Appel européen pour la défense du droit à l’éducation en Palestine : l’Union européenne doit agir maintenant pour arrêter les agressions israéliennes

par l’AURDIP (Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine), le 22 octobre 2015

L’AURDIP et BRICUP (British Committee for Universities of Palestine) ont écrit le 22 octobre 2015 au Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et au Commissaire européen à la recherche, à la science et à l’innovation pour les alerter sur la situation dramatique des étudiants palestiniens confrontés à la nouvelle agression israélienne qui cible particulièrement la jeunesse palestinienne et son système éducatif. La lettre demande instamment la suspension de l’accord d’association UE-Israël.

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Federica Mogherini, Haut-Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité

Carlos Moedas, Commissaire européen à la recherche, à l’innovation et à la science

Madame, Monsieur,

Pour la deuxième fois cette année, nous devons attirer votre attention sur le comportement illégal des forces d’occupation israéliennes envers les étudiants, les enseignants et les professeurs palestiniens. Notre lettre du 22 février documentait plusieurs occurrences de détention administrative, de celle d’un astrophysicien internationalement connu au cas d’un garçon de 14 ans[note]Comment Israël s’en prend au système éducatif palestinien , lettre de l’AURDIP et du BRICUP à Federica Mogherini, Haut-Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et à Carlos Moedas, Commissaire européen à la recherche, à l’innovation et à la science, en date du 22 février 2015.]]. Nous avons de fait montré qu’une campagne de harcèlement est dirigée spécifiquement vers les mineurs. Nous vous avons demandé de reconnaître qu’Israël rompait clairement ses obligations selon l’article 2 de l’accord de coopération[note]L’article 2 de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël stipule que « les relations entre les partis, ainsi que toutes les dispositions de l’accord lui-même, sont fondées sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, qui guide leur politique intérieure et internationale et constitue un élément essentiel de cet accord ».]] et de transmettre cette conclusion à la Commission européenne. Une conséquence évidente des violations répétées d’Israël est, assez clairement, que l’accord d’association entre Israël et l’Union européenne doit être suspendu, sinon annulé.

Avec tristesse et inquiétude, nous devons vous signaler que la situation s’est sérieusement aggravée depuis notre lettre précédente et qu’elle dégénérera davantage encore sans une action rapide. Nos collègues des universités palestiniennes signalent des cas extraordinaires de violence contre les étudiants. Quelques exemples suffiront à représenter la situation.

Le 22 septembre, à un checkpoint d’Hébron, un soldat israélien a abattu Hadeel al-Hashlamon, une étudiante de 18 ans de l’université d’Hébron, et l’a laissée saigner à mort. Des sources israéliennes affirment qu’elle tentait de poignarder le soldat, mais les photographies le démentent. Amnesty International a appelé ce tir « un cas d’exécution extrajudiciaire »[note]Evidence obtained by Amnesty International indicates that the killing of Hadeel al-Hashlamoun by Israeli forces in Hebron, in the occupied West Bank, on 22 September 2015 was an extrajudicial execution , Amnesty International, 24 septembre 2015 ; voir aussi Des militaires israéliens abattent une étudiante au Checkpoint de la rue Chouhada : “il leur aurait été si facile de l’arrêter ! Mais ils ne l’ont pas fait » , International Solidarity Movement, Al-Khalil team, 22 septembre 2015.]].

Le 7 octobre, deux étudiants de l’université Beir Zeit, Abdul Rahman Abu Dahab et Ahmed Walid Hamid ont été brutalement frappés pour avoir manifesté et on a délibérément tiré à bout portant dans la jambe du second alors qu’il était attaché[note]L’Université de Birzeit demande aux institutions universitaires et des droits de l’homme de dénoncer les crimes de l’occupation israélienne , 8 octobre 2015 ; voir aussi la vidéo de l’incident .]]. Où ils se trouvent actuellement est inconnu.

Le 7 octobre, Shurouq Dwayyat, une étudiante de 18 ans de l’université de Bethléem, a été attaquée dans la vieille ville par un colon, qui a essayé d’arracher son voile. Lorsqu’elle l’a repoussé en légitime défense, il a tiré sur elle. Elle est restée plus d’une semaine en soin intensif[note]Israeli settler opens fire on girl who he claims ‘tried to stab him’ , Palestine News Network, 7 octobre 2015.]].

Le 13 octobre, les forces israéliennes ont pris d’assaut le campus de l’université Al-Quds à Jérusalem-Est, arrêtant huit étudiants et causant des dommages importants[note]L’éducation sous occupation : perturbation quotidienne à l’université palestinienne , par Brendan Browne, The Conversation, 14 octobre 2015 ; voir aussi Les affrontements avec les forces israéliennes font des blessés palestiniens à l’université al-Quds , Ma’an News Agency, 4 octobre 2015.]].

Le 13 octobre, l’université technique de Tulkarem a été obligée de fermer jusqu’à nouvel ordre après un assaut des forces israéliennes[note]Palestinian university closes due to Israeli threats to storm it , Middle East Monitor, 13 octobre 2015.]].

Il y a bien sûr beaucoup d’autres exemples choquants de la brutalité israélienne au cours de la flambée actuelle de violences, en particulier envers les personnes appartenant au groupe d’âge des étudiants[note]“Israel’s Arbitrary Killings and its System of Structural Violence” , rapport de l’Observatoire Euro-Méditerranéen pour les Droits de l’Homme, 16 octobre 2015 (résumé français ).]]. Les forces d’occupation israéliennes ont de longs antécédents en ce qui concerne le ciblage spécifique des écoles et des universités. Pendant la première Intifada, de 1988 à 1992, par exemple, tout le système d’éducation palestinien, du haut jusqu’en bas, a été fermé sur ordre militaire[L’université Birzeit été fermée sur ordre de l’armée quinze fois, la fermeture la plus longue durant quatre ans et demi (1988-1992) pendant la première Intifada. Pendant cette période, les militaires israéliens ont fermé toutes les crèches, toutes les écoles et toutes les universités palestiniennes, rendant de fait l’éducation illégale. Les étudiants et les universitaires risquaient l’arrestation s’ils faisaient cours, défiant l’oppression militaire, et le seul acte de porter un manuel suffisait à justifier interrogatoire et détention. [History of the Right to Education Campaign at Birzeit University ]]. Malgré des efforts continuels pour entraver le secteur universitaire palestinien (très récemment documentés par une délégation universitaire européenne[note]Les universités palestiniennes sous l’occupation , rapport préparé par une délégation de 8 universitaires, originaires de 5 pays européens, représentant la plateforme européenne pour le boycott académique et culturel d’Israël (EPACBI) et qui ont visité sept universités et académies palestiniennes en avril 2015.]]), ces universités ont démontré une remarquable résistance. De fait, la Palestine est maintenant largement perçue comme ayant un des meilleurs systèmes éducatifs du Moyen-Orient. Nous craignons que ce succès ne soit désormais compromis, le système universitaire risquant des fermetures complètes et de longue durée comme dans le passé.

Le droit à l’éducation est inconditionnel[note]L’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et les articles 13 & 14 de la Convention internationale sur les droits économiques, sociaux et culturels.]]. L’occupation militaire de la Cisjordanie est illégale, comme le reconnaissent à la fois l’Union européenne et les Nations Unies. Nous vous demandons une fois encore d’informer la Commission européenne qu’Israël viole les dispositions de la Quatrième Convention de Genève et ne respecte pas ses obligations selon l’article 2 du traité de coopération avec l’Union européenne. En conséquence ce dernier doit être suspendu.

Avec nos sentiments respectueux,

Ivar Ekeland, Président de l’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine (AURDIP)

Jonathan Rosenhead, Chair, British Committee for the Universities of Palestine (BRICUP)

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