Aux armes, historiens

Par André Rosevègue.

Le roman national est en débat. Le numéro 166 de « Manière de voir », le supplément du Monde Diplomatique de Août Septembre 2019, reprend sous ce titre, « Aux armes, historiens » 23 articles parus depuis une vingtaine d’années (et 3 inédits), regroupés autour de trois thématiques
– un début de joie, la fraternité
– l’égalité, un mensonge de la République ?
– Liberté, combats avec tes défenseurs !à la télévision.

Pour 8,50 euros, une bonne façon de faire le point sur les enjeux de l’Histoire, à un moment où, à la télévision, dominent Laurent Deutsch et Stéphane Bern, qui y réhabilitent Marie Antoinette guillotinée par un « peuple régicide » et où Jean-Michel Blanquer prône un récit chronologique permettant « des sentiments positifs, de l’optimisme » (citations que je tire de l’édito du numéro écrit par Benoit Bréville et Evelyne Pieiller).

Retour bienvenu sur le printemps des peuples, la Commune, le Front populaire, Mai 68 ; retour sur la grève comme sur la France paysanne.

Plusieurs articles nous interpellent directement dans notre quête d’une décolonisation de notre propre vision du passé comme du présent.

Le journaliste Jacques Denis, dans « Antilles, de l’esclave à l’exploité », rappelle que la fin de l’esclavage ne signifie pas la fin de la domination, et encore moins celle de l’exploitation. Il présente le Mémorial ACTe, centre caribéen d’expressions et de mémoire de la traite et de l’esclavage à Pointe-à- Pitre. Son chargé de mission, Pierre Reinette, considère que la « mémoire des Esclavages », titre d’un livre d’Edouard Glissant, demeure escamotée.

Elikia M’Bokolo, historien, directeur d’études à l’EHESS à Paris, revient sur « es ramifications de la traite des Noirs. Il montre comment l colonialisme naissant a pu se parer des atours des prétendus devoirs des « civilisations supérieures ». Et en 1946 des députés devaient encore écrire au Ministre des colonies : « De quelque nom que l’on masque le travail forcé, on ne peut pas faire ue ce ne soit pas en fait et en droit l’esclavage rétabli et encouragé » !

Anne Mathieu, directrice de la revue Eden (Nantes), rappelle « Jean-Paul Sartre et la guerre d’Algérie », où  « il prend le parti de la justice contre celui de l’ordre ».

Benoit Bréville, le rédacteur en chef du Monde Diplo, évoque « la grande obsession de l’intégration ».

Walter Benn Michaels, professeur de littérature à l’université de l’Illinois, auteur de « La diversité contre l’égalité », dans un article « liberté, fraternité, diversité », explique que la diversité n’est pas un moyen d’instaurer l’égalité, c’est une méthode de gestion de l’inégalité.

Christophe Wargny, maître de conférence au CNAM, est l’auteur de « Haïti n’existe pas, 200 ans de solitude » ; Dans son article « Les Spartacus de Saint-Domingue » , il revient sur le soulèvement victorieux contre le rétablissement par Bonaparte de l’esclavage.

Bref, un numéro passionnant, en vente dans toutes les bonnes librairies et dans les maisons de la presse. Nous n’avons pas la même idée que Blanquer de ce qui peut rendre optimiste. Nous ce serait plutôt toutes ces références à des épisodes de l’Histoire où ceux d’en bas ont cessé de subir la loi des dominants.