Après la Palestine, la Kanaky : le grand remplacement en cours…

Un an après les émeutes urbaines du printemps 2023 en France métropolitaine, c’est une autre banlieue à l’autre bout du monde, en périphérie du Pacifique mais placée sous l’administration coloniale du gouvernement français, qui s’est embrasée en ce mois de mai 2024. À l’explosion de violences dont les causes s’expliquent par l’exclusion des jeunes Kanaks et le mépris affiché de la revendication indépendantiste mise à mal par les découpages administratifs de la dernière réforme électorale, l’exécutif – le président Macron et son ministre de l’intérieur en tête – est resté sourd aux avertissements de l’Union Calédonienne, principal parti indépendantiste, et aura traité avec mépris, au risque d’un inévitable embrasement, le travail de terrain, criminalisant la CCAT1 et ne voyant dans ces émeutes aucun motif politique.

Au moment même où la question coloniale revient au cœur de la guerre génocidaire menée par Israël contre les Palestiniens, force est de constater que toute une France repliée derrière un arc « soi-disant » républicain impliquant la pire des extrêmes-droites semble avoir oublié que la Nouvelle-Calédonie est toujours placée par l’ONU dans les territoires à décoloniser… Les différents peuples de ces terres insulaires du Pacifique, dispersées mais étroitement liées par une culture de la solidarité et donc proches des revendications kanaks, ont été choqués par la réponse exclusivement répressive du gouvernement français ne voyant dans cette explosion de colère légitime que de la délinquance alcoolisée. Dans les banlieues de Nouméa où les jeunes kanaks sont jugés indésirables, on ne peut que déplorer la prégnance du racisme, des discriminations, des inégalités sociales. La police a laissé agir en toute impunité des groupes de colons paramilitaires tirant sans état d’âme sur une population privée de droits dans une société marquée par plus d’un siècle de domination coloniale. La brutalité avec laquelle un pouvoir centralisé méconnaissant la situation locale a réagi à cette flambée de violence qui pourrait bien s’étendre à l’ensemble des DOM/TOM fait suite au traitement scandaleux de cette même situation à Mayotte. Elle rappelle que le colonialisme, loin d’avoir disparu, continue de miner de l’intérieur la société française et réveille bien des nostalgies revanchardes…

Colonie de peuplement depuis le milieu du XIXème siècle, l’archipel de Nouvelle-Calédonie fut marqué dès l’origine par des révoltes sanglantes : des milliers de morts dans la population autochtone privée de droits en 1878 ; la tête du chef kanak Ataï tranchée par un traitre a été conservée dans le formol et placée dans un musée parisien, pour l’exemple, ce qui ne manqua pas de scandaliser Louise Michel alors déportée suite à la répression de la Commune ! On se souvient aussi dans un passé récent qui a vu émerger le FNLKS2, des assassinats de Jean-Marie Djibaou, d’Eloi Machoro et le terrible massacre de la grotte d’Ouvéa impliquant directement la responsabilité de l’État français. En dépit d’une paix très relative dans les années 80 obtenue par la négociation, des référendums et les limites à l’accaparement des terres, autant de mesures placées sous le contrôle d’organismes internationaux dont la CEDH, les affrontements violents n’ont jamais cessé d’autant que les migrations successives auront considérablement limité au fil du temps les droits de la population kanak devenue minoritaire sur son propre territoire : travaux forcés sous napoléon III impliquant après leurs peines des colons de seconde zone, occupation américaine pendant la seconde guerre mondiale, arrivée de nombreux migrants quand furent découverts et exploités les gisements de nickel, pieds-noirs fuyant l’Algérie indépendante etc…

La lutte contre le colonialisme est une priorité pour l’Union Juive Française pour la Paix. Aussi, nous rejoignons les revendications de l’association Survie dont le champ d’action militante et de réflexion ne se limite pas qu’à la Françafrique et qui a récemment dénoncé la violence coloniale en Nouvelle Calédonie3. Notre organisation exprime à son tour sa totale solidarité avec le peuple kanak dans son combat légitime pour son droit à vivre dans la dignité, l’égalité et la justice et pour que toutes les voies luttant courageusement pour la reconnaissance de la Kanaky à son autodétermination puissent librement se manifester, sans menaces politiques, judiciaires ou physiques.

La Coordination nationale de l’UJFP le 9 mai 2024


Note-s
  1. CCAT : Cellule de Coordination des Actions sur le Terrain.[]
  2. FLNKS : Front de Libération National Kanak et Socialiste.[]
  3. https://survie.org/pays/kanaky-nouvelle-caledonie/article/kanaky-nouvelle-caledonie-contre-la-violence-coloniale[]