourd’hui, on montre du doigt et on tue des Juifs en France et il y a des années que des Musulmans, des Roms, des Noirs, des migrants subissent le même sort. Des synagogues sont profanées ou la cible de violences. Des dizaines de mosquées sont attaquées ou incendiées, et plus encore ces dernières semaines. Autant de crimes racistes mais qui provoquent des réactions très différentes de la part du gouvernement et des médias.

Il ne s’agit pas ici de comparer des réalités historiques différentes, ni de dire que les paroles et les violences racistes que nous dénonçons aujourd’hui mèneront inéluctablement à un nouvel Auschwitz. Nous ne pouvons même pas l’imaginer. Il s’agit seulement d’affirmer que la haine et l’exclusion portent en elles les ferments du pire.

Alors qu’Eric Zemmour ne semble pas exclure que l’on puisse voir expulser un jour les Musulmans de France, l’Institut Européen des Relations Internationales, dans un texte intitulé Islam et Occident — Deux civilisations incompatibles, présente la cohabitation entre l’islam et l’Occident comme impossible et même source d’une guerre civile occidentale d’une manière qui n’est pas sans rappeler des textes des années 1930-40 décrivant l’incompatibilité des Juifs avec la société européenne ou les propos utilisés par Rosemberg, l’envoyé spécial d’Hitler à Paris en novembre 1940, dans son célèbre discours devant les députés français réunis pour la circonstance à l’Assemblée nationale.

Manuel Valls a raison lorsqu’il affirme que la France n’est plus la France sans ses Juifs. Elle n’est pas non plus la France sans ses Musulmans, ni sans tous les enfants de son histoire coloniale.

Rassemblée à Auschwitz, une kyrielle de chefs d’État commémore la libération du camp et réaffirme sa volonté du plus jamais ça. Manifestation obscène d’appropriation de la mémoire du lieu, l’aviation israélienne survole le camp. Nous avons peine à comprendre pourquoi, le 21 novembre 2014, durant une session de la troisième commission de l’Assemblée générale de l’ONU, ces mêmes États, européens pour la plupart, dont la France, se sont abstenus lors d’un vote sur la Résolution L 56 visant à « lutter contre la glorification du nazisme, du néonazisme et toutes autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée ».

Cette résolution disait constater « avec inquiétude les dangers que représentent les partis politiques, mouvements et groupes extrémistes pour les droits de l’homme et la démocratie » et affirmait que les problèmes posés par ces partis, mouvements et groupes en matière de droits de l’homme et de démocratie étaient « universels et qu’aucun pays n’y échapp[ait] ». Aujourd’hui, l’Europe est rongée à nouveau par le fléau de l’extrémisme raciste, comme en Allemagne avec le mouvement Pégida et ses manifestations qui menacent de se développer en France, comme en Grèce avec Aube dorée, en Ukraine avec Svoboda.

Honorer les victimes des crimes nazis, parmi lesquelles nos parents, commis avec l’assentiment et l’aide de certains gouvernements européens, dont celui de la France du régime de Vichy, reste aujourd’hui une nécessité impérative. On ne peut enseigner aux jeunes générations la destruction des Juifs d’Europe en masquant les réalités politiques qui ont permis ces crimes, en acceptant à nouveau des discours d’Etat racistes et xénophobes frappant des pans entiers de la communauté nationale et en faisant l’impasse sur l’héritage du colonialisme et ses victimes dont de nombreux élèves sont les descendants. On ne peut enseigner aujourd’hui l’histoire de ces crimes sans honorer la résistance à ces crimes, sans appeler à la résistance ici et maintenant contre toutes les oppressions et discriminations – auxquelles certains des chefs d’Etat présents à Auschwitz participent. Nous ne pouvons accepter un plus jamais ça sélectif.

Commémorons la libération d’Auschwitz, souvenons-nous des crimes d’un passé si récent et toujours présent dans notre mémoire nationale, et luttons surtout contre toutes les formes de racisme et de fascisme !

Le Bureau National de l’UJFP le 26 janvier 2015