Commémorations du débarquement : Le CRAN dénonce le blanchiement des cérémonies

Dans le dossier de presse de l’Elysée sur ces commémorations, on peut lire :

« Le Président de la République a demandé aux membres de la
mission interministérielle de veiller à ce que quatre thématiques
spécifiques puissent être traitées à l’occasion de ces
commémorations.

Deux concernent la société française l’évolution de la place des femmes à l’occasion des deux conflits mondiaux et le rôle des Outre-mer et des soldats des anciennes colonies françaises dans la libération du territoire ;

Deux autres concernent l’évolution de l’ordre international au XXe siècle et les apports de la construction européenne. »

Comme le CRAN le fait remarquer dans le communiqué que nous
reproduisons ci-dessous, il semble qu’une partie de ces thématiques
n’ait pas réussi à atteindre les plages du débarquement.

Commémoration du débarquement : le CRAN dénonce le blanchiment des cérémonies

N’eût été la présence de Barack Obama, les cérémonies commémorant le débarquement de 1944 étaient parfaitement « white only ». Près de 20 chefs d’État étaient réunis : Royaume-Uni, Belgique, Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Pologne, Russie, États-Unis, etc. Mais aucun chef d’État africain n’avait été invité. A croire que la seconde guerre mondiale n’était pas si mondiale que cela.

Le CRAN tient à rappeler que l’Afrique apporta à la France libre :

Des ressources territoriales.

Félix Eboué, qui organisa le ralliement de l’Afrique Équatoriale Française dès 1940, permit au général de Gaulle d’avoir une assise territoriale, militaire et donc politique, à la fois pour combattre les forces de l’Axe, mais aussi pour asseoir son autorité face aux Alliés. Brazzaville fut la capitale de la France libre, et l’AEF fut une véritable plaque tournante d’où partirent les premières forces armées en vue du redressement. De nombreuses batailles eurent lieu en Afrique, comme la bataille de Bir Hakeim en Libye, ou Ksar Ghilane en Tunisie, et c’est la défaite de l’Axe et de l’Afrikakorps en Tunisie qui permit la campagne d’Italie, puis le débarquement en Provence.

Des ressources humaines.

En 1943, les Forces françaises libres regroupaient 39 000 citoyens de France et 30 000 coloniaux. En 1944, 20 à 25 % des effectifs de la division du général Leclerc étaient des Maghrébins. Au total, des centaines de milliers d’indigènes furent recrutés dans le cadre des opérations militaires, et ils se battirent en Afrique comme en Europe pour libérer la France.

Mais les troupes qui entrèrent à Paris en 1944 furent « blanchies », et les fameux tirailleurs furent interdits de défilé. Par ailleurs, pendant la guerre, les Noirs payèrent un lourd tribut, et quand ils étaient capturés par les Nazis, ils étaient souvent massacrés sur place, et non pas envoyés dans les camps de prisonniers, comme l’étaient les soldats blancs.

Des ressources matérielles.

L’Afrique permit à la France libre d’être régulièrement approvisionnée en matières premières stratégiques comme le caoutchouc, le cuivre, ou encore l’uranium, produit absolument indispensable pour fabriquer la bombe atomique. Par ailleurs, pendant la durée de la guerre, l’AEF contribua très activement à l’effort de guerre, et versa officiellement environ 1 508 millions de FF pour soutenir la France libre, ce qui constitue bien entendu une somme considérable.

Les historiens spécialistes du sujet s’accordent à dire que sans le ralliement de l’AEF, le général de Gaulle n’aurait jamais réussi à s’imposer dans le contexte de l’époque.

Mais 70 ans plus tard, tous ces pays d’Afrique ont été tenus par la France à l’écart des cérémonies du débarquement.

 » Je suis tout simplement écœuré par l’attitude de François Hollande, a indiqué Louis-Georges Tin, le président du CRAN. Il y a 70 ans, les troupes coloniales furent blanchies, et les tirailleurs africains furent interdits d’entrée à Paris. Et aujourd’hui encore, leurs descendants sont écartés des cérémonies du souvenir. L’Allemagne elle-même était invitée en Normandie, mais pas les anciennes colonies, ce qui montre que l’on a plus d’estime pour l’ancien ennemi blanc que pour les amis noirs, qui furent pourtant les premiers à se rallier au général de Gaulle. »

Dans ces conditions, le CRAN ne peut que dénoncer ces cérémonies de l’oubli et du blanchiment. Mépris raciste, ignorance crasse, révisionnisme ? Peu importe.

Ainsi conçue et mise en œuvre, cette cérémonie constitue une faute historique, morale, politique et diplomatique majeure. Le CRAN qui avait obtenu en 2006 la « décristallisation » des pensions, annoncée par Jacques Chirac le 14 juillet, puis confirmée ensuite à l’occasion de la sortie du film Indigènes, tient à souligner la gravité de ce qui constitue à ses yeux un scandale international de premier plan.

« Il est évident que François Hollande a un lourd problème avec l’histoire coloniale, a ajouté Guy Samuel Nyoumsi, vice-président du CRAN chargé des relations avec l’Afrique. Il a commencé son quinquennat en célébrant Jules Ferry (qui a relancé la colonisation au nom de la supériorité de la « race française »), il refuse de réparer le crime contre l’humanité que fut l’esclavage (contrairement à tant d’autres pays), et pour couronner le tout, il organise maintenant le blanchiment des cérémonies du débarquement (en occultant la réalité des faits passés). Décidément, quand il s’agit des Noirs, cet homme ne respecte rien. C’est pourquoi le CRAN entend dès ce jour entrer en relation avec les ambassades africaines pour attirer leur attention sur ce forfait historique, et demande immédiatement des explications au chef de l’Etat », a conclu le vice-président du CRAN.

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