Antisémitisme dans Sud-Ouest Dimanche. Des titres effrayants pour un contenu plus raisonnable, mais bien trop partiel

Par André Rosevègue.

En France, on peut mourir parce que Juif. On peut être harcelé parce que Juif. On peut être stigmatisé parce que Juif. En 2019, cela doit être dénoncé, expliqué, combattu. Malheureusement, Sud-Ouest Dimanche choisit de dénoncer sans expliquer, ce qui n’est pas le meilleur moyen de combattre.

Sous le titre « Antisémitisme, le signal d’alarme » trois sous-titres en Une que nous reprenons :

En France, les actes contre les Juifs ont augmenté de 74 % entre 2017 et 2018.

C’est bien sûr grave, mais quel est le sens de ce chiffre alors que la tendance générale de ces dernières années est plutôt à un lent recul ?
Julien Rousset précise que « deux pics avaient été observés en 2004 et 2009, ils coïncidaient avec deux périodes de forte tension dans le conflit israélo palestinien(…) »

Mais il ne pense pas utile de rappeler que 2018, ce sont les « marches du retour » de la population de Gaza qui n’en peut plus du blocus, les snipers israéliens tirant sur les manifestants désarmés, Trump validant l’annexion « définitive » de Jérusalem Est et la proclamation d’Israël Etat Nation du peuple juif qui fait des Palestiniens des étrangers dans leur propre pays.

Donc une année où Israël multiplie les crimes de guerre en prétendant agir au nom de tous les Juifs du monde et défie le droit international; où le Conseil qui se dit représentatif des Institutions Juives de France soutient inconditionnellement la politique israélienne. Un pic condamnable mais explicable par cette « coïncidence », non ?

Des Girondins témoignent de leur inquiétude face à cette montée de la violence

Oui, mais le dossier le dit : « dans la région, beaucoup moins de tensions qu’ailleurs ». Les six girondins juifs interrogés sont tous « proches du centre Yavné, centre culturel juif de Bordeaux qui œuvre, notamment au dialogue entre les cultures » – un centre culturel où la culture juive antisioniste n’a cependant pas sa place.

La rabbine Delphine Horvilleur juge cette « haine délirante »

La rabbine médiatique cherche à calmer le jeu, reconnaît que le sionisme « est aujourd’hui associé à la domination des faibles. L’État israélien a une responsabilité dans ce changement des mentalités à son égard. ». De même, l’article titré « Des Juifs français toujours tentés par le départ », se termine à juste titre par « l’alya est rarement un aller simple ».

En résumé, le contenu des pages est moins anxyogène et plus près de la réalité que le titre. Ce dossier continue cependant de faire de l’antisémitisme un racisme à part de tous les autres, ignorant que l’on meurt en France aussi parce que l’on est Rrom, que l’on a plus de risques de mourir étouffé dans une voiture de la BAC quand on est Noir, ou de mourir électrocuté quand on est un jeune maghrébin poursuivi par la police.

Le « deux poids deux mesures » n’est pas un sentiment, c’est une réalité. En faisant des Juifs les « enfants chéris de la République », en leur reconnaissant « un lien particulier » avec un pays étranger, en l’occurrence Israël, qu’elle ne reconnaît à aucun autre de ses citoyens, en maintenant l’impunité dont cet Etat bénéficie, c’est l’État français qui désigne les Juifs à la vindicte populaire, entretenant tous les phantasmes et les complotismes.

André Rosevègue, Union Juive Française pour la Paix – Aquitaine, 29 avril 2019