Au Canada, le pluralisme juif mis à mal

Alors le CRIF s’agite en France dès qu’on parle des droits des Palestiniens ? Même son de cloche outre-Atlantique chez son homologue canadien, le CJC (Congrès juif canadien).

Cette instance, à l’instar de sa contrepartie française, se proclame le « parlement du judaïsme canadien », représentant la diversité de la communauté juive au pays de la feuille d’érable (symbole national qui orne le logo du CJC à côté de l’étoile de David). Le prenant à la lettre, un groupe de Juifs canadiens, résidant dans la partie francophone comme dans la partie anglophone du pays, présents dans six provinces s’étendant de côte atlantique jusqu’à la côte pacifique, ont tout bonnement déposé une demande d’adhésion au Congrès juif canadien.

Mal leur a pris, car après de longs mois de tergiversations, le Conseil national du CJC leur a signifié dans un courrier laconique que leur demande a été refusée, sans donner la moindre explication.

Cette décision a été communiquée à l’ACJC (Alliance de Canadiens juifs concernés / Alliance of Concerned Jewish Canadians) à l’avant-veille de l’assemblée générale du CJC tenue dans une synagogue d’Ottawa le 15 juin. La missive s’est contentée d’informer les malheureux candidats à l’adhésion qu’un mystérieux « comité d’enquête » du CJC a conclu qu’ils n’étaient tout simplement pas éligibles. Et pourtant, le groupe répond à tous les critères d’adhésion figurant dans les statuts du CJC.

On peut quand même soupçonner les motifs du « comité d’enquête » quand on sait que l’ACJC a défié la chronique l’année dernière dans la presse canadienne (y compris dans la presse juive du pays). Dans sa lettre ouverte repris par plusieurs journaux, l’Alliance a affirmé en mars 2006 « qu’Israël continue à poursuivre une stratégie essentiellement militaire, prétendant parler au nom du peuple juif à travers le monde. En l’absence d’une voix juive dissidente publique, tous les Juifs sont ternis par défaut avec les retombées d’une telle politique. On n’a donné l’opportunité aux Canadiens juifs ni de discuter ces questions, ni de faire connaître notre point de vue, hormis par l’entremise des médias, groupes et comités qui ont été marginalisés. L’heure est arrivée pour ceux parmi nous qui avons une vision différente de prendre la parole sur la place publique afin de présenter notre position à la communauté juive canadienne et au peuple du Canada. (…) Nous nous sommes organisés pour créer à travers le pays une alliance de forces juives contre l’occupation, prête à présenter notre point de vue à l’intérieur de la communauté juive et devant le grand public. »

Le refus du CJC d’admettre en son sein ces Juifs, pourtant éligibles à adhérer, se comprend alors mieux. Depuis la publication de sa lettre ouverte, l’ACJC a soutenu le droit du SCFP (Syndicat canadien de la fonction publique) de prendre la décision qu’il a faite lors de son dernier congrès, à l’effet de soutenir la campagne BDS (boycott, désinvestissements, sanctions) contre Israël aussi longtemps que ce dernier impose son occupation sur les territoires palestiniens. Les choses se clarifient. Tout comme le CRIF, le CJC, contrairement à ce qu’il prétend, ne représente pas « les divers courants de la population juive du Canada ». Il ne représente qu’une fraction de celle-ci, cette partie des Juifs qui sont voués corps et âme à l’actuelle politique de l’État d’Israël. Bonjour les dégâts pour le pluralisme !