Alerte les racisés se réunissent

Par André Rosevègue.

Le Ministre Blanquer sonne l’alerte. Un syndicat de personnels de l’éducation, chargés professionnellement d’inculquer les principes républicains à nos enfants, dérape et propose aux personnels qu’ils qualifient de racisés de se réunir entre eux pour une réflexion spécifique.

Je réagis à cette information en jouant les Pérec.

JE ME SOUVIENS

Je me souviens.
Je me souviens du congrès de fondation de la Ligue communiste en avril 1969.
Jean-François Godchau a fait une intervention sur un phénomène étrange en développement aux États-Unis : des groupes femmes. Des groupes où des femmes se réunissaient entre femmes pour réfléchir à leur oppression spécifique.

Je ne sais plus s’il avait fait le parallèle et les convergences avec le black power.
Certes, disait-il, il est peu probable que la même chose se produise en France. Les organisations ouvrières, partis et syndicats, défendent les principes d’égalité entre hommes et femmes, c’est pas comme aux USA. Mais soyons attentifs.

La déferlante est arrivée dans les mois suivants, jusqu’à l’intérieur de la Ligue communiste dont l’affirmation égalitaire était pourtant sans faille !

Heureusement que cette déferlante a eu lieu ! Y compris dans les organisations pleines d’hommes prêts à prendre la tête de la libération des femmes. Des hommes qui ne comprenaient pas toujours être exclus de réunions dont ils assuraient partager les objectifs. Des hommes qui craignaient que cette séparation radicale soit contre productive, pas pédagogique. Incompréhension de ce temps nécessaire de réflexion séparée, de ce temps de respiration. Les femmes ont su dire : notre libération, on s’en charge. Là aussi, certaines ont voulu considérer que la démarche devait aller jusqu’à la constitution d’un parti séparé porteur légitime de la démarche collective, MLF marque déposée, mais c’est un autre sujet.

Soyons clairs, le travail n’est pas terminé, ni au niveau idéologique, ni au niveau matériel (et moi-même ne suis certainement pas un exemple, ne serait-ce que dans le partage des tâches domestiques, pour ne pas parler du reste). Mais des tabous ont été levés. Sans les groupes femmes, il n’y aurait probablement pas eu le MLAC, et donc la loi Veil. Et les garçons ne sauraient toujours pas que les filles ont un clitoris. Et…

Mais pour le racisme structurel, on vit encore le syndrome Schoelcher. Dans le camp « progressiste », on est souvent encore dans l’esprit de la Société des Amis des Noirs. Pour le « vivre ensemble » dans l’égalité, mais dans la négociation non violente. Schoelcher, pas Toussaint Louverture. (Toussaint n’en était pas un, saint, mais c’est un autre sujet). Donc on négocie avec les esclavagistes leur indemnisation, et on fait payer pendant plus d’un siècle à Haïti son impertinence.
Alors l’autonomie des racisés, l’autonomie des quartiers populaires, danger. Ca va énerver les Blanquer et ça va être contre productif.

Merci à Sud-educ d’avoir mis les pieds dans le plat.

André, 21 novembre