APRÈS LA CONFÉRENCE D’ANNAPOLIS, CELLE DE PARIS

À Annapolis, on pose le cadre politique sous le parrainage de George W. Bush. À Paris, on passe à la caisse. C’est ainsi qu’on peut résumer la conférence des donateurs qui a eu lieu dans la capitale française le 17 décembre. Les pays donateurs (principalement européens et arabes) ont promis 5,1 milliards d’euros (7,4 milliards de dollars) sur trois ans. Les États-Unis, dont l’aide économique à Israël se chiffre par milliards de dollars au cours des dernières années, étaient parmi les plus petits donateurs pour les Palestiniens à la conférence de Paris. Les sommes réunies doivent assurer le fonctionnement de l’Autorité palestinienne, menée au bord de la faillite par l’occupation. Hormis ce plan de sauvetage, ces fonds doivent également servir à créer les bases d’un éventuel État palestinien.

Seulement, les conférences d’Annapolis et de Paris n’ont imposé aucune obligation à Israël de lever son bouclage des territoires palestiniens, de supprimer les barrages militaires (plus de 500 check-points) qui hérissent la Cisjordanie, de cesser son étranglement de Gaza, de renoncer à son monopole de contrôle sur la plupart des sources d’eau potable, de mettre fin à ses incursions militaires, d’arrêter les bombardements des infrastructures palestiniennes ou même de mettre un terme aux menaces de coupures d’électricité à Gaza. Il va sans dire que ces conférences n’ont même pas évoqué d’éventuelles réparations financières d’Israël, comme puissance occupante, pour avoir systématiquement détruit l’économie des territoires qu’il occupe.

Dans ces conditions, quel espoir de développement économique pour les Palestiniens ? Aussi nécessaire soient-ils comme aide d’urgence pour des institutions palestiniennes en banqueroute, ces 5,1 milliards d’euros promis par la communauté internationale ne sont que de l’argent perdu dans le puits sans fond de l’occupation. Sans liberté de développer une économie autonome, les Palestiniens demeurent prisonniers des bouclages, check-points, colonies, expropriations, bombardements, coupures d’électricité et autres ravages causés par l’occupation. Ils demeurent donc des assistés, bien malgré eux. Car les Palestiniens ne demandent pas la charité ; ils ne demandent que l’indépendance nationale et le respect.

Selon la chercheuse Caroline Abu-Sada, l’aide économique au cours des dernières années a « emprisonné l’Autorité palestinienne dans une dépendance à l’égard des subsides internationaux ». Pire, elle a « fini par déresponsabiliser l’État d’Israël de ses obligations en tant que puissance occupante ». Selon un des responsables palestiniens, Maen Erakat, l’aide internationale a augmenté de 300 % en 2006 alors que le revenu des Palestiniens a reculé de 10 % en raison des restrictions de mouvements imposées par les barrages militaires israéliens. Dans un rapport présenté à la conférence des donateurs à Paris, la Banque mondiale affirme que même un taux de croissance de 5 % par an « aura peu d’impact sur le taux de pauvreté » à cause de « l’expansion de colonies » et de l’imposition par Israël des « restrictions sur l’accès des marchandises et des individus ». Quant au FMI (Fonds monétaire international, désormais présidé par Dominique Strauss-Kahn), il déclare pudiquement que pour assurer le développement économique des territoires palestiniens, « les restrictions israéliennes sur les mouvements et les accès doivent être allégés ».

Il est fort à parier que si ces 5,1 milliards d’euros venaient du budget israélien et non des dons exceptionnels de la communauté internationale, Tel-Aviv aurait une toute autre attitude face aux infrastructures palestiniennes qu’il s’emploie à détruire en toute impunité.

Un inventaire détaillé de l’utilisation de l’aide internationale dans ces circonstances a été publié dans Le Figaro du 17 décembre sous la plume de Georges Malbrunot, intitulé « L’argent gaspillé de la paix ».