Chagrin et colère : une lettre de rabbins américains au Président Biden


Président Biden, ce qui arrive maintenant à Gaza n’est pas un accident de l’histoire — et votre complicité a été tout sauf silencieuse. Nous faisons appel à vous pour que vous soyez fidèle à votre parole et que vous mettiez fin à la complicité des États-Unis dans le génocide d’Israël contre le peuple palestinien.

Cher Président Biden,

En tant que rabbins américains, nous vous écrivons dans un profond chagrin et une grande colère.

Demain est la Journée internationale de la mémoire de l’Holocauste, décidée par les Nations Unies : un moment pour honorer la mémoire des millions de personnes assassinées au cours du génocide commis par le régime nazi, en particulier de six millions de nos ancêtres juifs. En ce jour, nous honorons l’énormité de nos pertes, l’impact de la déshumanisation et de la tentative d’annihilation sur ceux qui ont survécu et le traumatisme encore vivace qui a façonné tant de nos familles et de nos communautés.

Avec chagrin, nous nous en souviendrons aussi comme du moment où Israël commettait un génocide, aidé et encouragé par les États-Unis.

Nous sommes obligés de parler dans la clarté morale de ce qui arrive aux Palestiniens en ce moment même. Nous ne le faisons pas malgré nos histoires, mais à cause d’elles. Nous savons dans nos os ce que cela signifie d’entendre des responsables israéliens déshumaniser un peuple entier, d’être témoins du meurtre de masse par l’armée israélienne de dizaines de milliers de Palestiniens, de voir Israël détruire systématiquement l’infrastructure civile, les institutions culturelles, les universités et les hôpitaux. De voir Israël refuser volontairement nourriture, médicaments et abri aux réfugiés.

Nous conservons l’histoire traumatique de notre peuple avec attention et sensibilité — et nous savons combien il est douloureux pour des juifs d’entendre qu’un État juif puisse commettre un génocide. Néanmoins, nous devons acquiescer avec les nombres croissants d’universitaires et d’experts des droits internationaux qui ont déterminé que les actions d’Israël à Gaza constituent, dans les mots du Prof. Raz Segal, «  un cas d’école de génocide ».

Nous soutenons et encourageons la récente requête de l’Afrique du Sud à la Cour internationale de justice affirmant qu’Israël enfreint la Convention de 1948 sur la prévention et la punition du crime de génocide. Et maintenant, les organisations palestiniennes des droits humains, ainsi que les Palestiniens aux États-Unis et à Gaza, se pourvoient en justice contre votre gouvernement pour sa défaillance à empêcher le génocide en cours du gouvernement israélien contre eux, leurs familles, et les 2,2 millions de Palestiniens à Gaza, et pour sa complicité dans ce génocide. Nous appuyons aussi cette action.

Selon un enseignement fondamental de la tradition spirituelle juive, l’humanité a été créée à l’image de Dieu. Cela signifie que chaque être humain a une valeur infinie. La Convention de 1948 des Nations Unies sur le génocide a été créée pour soutenir cette idée même. La Torah enseigne aussi qu’il y aura toujours des moments où nous devrons faire un choix moral crucial. Comme le Deutéromone 30:19 le dit, « J’ai placé devant vous la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisissez la vie ». Président Biden, c’est la mort que vous avez choisie. Au lieu d’utiliser votre pouvoir considérable pour empêcher ce génocide ou y mettre fin, vous l’avez directement encouragé avec des armes, des financements et une couverture diplomatique.

En cette journée de mémoire, en 2021, vous avez remarqué que « l’Holocauste n’a pas été un accident de l’histoire ». Comme vous l’avez affirmé : «  Il s’est produit parce que trop de gouvernements ont froidement adopté et mis en oeuvre des lois, des politiques et des pratiques alimentées par la haine pour calomnier et déshumaniser des groupes entiers de personnes, et trop d’individus ont laissé faire en silence. Le silence est de la complicité. »

Président Biden, ce qui arrive maintenant à Gaza n’est pas un accident de l’histoire — et votre complicité a été tout sauf silencieuse. Nous faisons appel à vous pour que vous soyez fidèle à votre parole et que vous mettiez fin à la complicité des États-Unis dans le génocide d’Israël contre le peuple palestinien.

Si les mots « Jamais plus » ont encore un sens, ils doivent signifier « Jamais plus pour quiconque ». Nous vous demandons ardemment : s’il vous plait, honorez la lettre et l’esprit de la Journée internationale de la mémoire de l’Holocauste en utilisant votre position pour apporter un cessez-le-feu à cette violence tragique — et pour arrêter de bloquer les efforts en vue de construire une paix vraiment juste pour tous ceux qui vivent entre le fleuve et la mer.

Dans l’urgence,

Conseil rabbinique de Voix juives pour la Paix

Article originel en anglais sur le site de JVP

TRADUCTION CG POUR L’AURDIP