Non ! Il ne s’agit pas d’une embarcation amarrée au quai d’un port au fin fond du tiers monde.
Mais, la dernière trace d’un bidonville, « campement » de misère amarré sous les piles de l’échangeur du boulevard périphérique parisien, à la Porte de la Villette à Paris 19e, dans lequel survivaient des familles rroms.
Campements de fortune construits dans les interstices du béton que, mardi 19 mai 2020 au petit matin, les forces de police parisiennes ont détruit au moyen de bulldozers et de pelleteuses.
Souci de mise en sécurité en cette période de pandémie de ces populations éminemment fragiles par la Mairie de Paris ? Qu’il nous soit permis d’en douter.
L’humanité des édiles de Paris est une denrée trop précieuse pour qu’elle soit dispersée sous l’échangeur d’un périphérique où nul électeur potentiel ne peut la reconnaître. Et surtout, si cette humanité là s’était manifestée envers des Hommes, des Femmes et leurs enfants relégués depuis longtemps par ces mêmes élus aux franges extrêmes de l’Humanité, cela aurait risqué de faire fuir d’autres électeurs potentiels.
L’amas de déchets – ici faisant fonction d’habitat – témoigne de cette indifférence absolue, de cette accoutumance à la relégation et à l’invisibilité aux confins de la ville – ici sous les piles d’un échangeur de périphérique – de groupes humains considérés comme indésirables, en trop. Groupes humains harcelés en permanence par nos institutions, pratiquant sans vergogne ce qu’il faut bien appeler du racisme d’État, qui ne peut qu’encourager la haine de certains qui, allant au bout de leur inhumanité, n’ont pas hésité à déclencher des incendies dans ces constructions de misère.
Plus que l’expulsion de ces familles, nous avons à nous interroger et à nous indigner sur le sort constant qui leur est fait. À nous interroger sur cette accoutumance qui est la nôtre également à la relégation de pans entiers de l’Humanité.
« L’Humanité est une » avons-nous coutume d’affirmer sans pour autant questionner la géométrie de l’Humanité à laquelle nous nous référons.
Cette photo, qui circule depuis le mardi 19 mai sur les réseaux sociaux, ne doit pas nous dire seulement la violence policière, la violence de l’État.
Elle doit nous interroger sur les frontières que nous établissons entre l’indignation de circonstance et notre refus absolu de telles ignominies. Nous interroger sur les combats que nous devons mener pour que celles-ci cessent définitivement.
Sur notre refus à accepter la concordance de l’Homme et l’ordure.
L’avenir de toutes et tous en dépend.
La Commission Antiracisme politique, pour la Coordination nationale de l’UJFP, le 2 juin 2020.