Amira Hass dénonce les méthodes du comité de soutien à Gilad Shalit

Amira Hass dénonce les méthodes du comité de soutien à Gilad Shalit

La journaliste israélienne s’élève contre les procédés employés par le comité de soutien au soldat Gilad Shalit, fait prisonnier dans la Bande de Gaza, qui réclament un traitement humain pour ce soldat, et des châtiments plus inhumains encore pour les prisonniers de guerre palestiniens et leurs familles.

« Jusqu’à Auschwitz, le comité qui milite pour la libération de Gilad Shalit est allé jusqu’à Auschwitz où, à ce que l’on rapporte, ses membres ont distribué 888 fleurs jaunes. C’était en novembre et il ne reste plus qu’à espérer que cet artifice médiatique ne se répétera pas : soit qu’un accord soit obtenu prochainement, soit que les organisateurs auront compris à quel point ce geste était de mauvais goût.

La journaliste israélienne s’élève contre les procédés employés par le comité de soutien au soldat Gilad Shalit, fait prisonnier dans la Bande de Gaza, qui réclament un traitement humain pour ce soldat, et des châtiments plus inhumains encore pour les prisonniers de guerre palestiniens et leurs familles.

« Jusqu’à Auschwitz, le comité qui milite pour la libération de Gilad Shalit est allé jusqu’à Auschwitz où, à ce que l’on rapporte, ses membres ont distribué 888 fleurs jaunes. C’était en novembre et il ne reste plus qu’à espérer que cet artifice médiatique ne se répétera pas : soit qu’un accord soit obtenu prochainement, soit que les organisateurs auront compris à quel point ce geste était de mauvais goût.

Le comité poursuit assidûment son activité visant à faire pression sur le gouvernement, en dépit des mises en garde que cela porte préjudice aux négociations. En cela, les organisateurs et les participants manifestent un solide manque de confiance dans la sincérité des promesses des politiciens. Mais le manque de confiance s’arrête quand il s’agit de la politique d’oppression qu’Israël impose à la population palestinienne de la Bande de Gaza. Là, tout au contraire, les organisateurs (dont la branche chargée des missions du mouvement kibboutzique) acceptent l’approche du gouvernement, mais ils en exigent simplement davantage, bloquer davantage la nourriture, les médicaments, le gasoil et l’argent, démolir davantage l’industrie et l’agriculture, et que davantage de maisons soient privées d’eau. Telle est la logique qui présidait au blocage des points de passage initié, en octobre, par le comité en signe de manifestation.

Et le comité tourne maintenant ses flèches en direction des familles des prisonniers palestiniens. Il a ainsi tenté de faire obstacle aux visites des familles à la prison d’Ashkelon et promet de faire de même dans d’autres prisons.

La chose n’est pas contestable : la captivité de Shalit est cruelle. L’incertitude et le manque d’information, l’absence de tout contact suivi, le fait qu’il n’y a aucun organisme extérieur pour lui rendre visite et inspecter ses conditions de détention. Le comité exige une « réciprocité ». Mais cela a plutôt des airs de vengeance. Dans notre naïveté, nous pensions que le comité voulait la libération de Shalit. A cette fin, il lui incombait de faire ses devoirs à domicile, et pas à l’école d’Ehoud Barak.

S’agissant d’illégalité, il aurait dû rappeler à son usage et à celui du gouvernement qu’il est interdit à un pays occupant d’emprisonner sur son territoire souverain des habitants des territoires sous occupation. Ceux qui sont à la tête du comité auraient pu examiner les choses pour savoir que le droit à des visites régulières en prison est refusé à des milliers de Palestiniens (dont un millier de familles gazaouies). Un examen de l’information fournie par l’ « Association (israélienne) pour les Prisonniers Palestiniens » apprendrait aux militants du comité que les prisonniers palestiniens de sécurité n’ont pas le droit d’avoir de conversations téléphoniques régulières avec leurs familles, même quand celles-ci ne leur ont pas rendu de visites depuis des mois ou des années.

Est-ce là ce que l’on pense au sein du comité ? Que ce qui est réclamé, c’est encore une pincée de cruauté supplémentaire, afin de mobiliser la population des détenus et de leurs familles dans la lutte pour la libération de Shalit ? Pourquoi ne pas plutôt écouter les Palestiniens ?

Pour les Palestiniens, Shalit n’est pas un enfant qui a écrit une histoire touchante [allusion à un conte que l’on a ressorti et que Shalit avait écrit dans sa jeunesse – ndt]. Pour eux, c’est un soldat des forces blindées, et lui et ses camarades participaient au bombardement d’une population civile. Pour les Palestiniens, Shalit et les 11.000 prisonniers palestiniens partagent le même statut de prisonniers de guerre.

Au lieu de se rendre en Pologne et à Ashkelon, les dirigeants du comité pourraient aller à Lod afin d’y rencontrer Leila Bourghal. Mère d’un prisonnier nommé Moukhlas, elle aura bientôt 80 ans, mais avec la clarté de pensée qui est la sienne, elle est en mesure de leur apprendre énormément sur ce qu’est la vie quand vos droits vous sont niés en permanence. Ils apprendront d’elle le courage et aussi à préserver l’honneur et l’espoir, alors même que personne au monde ne connaît ni ne parle de son fils.

Au lieu d’exiger des services pénitentiaires de cesser les visites en prison, ils peuvent demander à rencontrer, dans son lieu de détention à Gilboa, Walid Daqqa, originaire de Baka al-Garbiyah. Et pour se préparer à cette visite, ils sont invités à lire les méditations qu’il a écrites ces dernières années. S’ils rechignent à se lancer dans l’aventure que c’est de faire le trajet jusqu’au village de Kalandiya (au-delà du checkpoint de Kalandiya, mais en territoire annexé à Jérusalem), ils pourront, à l’extérieur du checkpoint, rencontrer les parents du prisonnier Ahmed Amira. Si tous ceux-là avaient été juifs, ils auraient tous été libérés depuis longtemps déjà, même sous le chef d’actes d’accusation bien plus graves. Mais comme ils sont Arabes, citoyens et habitants de l’Etat, Israël refuse tout net d’envisager leur libération. Même en échange de Shalit. Au lieu de réclamer davantage de cruauté, pourquoi ne pas exiger de l’Etat de lever son opposition à leur libération ?

Au lieu de les traiter, eux et leurs familles, en ennemis, il vaudrait la peine que les dirigeants du comité de libération de Shalit les rencontrent et avisent, avec eux, comment agir avec bon sens et justice pour libérer Shalit et les prisonniers palestiniens – tous prisonniers de guerre.

Amira HASS

Haaretz, 11 décembre 2008

www.haaretz.co.il/hasite/spages/1045583.html

Version anglaise : Instead of Auschwitz – www.haaretz.com/hasen/spages/1045662.html

(Traduction de l’hébreu : Michel Ghys)