Coming out

Un billet d’humeur d’une de nos adhérentes publié dans le courrier de Politis

J’ai peur des feujs. Dans mon quartier (et pas que dans mon quartier d’ailleurs, dans tout Paris maintenant, et de plus en plus, c’est flippant), y’en a plein, avec les chapeaux noirs là, les vestons noirs et redingotes noires, les trucs en mode ficelles qui dépassent, et même une fois j’ai vu une femme, j’en suis sûre, elle avait une perruque. Y paraît que dans les HLM y parlent avec personne, disent bonjour à personne et pètent les systèmes de fermetures automatiques des portes des halls les vendredis.

Je ne dis pas que je les « déteste », mais ils se présentent à moi délibérément comme menaçant l’harmonie de mon vivre-ensemble. Je dis que ça fait peur : je dis simplement ce que beaucoup de français pensent. Je ne vois pas en quoi ça serait polémique. C’est du bon sens.

J’ai peur des croyants, de tous quoiqu’il en soit, parce que je représenterai toujours un danger à leurs yeux, moi qui sais que l’homme descend du singe, qu’après la mort y’a rien et que Dieu ça existe pas, j’ai peur de leur obscurantisme hors d’usage et de leur dogmatisme incurable.

J’ai peur des pédés et de leur misogynie, agression sournoise et toujours réitérée à mon encontre (et ils sont suffisamment nombreux et puissants pour que j’aie un jour à subir leur haine), j’ai peur des vieux, de leurs craintes étriquées, leurs regrets, leurs jalousies, leurs déboires, leurs envies délavées dont ils veulent me faire hériter, et cette sensation de ployer sous leur diktat, de chaque jour devoir combattre pour résister à leur morbidité, j’ai peur des gros, le monde se rallie doucement mais sûrement à leurs exigences et ce qu’ils ont de malsain en eux se rapproche, contamine, leur présence et leur proximité dégradent l’image que nous avons de nous-même et mettent en péril l’équilibre que nous cultivons, tels des jardiniers respectueux, entre notre corps et notre esprit.

J’ai peur des roms, des pauvres et des arabes, des musulmans, des derviches tourneurs, des communistes.

J’ignore peut-être de nombreuses choses, mais je sais ce que je sais, je vois ce que je vois.

J’avoue, pour finir, que libérer la parole fait du bien, je me sens comme nettoyée d’une crasse intérieure, l’effet d’un curetage en somme. Si vous, en revanche, vous avez le sentiment d’avoir été pris pour un réceptacle à gerbe, je crois bien que, peut-être, enfin il n’est pas impossible, enfin bref il se peut… que je sois tenue d’en assumer la responsabilité.

Non ?

Noëlle

adhérente UJFP

NB : J’ai vu qu’on pouvait aussi réagir avec humour et dignité – voir ici, et merci à eux !