Israël, seul Etat démocratique du Proche-Orient, selon ses défenseurs et promoteurs, n’hésite pas à recourir à des traitements très spéciaux contre ses propres citoyens. La semaine dernière, le gouvernement Netanyahou a fermé purement et simplement sa radio historique, Kol Israël et sa 1ère chaine de télévision (publique) sans aucun préavis et en plein Mabat, le journal de 20 heures. On a pu voir Geoula Cohen, la présentatrice apprendre la nouvelle en direct… Selon Haaretz, cette fermeture brutale était une sorte de réponse aux critiques que les journalistes avaient pu faire de l’action du gouvernement et de Benjamin Netanyahou en particulier.
Peu de médias s’en sont fait écho en France et aucune des grandes voix de nos intellectuels défenseurs des libertés ne s’en est émue…
Pas étonnant dans ce contexte que personne ne s’est ému de la 113ème démolition d’Al Araqib. Ce village bédouin, dont des documents attestent de son existence depuis l’Empire ottoman est devenu la cible privilégiée de ce même gouvernement israélien. Pourtant les Bédouins sont des citoyens israéliens ; pourtant leur village, situé en pleine zone désertique, au nord de Beer Shéva, la « capitale » du désert du Néguev, ne gêne personne… Et pourtant il a été démoli, disons le mot, rasé, pour la 113ème fois hier.
Al Araqib était un petit village de 300 habitants. Un petit village assez prospère vivant principalement de l’élevage (caprin et ovin) entouré de champs lui fournissant les céréales et le fourrage nécessaire à son activité.
Cette photo qui nous montre un village tout à fait « classique » avec, aux premiers plans, ses champs, a été prise alors qu’à l’impulsion du Jewish National Fund américain se mettait en place un plan destiné à attirer 500 000 Juifs en Israël en 10 ans, principalement anglo-saxons. Ce plan, « Blueprint Negev » avait un projet ambitieux afin d’attirer de jeunes Juifs urbains, religieux ou non, en leur proposant un environnement familier : parc paysager et de loisir avec pistes cyclables, amphithéâtre de plein air (le « River Park »), centre commercial gigantesque, aménagement de la vieille ville turque de Beer Shéva, lotissements et même des fermes…
Seul problème, ce projet s’étend sur les terres où l’Etat d’Israël a regroupé les Bédouins du Néguev dès la fin de la guerre de 1948. Une zone que les Bédouins ont surnommé le « Siyag », le nom qu’ils donnent à l’espace clos où ils gardent les bêtes). Un problème ? Quel problème ? La plupart des villages bédouins n’apparaissent même pas sur les cartes ! Le « Blueprint Néguev » s’est donc mis en place par le gouvernement sous différents noms (Prawer, Begin, Shamir …) en commençant par chasser la majorité des 100 000 Bédouins vivant dans le Néguev.
On peut comprendre la fureur et le désespoir qui a saisi les habitants d’Al Araqib quand ils ont vu arriver la colonne de véhicules impressionnante qui a détruit ce village en quelques heures. Celle-ci s’est transformée en une lutte pacifique : à peine leurs maisons détruites ceux-ci l’on rebâti le jour même avec l’aide d’autres Bédouins et de militants israéliens.
Le gouvernement s’est alors véritablement acharné sur ce village et ses habitants le détruisant à nouveau et le rasant même, ne laissant debout que le cimetière. Cimetière où les habitants ont dû chercher refuge à de nombreuses occasions.
Hier, 17 novembre, ce qui reste du « village », c’est-à-dire quelques tentes et des véhicules utilisés comme abri a été une nouvelle fois rasé : c’était la 113ème fois ! Les images ci-après, tirées de la page facebook d’Aziz Al Turi nous montrent encore l’unité de police Yo’av (créée spécialement pour maintenir l’ordre israélien dans le Néguev) en pleine action.
Salim, un des habitants d’Al Araqib en a fait cette courte vidéo
Mais l’archarnement du gouvernement ne s’arrête pas là. Les soutiens des Bédouins du Néguev sont aussi touches comme, par exemple le Dukium, le Forum pour la coexistence et l’égalité des droits dans le Néguev (une asssociation israélienne). La municipalité de Beer Shéva,leur a écrit pour les informer de leur intention de « réexaminer » l’attribution de l’abri anti-aérien (inoccupé), le Multaqa-Mifgash, où le Dukium a établi un centre culturel arabe-juif et où sont organisées des visites des villages bédouins menacés..
Haia Noah, la directrice du Dukium nous écrit :
« Le Multaqa-Mifgash à Beersheba, le centre culturel arabe-juif, où depuis 2006 le NCF organise des évenements culturels, des ateliers, des cours de langues, de fêtes communes est en danger.
Depuis quelques années la municipalité critique ces activités, demandant à de nombreuses reprises d’annuler des projections de films, de limiter nos activités ou d’avertir des événements ( je pense à l’engagement avec Umm Al-Hiran et Al-Araqib).
Cette tentative de limiter nos actions et finalement de supprimer nos locaux pour les empêcher fait partie des restrictions plus importantes sur la liberté d’expression et est un autre témoignage de la diminution de nos droits civils.
Selon l’avis de la municipalité, nous devons répondre aux arguments mentionnés dans la lettre dans un délai de sept jours dans le cadre du processus de révision. Nous rejetons totalement ces arguments et nous les répondrons en détail dans les prochains jours. Nous avons l’intention de continuer à exploiter le Multaqa-Mifgash dans l’abri municipal qui nous a été attribué et nous travaillerons de toutes les façons possibles pour assurer notre mission. »
Michel Ouaknine, UJFP