Il y a dix jours, la grande nouvelle de la part d’Israël était que Benny Gantz abandonnait son opposition à Benjamin Netanyahou en pleine urgence du coronavirus et qu’ils s’orientaient vers un gouvernement « d’unité » d’anciens rivaux doté d’une forte majorité exclusivement juive : le bloc de 58 sièges de Netanyahou avec les 15 de Gantz anéantissait le parti Bleu Blanc.
Maintenant, les jours passent et il n’y a pas de gouvernement israélien. Pourquoi ? Les nouvelles d’Israël sont que Netanyahou négocie sous forte pression de son aile droite pour profiter de l’occasion offerte par Trump, qui peut se refermer bientôt, pour annexer la Cisjordanie, et Gantz s’est couché. La principale pierre d’achoppement pour former un nouveau gouvernement réside dans des aspects judiciaires liés à la mise en accusation de Netanyahou.
« Il semble, et c’est triste, que nous nous approchions de plus en plus d’une réalité que nous avons travaillé dur à éviter » a dit aujourd’hui Adina Vogel-Ayalon de J Street : ce que les juifs libéraux appellent annexion, mais que la droit appelle « souveraineté » (et que la gauche appelle réalité de l’État unique).
Nancy Pelosi doit agir maintenant et appeler Benny Gantz pour en éloigner la possibilité, a dit Tal Shalev de Walla News lors d’un séminaire en ligne de J Street.
Shalev a dit que Netanyahou avait bénéficié d’un mois « exceptionnel » et que Gantz n’avait fait que se coucher dans les négociations sur l’annexion, si bien qu’aujourd’hui il semble que son partenaire de Bleu Blanc, Gabi Ashkenazi soit le seul obstacle à l’annexion. Shalev a dit que l’accord en préparation entre Gantz et Netanyahou en vue d’une nouvelle coalition de gouvernement donne à Netanyahou l’autorité et le pouvoir d’avancer sur l’annexion quand il le voudra, « tout en menant des consultations avec Gantz et avec la communauté internationale ». Ces consultations ne veulent rien dire, a dit Shalev. « Gantz dira qu’il y a certaines limites, mais il semble que ce ne soit qu’une façade et que Gantz ait accédé à toutes les demandes de Netanyahou sur l’annexion ».
Gantz a essayé de faire obstacle à l’annexion mais a échoué à chaque fois, « Netanyahou lui ayant dit de ne même pas y penser » a dit Shalev.
La difficulté politique de Gantz est qu’il y a une solide majorité (exclusivement juive) favorable à l’annexion au Parlement et que Trump est pour tout ce qu’Israël veut faire, donc c’est maintenant le moment. Netanyahou a la main parce que Gantz a déjà abandonné son capital politique ; le coronavirus a fait de Netanyahou un dirigeant populaire face à l’urgence et Netanyahou peut toujours tenir jusqu’à une quatrième élection dans laquelle ses chances sont encore meilleures, étant donné l’effondrement du parti Bleu Blanc de Gantz.
Nimrod Novik, un vétéran en politique étrangère, a dit à J Street que les négociations évoluent d’une minute à l’autre, mais les derniers éléments sont un gel de trois mois de l’annexion, jusqu’au 10 juillet.
Par dessus le marché, Netanyahou a reçu aujourd’hui une bonne nouvelle quand Amir Peretz du parti travailliste, qui a six sièges, a dit qu’il se joindrait au bloc de Netanyahou pour l’annexion. Donc Gantz a perdu le capital politique du côté supposé sioniste libéral pour arrêter Netanyahou.
« Le parti travailliste est mort. Amir Peretz a fusionné ses trois sièges dans le parti Bleu Blanc de Gantz » rapporte Lahav Harkov.
Novik s’est plaint que l’annexion a évolué des « caprices d’une minorité messianique » il y a quelques années, pour devenir la politique israélienne. « C’est incroyable ». Et même une annexion limitée « finira inévitablement en contrôle de notre part de la totalité du territoire et des 2,6 millions de Palestiniens ».
Bien que Netanyahou n‘ait annexé aucun territoire depuis dix ans, les forces pro-annexion sont au sein du Likoud et pas seulement à l’extrême droite.
La joie apportée par Trump contribue à cette ambiance, parce que les Israéliens ont acquis un sentiment « d’invincibilité » et le sentiment qu’ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent sans conséquences, dit Shalev. Benny Gantz a eu tellement peur de ce sentiment qu’il ne s’est jamais exprimé contre l’annexion dans la récente campagne, qu’il s’est réuni cordialement avec Trump et « n’a jamais présenté une alternative forte » à l’annexion.
Les sionistes libéraux considèrent l’annexion comme un désastre parce que cela mettrait officiellement fin à la solution à deux États. En plus cela mettrait Israël face à tout un ensemble de défis en matière de sécurité, liés à la perte d’une autorité fantoche, l’Autorité Palestinienne, en Cisjordanie, et à la perte possible de la coopération jordanienne avec Israël sur la frontière Est d’Israël ainsi que sur le Haram el-Sharif ou sur le mont du Temple dans Jérusalem occupée.
Novik a fait appel aux Démocrates des États Unis pour qu’ils agissent : « Vous feriez mieux d’agir en dissuasion ». Menacer Israël de la fin d’un soutien bipartite parmi les Démocrates et les Républicains, en menant des actes « que nous ne pourrions accepter », alors peut-être les acteurs politiques se réveilleront.
« Pourquoi Nancy Pelosi ne prend pas son téléphone pour appeler Benny Gantz » demande Shalev, et lui dire : « Vous seriez face à quelque chose de très très dangereux. Ce serait une pression plus efficace, avec tout le respect que je dois » aux sionistes libéraux qui menacent Israël de conséquences possibles. « Commencez à communiquer avec Gantz en le traitant comme un véritable acteur ».
Novik, de son côté, a dit que le coût de l’annexion serait de 52 milliards de shekels par an (13,3 milliards €) pour Israël, soit environ 12 milliards de dollars, quatre fois le coût de l’assistance américaine pour la sécurité. « Laissez tomber » dit Novik.
Les sionistes libéraux abordent cette question comme une urgence. Le directoire du Forum Politique Israël (IPF) a imploré Gabi Ashkenazi et Benny Gantz de ne pas se joindre à un gouvernement qui annexera le territoire de Cisjordanie. IPF écrit qu’en tant que fiers sionistes, nous avons « consacré notre vie » à soutenir Israël.
Nous vous écrivons en tant que juifs américains, dirigeants communautaires qui sommes fièrement sionistes, pro-Israël sans conteste, et qui avons consacré notre vie à soutenir l’État d’Israël et à assurer une relation à toute épreuve entre Israël et les Juifs de diaspora.
Dans cette crise sanitaire et financière sans précédent pour Israël, nous vous exhortons avec respect à ne pas user du besoin d’unité face à l’urgence pour créer une autre crise pour Israël en avançant vers une annexion unilatérale.
IPF dit que l’annexion gâcherait vraiment la relation avec les Juifs américains (qui se sont de plus en plus éloignés de l’État juif) :
S’il était procédé à l’annexion, la majorité des juifs américains qui s’opposent à une telle politique se sentira encore plus éloignée d’Israël, en conséquence.
Tout comme nous espérons que notre propre gouvernement se centre sur la crise présente sans utiliser la peur et l’incertitude ressenties par les Américains pour mener une politique préjudiciable et décalée, nous demandons que les dirigeants de l’État juif, envers lesquels nous sommes tout autant engagés, fassent de même.
L’establishment de la politique extérieure des États Unis répond également. Colin Kahl, un ancien de l’administration Obama :
Même en pleine crise de la pandémie de COVID-19, la préoccupation est croissante face à la possibilité que la droite en Israël pousse à l’annexion, voyant le créneau pour le faire, se rétrécir. Une telle action serait profondément injuste, coûteuse et dangereuse. Elle aurait aussi pour effet de compromettre le soutien américain bipartisan à Israël.
Traduction SF pour l’UJFP