Par Me Maurice Buttin*
Lors de la venue à Paris en 2017 du Premier ministre israélien d’alors, Benyamin Netanyahu, le Président de la République, Emmanuel Macron, lui a dit : « Nous ne céderons rien à l’antisionisme, car il est la forme réinventée de l’antisémitisme » La présidente de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine (40 associations, dont le Comité de Vigilance pour une Paix réelle au Proche-Orient, que je préside) – a protesté contre cet amalgame.
Le Président a repris ces propos au dîner du CRIF en 2019. M’adressant à lui, toujours au nom du CVPR PO, je lui écrivais : « Je tiens à vous dire, tout d’abord, combien nous souscrivons à vos propos à l’encontre des antisémites et de l’antisémitisme renaissant dans notre pays, qu’il faut combattre ». Mais devant sa récidive, l’amalgame « antisionisme = antisémitisme », j’ajoutais : « « Ce n’est pas à vous, Monsieur le Président que je rappellerai la maxime de Saint Augustin : « Errare humanum est, perseverare diabolicum ».
Or, lors de son intervention, le 20 mars, à Toulouse, aux cérémonies de commémoration du dixième anniversaire des attentats perpétrés par Mohamed Merah, le Président a non seulement repris ces propos, mais il en a rajouté une couche. Après avoir affirmé : « La lutte contre l’antisémitisme est un combat que nous devons mener pour la France elle-même et la République elle-même – ce que nous partageons tous -, il a enchéri : « Parce que l’antisémitisme et l’antisionisme, sont les ennemis de notre République ».
Qu’Emmanuel Macron puisse désigner comme tel, certains peu courageux qui cachent leur antisémitisme en se disant antisionistes, il ne peut qualifier d’«ennemis de la République », tous les militants antiracistes et soutiens de la Palestine – proclamée par le Conseil National Palestinien le 15 novembre 1988, dans les frontières de la « ligne verte », avec Jérusalem-Est comme capitale – et des Palestiniens, musulmans et chrétiens : tous les camarades juifs de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP), les milliers de militants membres des associations de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, et du Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens (CNPJDPI), et autres milliers de militants de gauche et de droite, sans oublier les milliers de « Français papier », comme les appelle Valérie Pécresse, candidate à sa place.
Notre antisionisme ne date pas d’hier. Pour ma part de juin 1967, aux côtés de Maxime Rodinson et bien d’autres personnalités – René Bérouti, Régis Blachère, Claude Cahen, Albert-Paul Lentin, Pierre Martelot, André Philipp, Robert Buron, Y. Lacoste, Fanny Scapira, Jacqueline Hadamard, Théodote Monod, etc., tous membres du Groupe de Recherche et d’Action, pour le règlement du problème palestinien (GRAPP). Le président, Jacques Berque, écrivait notamment, le 1er décembre 1967, sous le titre : « Pourquoi le GRAPP ? » :
« Or, que l’installation du Sionisme en Palestine, soit un retour à la Terre Promise, ou la réparation d’une injustice séculaire, ou de souffrances endurées pendant la dernière guerre mondiale, rien de tout cela ne la distingue sur le terrain, aux yeux de ceux qui la subissent, d’un nationalisme occidental d’exportation et d’un surgeon de l’impérialisme.
Comment nier que cet aspect ne réagisse de proche en proche sur tous les autres ? Rétrospectivement le conflit de 1967 confère à celui de 1948 une signification que nul n’aurait pu mesurer lors de l’installation des premières communautés. Qu’on le veuille ou non, ce changement de caractère, accentué de part et d’autre par des liaisons internationales, prévaut et prévaudra de plus en plus dans la définition du conflit ». (In N° 48 – Cahier du Témoignage chrétien)
Et, comment oublier, aujourd’hui, la fameuse déclaration prémonitoire du Général De Gaulle, dans sa conférence de presse du 27 novembre 1967 : « Maintenant Israël organise, sur les territoires qu’il a pris, l’occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsion, et s’y manifeste contre lui la résistance qu’à son tour il qualifie de terrorisme ». Bientôt cinquante-cinq ans d’occupation, de répression, d’expulsion et j’ajouterai d’humiliation ! 55 ans, pas un mois…
*Me Maurice Buttin est président d’honneur du Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient. Il est membre des C.A. de « Pour Jérusalem », de « Chrétiens de la Méditerranée », des « Amis de Sabeel-France ». Il est également membre de l’AFPS.