Paris, le 28 mai 2025
Le 4 juin, le Salon de l’armement du Bourget devra répondre devant la justice de l’accueil d’entreprises qui participeraient aux crimes internationaux israéliens, ou contourneraient les sanctions contre la Russie et le Soudan.
Du 16 au 22 Juin 2025, le parc des expositions du Bourget (93) accueillera l’un des plus grands salons mondiaux de l’aéronautique et de l’espace civil et militaire. 2500 exposants, industriels et start-ups venues de 48 pays viennent présenter leurs derniers produits (missiles, drones, bombardiers…) pour signer des contrats avec des États du monde entier.
D’après les informations publiées sur le site internet de la société SIAE, organisatrice du salon, huit entreprises d’armement israéliennes exposeraient leurs produits et leurs activités lors de l’événement. Il ne devrait pourtant exister aucun doute quant au soutien que ces entreprises apportent à l’effort de guerre mené par Israël dans les territoires palestiniens occupés (TPO), au vu des éléments accessibles sur leurs sites ou réseaux officiels. Certaines iraient même jusqu’à promouvoir leurs armements comme ayant été « testés au combat » à Gaza. Le SIBAT, Direction de la coopération internationale du ministère israélien de la Défense, figure également sur la liste officielle des exposants.
De plus, plusieurs entreprises d’armement, d’autres nationalités, qui continueraient à fournir directement ou indirectement du matériel militaire à des entreprises, délégations ou intermédiaires israéliens, seraient, elles aussi, annoncées parmi les exposants.
Faute d’avoir pu obtenir une date en référé classique vendredi, les associations Al-Haq, Union juive française pour la paix (UJFP), Attac-France, Stop Fuelling War (SFW) et Survie ont soutenu une requête hier matin demandant un référé d’heure à heure (c’est à dire de fixer une date d’audience en urgence).
Le tribunal de Bobigny a accepté et a fixé l’audience le 4 juin à 9h30, autorisant ainsi les associations à demander à la justice d’obliger SIAE à prendre toutes les mesures en son pouvoir pour empêcher la promotion ou l’accueil au salon d’entreprises, délégations ou intermédiaires susceptibles de participer à la perpétuation des crimes commis par Israël, alors la Cour Internationale de Justice (CIJ) a affirmé et rappelé à plusieurs reprises la plausibilité du génocide à Gaza et que la Cour Pénale Internationale (CPI) a émis des mandats d’arrêts pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité à l’encontre du Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahu et de l’ancien ministre israélien de la défense Yoav Gallant. Les crimes visés comprennent le meurtre et le recours à la famine comme arme de guerre.
En dépit d’une insécurité alimentaire aiguë1, et des appels répétés émanant de nombreuses instances internationales exhortant Israël à mettre un terme à la commission des crimes les plus graves, le nombre de civils tués augmente encore chaque jour en Palestine. L’armée israélienne a déclaré le 18 mai le lancement de l’opération « Chariots de Gédéon » dont le but affiché est d’ « attaquer Gaza de toutes ses forces » (B. Netanyahou).
On compte aujourd’hui plus de 52 000 morts selon l’ONU dont au moins la moitié de femmes et d’enfants, et plus de 118 000 blessé·e·s à Gaza et en Cisjordanie. Gaza compte le plus grand nombre d’enfants amputés par habitant au monde2. L’acheminement de l’aide humanitaire est rendu chaque jour plus difficile -et ce alors que dès mars 2024, les Nations Unies estimaient déjà que « 100 % de la population de Gaza [était] dans une situation d’insécurité alimentaire grave (ou de famine). Ces éléments ne font que renforcer la conclusion de la CIJ portant sur la plausibilité du génocide » 3 à Gaza.
Par ailleurs, une seconde assignation distincte portée par Attac-France, Survie et Stop fuelling War, a été déposée conjointement au même tribunal et sera plaidée le 4 juin à 9h30 également. Les associations plaignantes reprochent au SIAE la promotion et la participation au salon d’entreprises qui alimenteraient indirectement les conflits en Ukraine et au Soudan, à travers la livraison d’armes à des entreprises de pays tiers, tels que les Emirats Arabes Unis.
Depuis l’invasion russe du 24 février 2022, la guerre continue de faire rage en Ukraine, faisant plus de 40 000 victimes civiles dans le pays : 12 000 tués et 29 000 blessés. La CPI a ouvert une enquête sur les crimes commis en Ukraine dès mars 2022 et a depuis émis 6 mandats d’arrêt dont un contre le président russe Vladimir Poutine pour les crimes de guerre de déportation et transfert illégal de population.
Enfin depuis avril 2023, le Soudan est plongé dans une guerre civile dévastatrice opposant l’armée régulière aux milices paramilitaires des Forces de Soutien Rapide (FSR), reconnues par la communauté internationale comme étant responsables de graves crimes internationaux, incluant pillages, exécutions et violences sexuelles, particulièrement dans la région du Darfour où un risque réel de génocide a été identifié contre la communauté Masalit. Ce conflit a causé plus de 150 000 morts et déplacé près de 13 millions de personnes tandis que la moitié des 44 millions de Soudanais sont aujourd’hui menacés par la famine.
Les assignations visent à faire cesser un « trouble manifestement illicite » et à prévenir un risque de « dommages imminents » extrêmement graves aux peuples palestiniens, ukrainiens et soudanais, dans la mesure où le salon pourrait servir de plate-forme commerciale renforçant le pouvoir économique d’entités susceptibles de participer directement ou indirectement à la perpétuation des crimes internationaux en question.
Sans les armes et composants provenant de multinationales du monde entier, ces crimes ne pourraient être perpétrés avec une telle intensité. Ce commerce s’apprête à avoir lieu sur notre sol, à quelques kilomètres de Paris, et les impôts des français à travers le budget de la défense, pourraient être versés à des multinationales de l’armement, qui pourraient participer à ces crimes.
Tout en dénonçant l’inaction persistante des autorités françaises face au risque sérieux de génocide à Gaza, ainsi que celle de la communauté internationale, qui n’a toujours pas adopté de sanctions économiques à l’encontre d’Israël — alors qu’elle a su le faire dans les cas de la Russie et du Soudan —, ces assignations rappellent avec insistance la nécessité de ne pas occulter la responsabilité des acteurs privés dans le soutien parfois même indirect à la commission de crimes internationaux graves, prévus et sanctionnés par notre Code Pénal.
Les deux assignations ont été rédigées avec la coordination, l’aide juridique et stratégique de la coalition Droit et mouvements sociaux, et grâce aux recherches de membres des collectifs en soutien.
Elles s’inscrivent dans un contexte de mobilisation sociale croissante contre les politiques de militarisation de la France et de l’Europe, contre l’impunité d’acteurs qui tirent profit de la guerre, contre la tenue du salon du Bourget dans ces conditions, et contre la répression grandissante des défenseurs des droits des peuples visés dans ces recours (en témoigne la menace récente de dissolution d’Urgence Palestine), mobilisation menée notamment par la coalition Guerre à la guerre et la dynamique Stop Bourget, qui soutiennent cette démarche judiciaire.
L’audience est publique. Est donc bienvenue toute personne sensible à ces sujets d’une importance cruciale, mais elle devra se présenter sans signe distinctif apparent de soutien à l’un des peuples visés par les assignations, pour respecter les règles du tribunal et ne pas nuire à l’audience et aux associations.
Une cagnotte a été lancée pour pouvoir continuer de mener cette action qui s’annonce être de longue haleine. La justice coûte cher, mais peut être une stratégie efficace pour défendre au mieux les droits des peuples palestiniens, ukrainiens et soudanais.
Chaque contribution compte !
Contacts presse :
Al-Haq, joel.alhaq@gmail.com
Droits et Mouvements Sociaux, Droitetmouvementssociaux@proton.me
Survie, contact@survie.org
Coalition guerre à la guerre (qui regroupe une vingtaine de collectifs dont les Soulèvements de la Terre, Stop Arming Israel France, Urgence Palestine, la Marche des Solidarités)
Dominique Cochain, avocate et cofondatrice d’Avocats pour la Justice au Proche Orient (AJPO) dcochain@cabinetcochain.fr, qui représente les associations, aux côtés de Laura Monnier, Matteo Bonaglia, et Amélie Beauchemin.
Note-s
- https://www.ipcinfo.org/ipc-country-analysis/details-map/en/c/1159596/[↩]
- https://www.ungeneva.org/fr/news-media/news/2024/12/101341/gaza-compte-le-plus-grand-nombre-denfants-amputes-par-habitant-au[↩]
- https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/040325/pas-d-espoir-de-paix-durable-sans-justice-des-j[↩]