La justice italienne a relaxé ce jeudi 27 avril Félix Croft ce jeune bénévole français de 28 ans arrêté l’été dernier au péage italien de Vintimille avec une famille de migrants soudanais. L’homme était poursuivi pour « aide à l’immigration clandestine ».
Nous publions ci-dessous un texte de Félix Croft.
« LA VIE EST BELLE… », le film de Roberto Benigni, me vient souvent à l’esprit face aux enfants réfugiés, face à la faculté qu’ils ont de rebondir, ou parfois juste vivre et savourer l’instant présent.
Il n’est pas là question d’insouciance, mais d’abstraction…Une merveille…
J’ai brièvement connu Loza, 6 ans, qui a attendu sa mère pendant 6 mois « du bon côté » de la méditerranée qu’elle avait traversée seule après que sa mère fut tombée du canot…
Accueillie par « Habitat et Citoyenneté » elle s’accrochait, comme tant d’autres de ces enfants au noyau familial éclaté, à chacun de ceux qui voulaient bien lui donner un peu de soi, souvent de bras, parfois d’un peu de joie…
Vintimille, San Antonio, l’église des espoirs les plus fous comme des drames les plus sombres… Combien ont attendu là-bas, comme Loza, l’arrivée d’un père, d’une mère ou d’un frère, soutenu(e)s par une poignée de bénévoles qui tentent de leur rendre un peu de bonheur, d’espoir et de santé…
Vintimille, où j’ai rencontré cette famille de réfugiés du Darfour, avec cette maman enceinte. J’ai été touché par ce qu’elle dégageait : un mélange de peur, de délicatesse et de force. Elle avait quelque chose de touchant, d’impressionnant. Elle dégageait une appréhension face aux inconnus, mais surtout une force incommensurable, un regard qui en disait long sur son parcours. Comme tant d’autres femmes héroïques qui traversent souvent l’enfer pour l’espoir d’un eldorado qui n’en est plus un.
Pour moi, jamais de question sur leur trajet difficile, particulièrement sur la Libye, pour en avoir assez entendu. Quand la famille me dit qu’ils ont passé deux mois là-bas, les récits qu’on m’en a fait me reviennent tous d’un coup, la colère me monte et le nez me pique… Mais on ne pleure pas devant les victimes, c’est indécent.
Autour de nous, les gens vivent, inconscients de l’horreur qui nous submerge, nous bénévoles et aidants. Souvent, je me demande s’ils comprennent le choix cornélien que ces gens ont du faire, quitter leur pays, partir pour l’exil, souvent bien conscients des épreuves qui se dresseront sur leur chemin ; les viols, la torture et tous les pièges des voyages en terres inconnues.
Comme d’autres citoyens solidaires aux réfugiés, bien conscients de ne pouvoir changer le monde, ce jour-là, face à cette mère et ses enfants, leurs regards, et leur histoire qui ressemble souvent à la nôtre, j’ai craqué… Enfreindre ces lois qui nous empêchent de rendre ce monde un peu moins sombre, un peu moins dur, pour un instant seulement…
Ma responsabilité, face à cette famille, m’a sauté aux yeux pendant un instant, alors, machinalement, convaincu du bienfondé de mon action, je les ai montés dans ma voiture, et, fier mais envahi par la peur, je les ai conduit vers un monde meilleur….