Dimanche 19 juillet dernier, la France rendait officiellement hommage aux 13100 victimes juives apatrides – dont 4115 enfants – de la grande rafle du Vel d’Hiv des 16 et 17 juillet 1942, déportées ensuite et exterminées à Auschwitz.
Le même jour, le député maire de Cholet, très certainement présent à la cérémonie organisée dans sa ville à la mémoire de ces victimes juives apatrides, regrettait publiquement en un autre lieu – à propos de la présence d’un rassemblement Tsigane dans cette même ville – « qu’Hitler n’ait pas exterminé plus de gens du voyage ».
Dérapage verbal imputable aux seuls représentants politiques de la droite et de l’extrême droite françaises soucieux de réunir autour de leurs noms le maximum de voix aux prochaines élections ?
Ce serait une erreur que de réduire cet événement à ce seul aspect.
Il s’agit en réalité d’une expression politique infiniment plus grave, plus profonde, qui concerne de larges pans du personnel politique français, comme celui de tous les pays de notre vieille Europe, rongée par la crise, le racisme et la xénophobie.
Un phénomène qui n’est en rien nouveau en France, que nous avons connu dans les années 30, à la veille de la Seconde Guerre Mondiale, quand s’est délité le consensus sur les quelques valeurs républicaines qui cimentaient alors l’identité nationale.
A l’époque déjà, les Tsiganes français étaient la cible de décrets et d’arrêtés multiples les désignant à la vindicte de tous. Perdant de nouveau ses repères, l’opinion publique accepte les stéréotypes qu’on lui propose. Les conditions sont ainsi réunies pour exclure et enfermer à nouveau ceux que l’on nomme sans vergogne des étrangers.
Racisme, xénophobie et aujourd’hui l’islamophobie – en lieu et place de l’antisémitisme d’hier – structurent le discours français dominant sur fond de peurs et de désarroi. Les évènements d’Argenteuil, de Trappes, ceux de Guérande et maintenant de Cholet en témoignent.
L’énormité des propos proférés par le député maire de Cholet a ceci d’inquiétant qu’elle s’inscrit en réalité dans la continuité politique de cette époque, dans celle de Vichy ensuite. Ces temps où les préfets représentants de l’Etat, les édiles locaux, prenaient des mesures racistes exceptionnelles pour limiter et interdire le déplacement des Tsiganes, pour les interner dans des camps de concentration spécialement ouverts à leur intention, comme celui de Montreuil- Bellay, proche de Cholet, où furent enfermées dans des conditions effroyables de novembre 1941 à janvier 1946, plus de 2000 personnes – hommes, femmes et enfants….
Ces propos, tenus symboliquement le jour même de la commémoration nationale rappelant le crime de Vichy, illustrent tragiquement ce que nous ne cessons de dénoncer depuis de nombreuses années: cette distinction malhonnête entretenue par le CRIF et les politiques français – tous bords confondus – entre l’antisémitisme et le racisme, sous toutes ses autres formes, qui sévit aujourd’hui en France, et le discours qui l’accompagne sur l’unicité des crimes nazis et ceux de Vichy à l’encontre des seuls juifs, excluant de la mémoire collective toutes les autres victimes de ces régimes honnis, tels les crimes commis par la France à l’encontre des Tsiganes.
Proférer publiquement de telles ignominies devient à nouveau possible à la seule condition que celles-ci ne soient pas dirigées contre les juifs.
Les remous médiatiques, vite tempérés, qu’ont suscités ces propos abjects, en sont la preuve. Le terreau d’un racisme « ordinaire », acceptable, est depuis longtemps fécond et ce n’est pas la politique du gouvernement actuel vis à vis des Rroms, des sans-papiers, demandeurs d’asile, des musulmans en général, qui permettra d’enrayer la propagation de ce fléau.
L’ UJFP tient à exprimer son entière solidarité à nos concitoyens Tsiganes si ignoblement traités, représentés à nouveau comme étant des étrangers.
En réalité toujours discriminés dans le droit français depuis la loi du 16 juillet 1912.
Plus que jamais, nous appelons nos concitoyens à refuser et à combattre fermement le racisme et la xénophobie qui gangrènent notre société, font le lit d’un fascisme ordinaire, tout autant dangereux et criminel qu’hier.
Le bureau national de l’UJFP