AGIR POUR LA PALESTINE N’EST PAS QU’UNE AFFAIRE DE SPECIALISTES !

JG Greilsamer

Cet article pourrait s’intituler : La solidarité avec la Palestine et le commun des mortels, saison 2

J’ai en effet il y  un an écrit cet article :

https://ujfp.org/la-solidarite-avec-la-palestine-et-le-commun-des-mortels-en-france/

Depuis lors la situation s’est considérablement dégradée, non seulement en Palestine et Israël  mais aussi dans le monde entier.

Au niveau international : en Ukraine et Russie, en Iran, dans les pays africains, dans les rapports avec la Chine, dans de nombreux autres pays, et sans oublier les situations dramatiques liées aux changements climatiques.

En France :

– les luttes sociales ont traversé des phases aigües et n’ont pas cessé.

– et la situation est marquée aussi  par l’intensification du racisme d’Etat, en particulier l’islamophobie, la politique anti migrants, l’impunité des crimes policiers, la montée de l’extrême droite néo fasciste.

En Palestine et Israël, l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement Netanyahu empire la situation. Ce nouveau gouvernement, qui comporte deux ministres fascistes à des postes importants, développe une politique ethnocidaire que la « communauté internationale » ne sanctionne pas. Tous les jours des résistants palestiniens, dont le comportement est héroïque, sont assassinés.

Il circule sur internet des centaines d’articles intéressants sur l’évolution de la situation en Palestine et Israël. Vous pouvez les lire sur de nombreux sites : ceux de l’UJFP, de l’AFPS, de l’Agence Média Palestine, de Solidaires, de BDS France, du NPA, et j’en oublie beaucoup d’autres. Il y a aussi de nombreuses contributions personnelles.

L’objet de cet article n’est pas d’en produire un nouveau qui serait forcément une synthèse d’articles déjà écrits, mais de présenter un état des lieux et de se prononcer sur le rapport au « commun des mortels » à la lumière de la situation d’aujourd’hui,

D’abord malgré la plus grande complexité de la situation (multiplication des luttes), l’intérêt pour la Palestine et pour la mobilisation contre l’impunité de l’Etat d’Israël ne faiblit guère. Il y a eu certes des initiatives peu réussies, mais il y en a eu aussi d’autres qui ont drainé un public assez important. Par exemple :

– les initiatives autour du film Yallah Gaza et de la tournée en France de la troupe de Dabké palestinienne,

– les mobilisations de solidarité avec Salah Hamouri,

– les réunions publiques autour du livre « La résistance des bijoux, contre les géographies coloniales », 

– et sur les réseaux sociaux les mobilisations de solidarité pour  Palestine et contre Israël restent un sujet majeur.

Compte tenu des horreurs perpétrées par Israël contre le peuple palestinien et particulièrement ses résistants, il serait très insuffisant de se contenter de ces mobilisations.

Mais que pouvons-nous faire de plus ?

Allons-nous insinuer que l’intérêt des autres mobilisations citées plus haut est moindre ? Non, bien-sûr. De même que ce serait néfaste de s’inscrire dans une concurrence des victimes des politiques racistes d’Etat, ce serait néfaste aussi de soutenir une concurrence des grandes causes de notre époque.

Il s’agit plutôt d’une complémentarité des engagements pour un monde vivable face à l’époque très inquiétante que nous vivons. Il en va d’ailleurs de même concernant de multiples sensibilités qui traversent le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien et qui pourraient souvent surmonter leurs divisions.

Ceci dit il est nécessaire d’expliquer constamment la centralité de la question palestinienne et qu’elle n’est pas qu’une affaire de spécialistes.

Les spécialistes sont nécessaires et sensibilisent beaucoup de gens. Et des spécialistes sont également des militants « de terrain ». Mais si nous ne nous opposons pas au point de vue encore fréquent dans l’opinion publique selon lequel la Palestine et Israël c’est compliqué, que ç’est avant tout une affaire de spécialistes et que donc nous ne pouvons pas faire grand-chose, nous contribuerons, même involontairement, à limiter les mobilisations de solidarité et contre l’impunité d’Israël.

Car, comme cela a été rappelé par certain.e.s orateurs/trices lors de la récente Fête de l’Huma, Israël est une création impérialiste pour contrôler les Proche et Moyen Orients et la Palestine est un laboratoire pour tester de nombreux produits destinés à réprimer les révoltes populaires dans les pays à gouvernements capitalistes, colonialistes, racistes, suprématistes … : pour ficher et surveiller les populations (drones, reconnaissance faciale, logiciels tels que Pegasus) et réprimer les manifestations.

Il a été souligné que les premières victimes de cette politique en France sont les jeunes racisés victimes de violences policières. Il est absolument hors de question de comparer l’intensité de la répression en Israël et en France, mais il faut reconnaitre que la politique sécuritaire israélienne est une source d’inspiration pour notre gouvernement, qui n’hésite pas à tenir avec Israël des rencontres ou des exercices de coopération sécuritaire.

La France n’est pas complice mais alliée d’Israël. Elle a été condamnée le 11 juin 2020 par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour non-respect de la liberté d’expression de 11 militants BDS qui appelaient au boycott de produits israéliens, mais le 20 octobre 2020, le ministère de la Justice a pourtant adopté une « dépêche » adressée aux procureurs et consacrée « à la répression des appels discriminatoires au boycott des produits israéliens ». Et il n’abroge pas la circulaire Alliot Marie / Mercier qui appelle à cette répression.

Le gouvernement continue d’assimiler l’antisionisme à l’antisémitisme et de soutenir l’utilisation de la définition par l’IHRA (Alliance Internationale pour le Souvenir de l’Holocauste) de l’antisémitisme pour réprimer la liberté d’expression des militants du BDS.

Et, obéissant aux pressions d’Israël et des États-Unis,  il refuse encore à ce jour la libération de Georges Ibrahim Abdallah, militant libanais pour la résistance palestinienne, prisonnier depuis 39 ans et libérable depuis 1999.

Le soutien constant à l’État colonial, d’apartheid et d’épuration ethnique israélien nous interpelle. Il illustre la question : « Dans quel monde voulons-nous vivre ? ». Dans un monde dominé par les politiques coloniales, racistes, discriminatoires, sécuritaires …, ou dans un monde vivable, décolonisé, un monde où tous les citoyen.ne.s peuvent vivre dignement, avec des droits égaux ?

Il est alors important d’expliquer, et c’est possible de le faire sans avoir nécessairement  l’air d’être des érudits, que le rapport à la Palestine et le fait de combattre ou non la politique israélienne concerne la vie quotidienne et l’avenir ici même.

Paris, le 21 septembre 2023,

Jean-Guy Greilsamer, coordinateur de l’UJFP d’Ile de France