Suite à l’attaque armée contre la rédaction du journal Charlie Hebdo, Rokhaya Diallo, Olivier Cyran, les Indivisibles, lmsi.net, le PIR et d’autres militants et organisations antiracistes sont la cible d’une campagne politique et médiatique. Shlomo Sand et l’humoriste Guy Bedos ont même été visés par elle. Dans le journal Le Monde, Christophe Ramaux s’en est pris au NPA, à Politis, Edwy Plenel et Attac, ce à quoi ses collègues des économistes atterrés ont répondu. En ce qui nous concerne, ce n’est pas la première. La dernière en date remonte à la charge de Jean-Loup Amselle qui nous a collé l’étiquette « rouge-brun » au grand ravissement des médias de la gauche mainstream. Néanmoins, ces circonstances dramatiques et leur récupération politique rendent celle-ci particulièrement dangereuse. Quoiqu’elle demeure pour le moment de basse intensité, elle peut prendre de l’ampleur dans la perspective de la chasse aux sorcières qui s’amorce. Or, la campagne provient de ceux-là mêmes qui n’ont eu de cesse de propager l’islamophobie, contre laquelle ces militants et nous-mêmes luttons, et de contribuer au climat social des attaques, dont nous avions prévenu des menaces qu’elle contenait.
En charognards repus à ces manœuvres, nos accusateurs ont sauté sur l’occasion pour faire porter la « responsabilité morale » des attaques à la lutte contre l’islamophobie, parce que les dérives islamophobes de ce journal avaient été dénoncées dans un contexte social et politique de traitement d’exception des Musulmans, propice à toutes les violences. On compte bien sûr parmi eux des islamophobes patentés. S’ils veulent ainsi se dédouaner de leurs propres responsabilités, ils prétendent surtout mobiliser la répression de l’État contre nos luttes respectives et communes, c’est-à-dire à les réduire au silence, au nom d’une « liberté d’expression » sélective, totalement inféodée à leurs privilèges. On a pu encore le constater, durant l’été 2014, avec la répression des manifestations pro-palestiniennes, auparavant avec l’interdiction des spectacles de Dieudonné et, en ce moment-même, avec le procès de Saïd Bouamama et Saïdou Zep à propos de l’ouvrage et de la chanson intitulés « Nique la France ». Il ne faut donc pas s’étonner que, profitant des circonstances, le mot d’ordre de la défense de la « liberté d’expression » serve aujourd’hui à imposer une pensée unique, au bénéfice de l’ordre social qu’elle soutient, en radicalisant l’arsenal de la violence symbolique et de la répression contre ses opposants. En cherchant à isoler l’antiracisme politique, ils contribuent aussi à dissuader les indigènes de s’engager sur la voie de leur propre libération et à couper court aux alliances politiques qui pourraient contribuer à l’émergence d’une majorité décoloniale.