Le gouvernement français annonce, à grand renfort de publicité, la destruction imminente de la « jungle de Calais ». Les élections présidentielles approchent et l’extrême droite n’a même plus besoin de faire campagne : ses idées racistes d’exclusion et de déshumanisation de « l’autre », sont reprises par la droite et par le gouvernement dit « socialiste ». Les médias font leur part de ce sale travail en racontant, non pas les souffrances des habitants de la « jungle », mais celles des riverains, frappés par la crise et le chômage et qui ont trouvé le bouc émissaire à haïr : l’étranger que l’on est prêt à parquer n’importe où, mais pas « chez nous ».
Sarkozy avait « déménagé » Sangatte, Cazeneuve, Valls et Hollande vont déménager Calais. Ils n’ont certes pas les bus parisiens, le Vel d’hiv ou Drancy pour se débarrasser définitivement de ces 10.000 êtres humains privés d’humanité. Mais ils vont tout faire pour leur rendre la vie impossible, pour les forcer à partir. Où ? Peu importe, pas « chez nous ».
Les camps, les proscrits, la chasse au rom ou au « métèque », qu’il soit réfugié, migrant ou sans papiers, ça complète une évolution très dangereuse de notre société qui stigmatise les musulmans, fabrique l’ennemi intérieur, pourchasse les syndicalistes, interdit ou met en cage les manifestations et garantit l’impunité aux policiers coupables de violences. Une société qui généralise l’enfermement.
Aujourd’hui, l’État français a reconnu sa responsabilité dans la déportation des Juifs de France et on célèbre la mémoire de celles et ceux qui, au péril de leur vie, sont venus en aide aux proscrits. À quoi bon ces célébrations quand la parole raciste se libère exactement comme pendant les années 30, qu’on enferme à nouveau des populations sur la base de leurs origines et qu’on punit celles et ceux qui les aident.
« Ce n’est pas de notre faute » diront certains. D’ailleurs les migrants de Calais veulent aller en Angleterre, « c’est la faute des Anglais ». Comme si les patrons français n’étaient jamais allés chercher une main d’œuvre taillable et corvéable à merci afin d’augmenter leurs profits. À Calais, il y a des Afghans, des Irakiens, des Libyens. C’est bien sûr en rapport avec les guerres occidentales menées dans ces pays et qui ont achevé de détruire les structures sociales. À Calais, il y a des Syriens. Non seulement, on les a abandonnés mais on viole de façon flagrante le droit des réfugiés en refusant de les accueillir dignement. Ça rappelle le refus unanime d’accueillir les Juifs à la conférence d’Évian en 1938. On connaît la suite.
Au moment de la visite de Cazeneuve à Calais annonciatrice de l’arrivée des bulldozers, un coup d’État se déroulait au Gabon. Aucun rapport ? Si. L’association Survie nous l’explique dans sa déclaration : toutes les forces de sécurité sont équipées et formées par la France. Le conseiller à la sécurité est français. Il y a des centaines de militaires français sur place. Ce sont des multinationales françaises qui exploitent les ressources naturelles et la fortune amassée par les Bongo père et fils est en France. Dans quelques mois, il y aura des Gabonais à Calais ou dans le camp qui aura été reconstruit à la place.
À l’UJFP, nous gardons le souvenir douloureux de tout ce qu’a produit le racisme, le colonialisme, le mépris, la déshumanisation, l’exclusion de l’état de droit ou l’enfermement. À rebours du pire que nous voyons monter, nous nous battrons avec d’autres pour que ce monde de camps et de haine ne soit pas le seul horizon possible. Nous lui opposerons sans relâche des valeurs de respect, d’égalité, de partage, d’humanité, d’enrichissement mutuel et de solidarité.
Le Bureau National de l’UJFP, le 5 septembre 2016