lundi 6 juin
C’est le premier jour du ramadan que quasiment tout le monde observe à Gaza. La journée est très longue (16h sans boire, ni manger) et une partie de la nuit est prise par le repas et les prières.
Quelques mots sur la ville. Si on est allergique aux klaxons, il ne faut pas venir à Gaza. Les rues résonnent d’un tintamarre ininterrompu mais tout se passe dans la bonne humeur. Le klaxon fait partie intégrante de la conduite.
Surprise dans une rue de la ville de Gaza. Un gros semi-remorque avec des inscriptions : sur le front « free Palestine » et sur le côté « Scotland supports Palestine » (L’Écosse soutient la Palestine).
Encore une rumeur mais celle-ci semble confirmée : plusieurs dirigeants du Hamas ont été arrêtées avec des prostituées. L’événement n’est pas inhabituel.
Enfin, si nous avons rencontré Doctora Mariam, nous espérions voir le secrétaire du FPLP. Il semble que toute la direction du FPLP soit au Caire pour des discussions.
Rencontre avec des professeurs de mathématiques de l’université ouverte al Quds
En plus du projet de coopération avec l’ESPE, nous avions envie de connaître les programmes et les contenus d’enseignement de cette université. Nous avons pu le faire en mathématiques. Le vice-président de l’université nous a détaillé le cursus de 4 ans :
Première année : Statistiques, probabilités, fonctions, équations différentielles
Deuxième année : Théorie des nombres, géométrie
Troisième année : Algèbre, analyse
Quatrième année : Topologie
Il existe aussi des modules spécifiques pour former les professeurs de mathématiques à la pédagogie. L’université privilégie les mathématiques appliquées et la méthodologie. Les masters sont liés avec les besoins de la société de Gaza.
Nous rencontrons deux professeurs de mathématiques. Ils nous montrent les livres utilisés avec les étudiants. On n’est pas dépaysé, ils sont très semblables aux manuels français. Le premier parle de son enseignement : les chapitres traitent de l’intégration, des suites numériques, des équations différentielles avec pour chaque thème une préoccupation pour montrer des applications de la théorie. Les exercices sont d’un niveau comparables à ceux des universités françaises.
Le second enseigne la pédagogie des mathématiques aux instituteurs : comment enseigner les nombres et les opérations élémentaires. Comment expliquer les symétries et la géométrie plane ou dans l’espace. Des préoccupations très proches de celles de l’ESPE.
Visite à l’institut de formation des maîtres de Gaza
Nous achevons notre prospection pour trouver des partenaires possibles pour une coopération avec l’ESPE d’Aix-Marseille. Il nous faudra beaucoup de temps pour comprendre ce qu’est cet institut. En fait, il propose ce qu’on pourrait appeler de la formation continue en informatique, en langues étrangères et en Arabe. Il s’adresse beaucoup aux cadres et un petit peu aux enseignants (18% de l’effectif).
Il y avait autrefois, assuré par l’institut, l’équivalent d’une préparation au concours. Cette formation durait un an. On appelait cela le « permis ». Pendant ses trois mois d’existence en 2014, le gouvernement d’union nationale a supprimé le permis. Les étudiants passent aujourd’hui le concours sans formation (sauf 1% qui paient pour une formation privée). Les seuls modules pédagogiques dont les futurs enseignants disposent sont à l’intérieur des formations universitaires.
Cours de conversation à l’institut français.
Chaque lundi, l’institut organise avec un ou deux animateurs une conversation en français (d’une durée d’une heure environ) avec des étudiants (ou d’autres personnes) en Français. Les niveaux sont différents, allant de ceux qui débutent et écoutent sans oser parler, à ceux qui parlent déjà français avec très peu de fautes.
C’est nous qui animons le cours ce lundi (à la demande d’Anthony Bruno) et le sujet choisi est « faut-il donner la même éducation aux garçons et aux filles ? »
Les thèmes qui ont été soulevés sont le sport, les tâches ménagères, le métier et l’argent, la répartition des rôles dans la famille, être père et être mère, est-ce pareil ? La question de la tradition est soulevée sur chaque point .
Il y a eu chez les jeunes hommes présents une espèce d’unanimité sur l’idée qu’hommes et femmes ont les mêmes droits. L’un deux a même parlé de racisme à propos de l’inégalité. Quand on rentre dans les détails ou qu’on évoque le partage des tâches dans les familles, c’est moins clair. Un jeune papa a dit qu’il acceptait toutes les tâches mais pas celles de changer les couches des bébés. D’autres ont évoqué des hommes qui ne font rien à la maison même quand ils sont sans emploi. Mais plusieurs jeunes ont dit faire régulièrement le ménage ou la vaisselle, considérant même que la cuisine est plutôt un métier masculin.
Chez les jeunes femmes, on sent une espèce de contradiction : d’un côté elles évoquent une tradition qu’elles ne veulent pas remettre en cause. Tout en acceptant la place traditionnelle de la femme, elles aspirent particulièrement à des formes d’émancipation : l’éducation, un rôle utile dans la société.
Sur le sport, les avis étaient partagés sur le sport féminin, certains découvrant même son existence, y compris dans des sports réputés violents (rugby, boxe).
Enfin sur la question initiale de l’éducation des petites filles et des petits garçons, on sent un amour égal pour les deux chez les futures mamans et les futurs papas. Mais la réponse majoritaire, c’est qu’on ne peut pas les éduquer de la même façon : c’est la « nature ».
NDLR
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