C’est l’Aid

Hour, demain c’est l’Aid!… Hour répond: Non, c’est impossible, il y a des morts…Hour est une petite fille de 5 ans qui vit à Gaza. Quelques minutes plus tard, Hour regarde une bande annonce à la télévision: l’Aid dans un pays du Golfe…feu d’artifice, chants, cadeaux, bonbons…des enfants qui rient, les beaux vêtements neufs. J’entends la petite voix de Hour qui murmure: C’est un Aid comme cela que je veux… Petite Hour, tu ne l’auras pas cet Aid… ils ont aussi volé ta fête de l’Aid. Pas de balançoire, pas de jeu, pas de bruit de pétards, pas de chocolat, pas de vêtement neuf, pas d’électricité, pas d’eau, pas de maison pour beaucoup d’enfants de la Bande Gaza, pas de sourire sur les visages, pas de visite à la famille… pas de…pas de…

Mais… Un autre petit enfant martyr… il s’appelait Samir, il avait 4 ans, il habitait Jabalya; un obus tiré par un char a touché sa maison vers midi le jour de l’Aid (cessez le feu???) Et aussi Ibrahim …Ibrahim était hospitalisé depuis quatre jours à l’hôpital de Rafah (sud de la Bande de Gaza); il avait 2 ans…le jour de l’Aid il s’en est allé rejoindre les 237 autres petits enfants martyrs depuis le début de cette horrible guerre…

Une pensée aussi pour les 1949 enfants blessés… Certains sont encore allongés sur leurs lits d’hôpital, incapables de bouger, meurtris, défigurés…perfusés, des broches dans leurs petites jambes, les bandages qui entourent leurs petites têtes, leurs petits bras… Il fait chaud dans les chambres à plusieurs lits…ici pas d’air conditionné. Certains enfants ont perdu plusieurs membres de leur famille.

Je passe la journée à Shifa (avec d’autres internationaux pour assurer la protection de cet hôpital), le plus grand hôpital de la Bande de Gaza. Hôpital transformé en camp. Des centaines de familles vivent depuis plusieurs jours dans l’enceinte même de l’hôpital. Les plus chanceux ont pu étendre un drap entre deux arbres leur donnant une impression d’intimité…les moins chanceux ont trouvé une place à coté du tas d’ordure qui grandit jour après jour… pas de matelas, pas d’eau, pas de quoi cuisiner. Certains enfants fouillent dans les poubelles, d’autres pleurent, fatigués, nu-pied… vêtus de vêtements qu’ils portent depuis plusieurs jours…

Petit enfant palestinien, de réfugié tu es devenu déplacé. Demain qui seras-tu, où seras-tu… Que tu ne sois pas sur la liste des martyrs inconnus découverts sous les gravats des maisons détruites et dont le nombre ne cesse d’augmenter jour après jour; sept aujourd’hui.

Jour de fête de l’Aid à Gaza…des enfants continuent de mourir.

Il est 17h à Gaza, je m’apprête à vous envoyer ce texte quand une déflagration fait voler en éclats toutes les fenêtres de la pièce où je me trouve au sein de l’hôpital Shifa. Le temps de prendre nos ordinateurs et sacs…courir vers la sortie. Nous nous retrouvons dans la cour de Shifa; en moins de 2mn, des ambulances sirènes hurlantes, des dizaines de voitures particulières arrivent à Shifa. La panique… L’armée israélienne a lancé deux missiles à partir d’un drone sur le camp de Chatty, le camp le plus peuplé de la ville de Gaza. Un missile a ciblé un touc-touc qui transportaient des enfants et une grande roue sur laquelle se trouvaient également des enfants. Dix enfants sont morts en martyr et quarante autres sont blessés… Les criminels ont tué nos enfants: CRIME DE GUERRE. Crimes de guerre après crimes de guerre, qu’Israël et les états complices qui continuent de soutenir cet état criminel de façon inconditionnelle soient jugés. Ces crimes ne doivent pas rester impunis.

Sara

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