Intervention de Pierre Stambul, en ouverture de la soirée du 13 février 2018 avec Rebecca Vilkomerson, directrice exécutive de Jewish Voice for Peace (JVP).
Certains voudraient nous faire croire que la guerre au Proche-Orient est religieuse, communautaire ou raciale.
Nos amis de JVP nous démontrent tous les jours le contraire. C’est au nom de leur identité juive qu’ils se battent tous les jours pour une paix fondée sur l’égalité des droits et la justice.
La Palestine vit les pires heures de son histoire. En Cisjordanie et à Jérusalem Est, la population subit tous les jours la confrontation violente avec les colons et l’armée. Tous les jours, de nouvelles colonies sont construites. L’armée israélienne tue impunément, arrête des enfants et torture. La « détention administrative » est devenue la règle avec des prisonniers emblématiques : Ahed Tamimi, Salah Hamouri, Khalida Jarrar.
Gaza est une prison où l’occupant expérimente comment on peut retirer du monde deux millions de personnes dans la pénurie généralisée d’eau potable et d’électricité. L’apartheid frappe aussi les Palestiniens d’Israël qui vivent des discriminations au travail, à la possession de la terre et au logement. Un nouveau nettoyage ethnique est à l’œuvre dans le nord du Néguev.
Ceux qui commettent ces crimes profanent l’histoire, la mémoire et les identités juives. Ils les justifient au nom du judaïsme en se réclamant de la mémoire de l’antisémitisme et du génocide nazi. Cette justification est pour vous comme pour nous une obscénité.
Je vais citer ce qu’a écrit Janina Herscheles, rescapée du camp d’extermination du ghetto de Lvov et aujourd’hui « Femme en Noir » à Haïfa : « L’histoire a connu plusieurs déplacements de population, mais notre passé tragique ne nous donne pas le droit, en Israël, de confisquer des terres, de détruire des maisons, d’arracher des champs d’oliviers entretenus pendant des générations. C’est faire peu de cas de la Shoah que d’agir ainsi. Au contraire, notre avenir au Proche-Orient dépend de notre capacité à mettre en place des conditions qui nous permettent de vivre ensemble, sans le retour cyclique des violences et des guerres. »
Israël est devenu un pays profondément raciste : contre les Palestiniens injuriés tous les jours par tous les dirigeants : Qui a dit des mères palestiniennes : « elles doivent mourir et leurs maisons doivent être détruites de telle sorte qu’elles ne puissent plus abriter de terroriste » ? C’est Ayelet Shaked, ministre de la « justice ».
Racisme profond aussi contre les Noirs. Qui a dit à leur propos au moment de l’inondation de New Orleans : « Là-bas, ce sont des Nègres. Les Nègres ont-ils apporté la Torah ? Yallah, un ouragan s’est abattu sur eux et les a noyés parce qu’ils n’ont pas de Dieu. » ? C’est feu le rabbin Ovadia Yossef, fondateur du parti Shas.
Racisme interne à la société juive israélienne. Nous nous félicitons que JVP, comme l’UJFP consacre une importante partie de son activité à la lutte contre le racisme, au côté de toutes les forces antiracistes des États-Unis. L’UJFP a produit un livre « Une parole juive contre le racisme » et 10 clips sur le même sujet. Elle a publié le « manifeste des enfants cachés » et est intervenue à la frontière italienne pour venir en aide aux migrants.
Nous savons que ce qui se passe au Proche-Orient est le résultat de l’impunité accordée à Israël, quoi que fassent ses dirigeants. Ce n’est pas parce qu’ils sont mal informés que les dirigeants occidentaux soutiennent inconditionnellement Israël. C’est parce que ce pays surarmé et aux technologies de pointe, est leur État, morceau d’Occident installé au Proche-Orient. La politique israélienne est pour eux un exemple de la façon dont on peut contrôler et enfermer les populations jugées dangereuses. Parmi ces dirigeants, il y a Trump qui vient de mettre le feu à la région en décrétant que Jérusalem était la capitale d’Israël. Mais il y a aussi Macron et les autres dirigeants de l’Union Européenne qui maintiennent des clauses de commerce privilégié avec Israël et qui s’opposent vigoureusement à toute sanction contre cet État voyou.
À l’UJFP, nous sommes résolument pour le BDS. Un boycott complet : politique, militaire, économique, commercial, universitaire, culturel, syndical, sportif. Les trois grandes revendications de l’appel palestinien au boycott sont les nôtres : liberté, égalité, justice. Et les anticolonialistes israéliens nous invitent à boycotter leur pays.
Les autorités françaises essaient de criminaliser le BDS et l’antisionisme en les assimilant à de la « discrimination ». Nous ne les laisserons pas faire.
Rebecca, nous espérons que ta venue contribuera à renforcer une structuration internationale de Juifs/ves opposés à la politique israélienne.
Les projets de faire d’Israël « l’État-Nation du peuple juif » et les annexions de territoire qui sont en cours sont des menaces terribles. Une défaite des Palestiniens serait une défaite de toute l’humanité.
Le sionisme n’est pas seulement un crime contre les Palestiniens, c’est une catastrophe suicidaire pour les Juifs/ves.
Pierre Stambul