L’UJFP condamne l’attentat criminel antisémite, contre une épicerie de Sarcelles, acte qui ne peut avoir ni excuse ni justification. Elle condamne de même les tirs provocateurs contre la synagogue d’Argenteuil.
Pour reprendre une formule à succès, on pourrait s’interroger : de quoi l’antisémitisme de ces actes non revendiqués est-il le nom ?
On pourrait poser aussi d’autres questions : pourquoi tous les médias comme le gouvernement et les institutions juives communautaires ont-ils déjà des coupables avant même que les enquêtes aient abouti comme à Sarcelles ou parfois même commencé comme à Argenteuil ?
La seule chose qui est certaine aujourd’hui, c’est que des individus considèrent qu’attaquer des lieux comme une épicerie cachère ou une synagogue fait sens. Évidemment cela porte un nom : antisémitisme ou judéophobie selon les écoles. Groupuscules d’extrême droite (c’est arrivé suffisamment souvent ces dernières années pour que cette source ne puisse être éliminée) ou d’un extrême se revendiquant de l’islam, ou encore un banditisme vaguement politisé ? En tout cas la haine de ces attaques vise les Juifs. Ce qui ne peut qu’inquiéter dans un pays qui sait ce qu’elle peut coûter, et qui voit aussi se développer ces dernières années un racisme d’État envers d’autres populations, comme les Roms, une islamophobie qui se traduit dans des lois, relayée par les « intellectuels » et les personnalités politiques les plus en vue, avec des argumentaires tirés des poubelles de l’histoire, où la victime est transformée en coupable (cf. l’affligeant « racisme anti-blanc » de JF Copé).
Eviter ou refuser de contextualiser (ce qui n’est pas acquitter) de tels actes, refuser d’essayer de comprendre de quels ressorts ils peuvent procéder, reviendrait à participer d’un autre essentialisme aussi meurtrier et criminel que l’antisémitisme, et que tout autre racisme.
Car faut-il le préciser, l’antisémitisme est un racisme, qui a son histoire et ses victimes, mais il existe d’autres racismes comme celui qui a accepté de déshumaniser les Africains dans l’esclavage, les populations indigènes colonisées, puis post-coloniales, les gens du voyage… Tous ces racismes sont meurtriers.
Or force est de constater que les différents racismes qui se développent en France aujourd’hui ont des statuts différents : certains sont impulsés au plus haut niveau de l’État par des actions et déclarations de ministres, de hauts fonctionnaires, des figures intello-médiatiques, visant des minorités dominées, qu’elles soient numériquement fortes comme la minorité musulmane et post coloniale, ou faibles et fragiles comme les Roms. Face à cela, les mêmes représentants de l’État et figures médiatiques affichent un soutien et une protection arrogante et sans faille d’une autre minorité à l’encontre de laquelle se développe un racisme « populaire » antisémite qui se manifeste par des actes ou signes de différentes gravités, du graffiti au meurtre en passant par l’insulte. Récusant dans le premier cas avec virulence toute notion communautaire dans la République, (qualifiée ici de communautarisme), les mêmes revendiquent là le terme de communauté juive pour cette autre minorité qui acquiert de ce fait un statut différent.
Cette mise en avant se traduit en une multitude de signaux qui désignent à la fois les Juifs comme les enfants chéris de la République, intégrés (à quel prix !) et même occidentalisés blanchis (eux qui étaient jusqu’avant la 2e Guerre Mondiale les métèques orientaux !) et qui passent un message clair de l’État : il assume publiquement de les « protéger » contre leurs ennemis tout désignés, les musulmans.
Par ailleurs, le ministre des Cultes en déclarant à Strasbourg que « la France expulsera ceux qui au nom de l’Islam menacent l’ordre public » prétend qu’il ne peut y avoir de « salafisme » qu’étranger. Présupposé déjà démenti par la meurtrière équipée de Mohamed Mérah et confirmé aujourd’hui dans le démantèlement d’un groupe qui serait composé de délinquants convertis à l’Islam.
De même, que cherche M. Prasquier, à part jeter de l’huile sur le feu en posant un signe imbécile d’égalité entre islamisme et nazisme (ce qui de surcroît banalise le nazisme) ?
L’ensemble de cette politique racialise les rapports sociaux, elle a ses intérêts intérieurs comme ses ressorts internationaux (l’idéologie du choc des civilisations), crée un statut à part aux Juifs français, les pose en protégés privilégiés de la République, intégrés, faisant partie du « nous » occidental judéo-chrétien, et les oppose à « eux » les arabo-musulmans, étrangers, de l’axe du mal. Elle fabrique du ressentiment contre les favoris du roi, de la rancœur et parfois aussi à la marge de la haine. Elle est la matrice de la judéophobie d’aujourd’hui.
Non, l’antisémitisme criminel que nous dénonçons et combattons n’a aucune excuse ! Mais la façon dont Messieurs Valls, Copé ou Prasquier prétendent le combattre ne peut aboutir qu’à son développement. Parce que nous voulons une lutte efficace contre l’antisémitisme, contre tous les racismes et toutes les discriminations, nous leur disons : attention ! vous faites des déclarations qui risquent de transformer des délinquants ou des criminels en héros .
— Si vous continuez à traiter les musulmans en coupables, les coupables en étrangers, et les étrangers en « sans droits »,
— si vous continuez à imposer l’amalgame entre Juifs et sionistes, sionistes et Israéliens, à dénoncer toute expression politique contre le sionisme et l’action d’Israël comme une forme d’antisémitisme,
c’est vous qui fabriquez l’amalgame que vous prétendez dénoncer, au sein d’une population discriminée que vous voulez museler et que vous contrôlez comme globalement et a priori suspecte.
Nous voulons quant à nous des droits et des devoirs égaux pour tous, nous ne voulons pas plus d’une place privilégiée pour nous, Juifs citoyens dans la République, que nous n’acceptons la place d’exception attribuée à Israël au sein des nations. Les mêmes droits et les mêmes devoirs pour tous, c’est la seule chance d’arrêter la progression du racisme et de la haine ici et partout.
Le Bureau National de l’UJFP le 9 octobre 2012