Par Michel Ouaknine.
90% des 1 100 000 enfants, femmes et hommes assassinés à Auschwitz-Birkenau ont été massacrés parce qu’ils étaient Juifs. Il faut se mobiliser pour se souvenir de cette horreur à chaque occasion.
Cette année, plutôt que de rappeler ces meurtres sur les lieux où ils ont été exécutés, la classe politique internationale a choisi de commémorer ce massacre dans un pays qui n’existait pas à l’époque, Israël, à plus de 3 000 km du lieu du crime. Pourtant on sait bien aujourd’hui que si elles en avaient eu la possibilité, la majorité des familles auraient choisi d’émigrer vers les Amériques pour échapper aux massacres.
21 000 enfants, femmes et hommes ont aussi été assassinés à Auschwitz-Birkenau en raison de leur « origine ». Elles ont été oubliées de cette commémoration. Faut dire qu’il s’agissait de ceux qu’on appelle en France les Bohémiens, Romanichels, Gitans, Manouches, Tziganes, Sintés… ceux qui font partie de la grande famille des Rroms.
En France, les autorités n’avaient pas attendu Vichy pour commencer à trier et ficher ces asociaux. Le gouvernement du Maréchal n’a eu qu’à organiser leur internement dans 31 camps comme ceux de Jargeau, Montreuil-Bellay ou Saliers. Et en plus, pour les garder il suffisait de surveiller étroitement les enfants (économie intéressante pour nos braves gendarmes): aucun Rrom n’aurait fui sans sa famille.
Et il faudra aux Rroms attendre encore un an après la Libération avant de pouvoir en sortir ! Et encore jusqu’en 2010 et François Hollande, pour que la France reconnaissance sa participation – plus précisément la responsabilité de Vichy – dans ces internements.
Il est difficile de savoir combien ont été remis par nos autorités aux nazis et combien ont été assassinés. Les études les plus récentes l’évaluent à un tiers des (environ) 42 000 Rroms vivant alors en France. A ma connaissance, la France n’y a reconnu aucune participation: seules n’auraient été déportées que les populations sous contrôle direct de l’armée allemande. En dehors de l’Allemagne qui a exterminé 75% de ses 20 000 Rroms, la France peut se féliciter de son « efficacités » dans sa participation au Samudaripen.
« Samudaripen » (« Tuez-les tous » en rromani, préféré à Porrajmos utilisé par Wikipédia mais qui a un double sens dans les dialectes rrom des pays slaves) est le terme utilisé aujourd’hui pour désigner le génocide du demi-million de Rroms européens, c’est-à-dire près des deux tiers de leur population. Les chiffres exacts qui sont dus au manque de documents écrits et à l’imprécision des recensements sont encore disputés par les historiens.
Mais plutôt que des chiffres déshumanisés rappelons qu’à l’UJFP nous participons tous les ans à « L’insurrection gitane », la fête qui célèbre le soulèvement du camp des familles rrom de Birkenau, le 16 mai 1944. L’association « La voix des Rroms » a choisi d’organiser cette commémoration sous la forme d’une kermesse au pied de la Basilique de St-Denis, à l’endroit même où, en 1427, une centaine de pèlerins « Égyptiens » – comme on les appelait alors par erreur – se présente aux autorités ecclésiastiques et attireront une foule curieuse de découvrir leurs talents artistiques et divinatoires…
C’est aussi pour transmettre ce souvenir que le Collectif de soutien aux Roumains d’Ivry organise dimanche prochain un après-midi consacré au Samudaripen et s’achevant par un spectacle poétique au théâtre Antoine Vitez (1 Rue Simon Dereure, 94200 Ivry-sur-Seine).