Accès pour toutes et tous aux droits fondamentaux et co-construction d’un nouvel universalisme

Note de lecture du livre « Urgence antiraciste. Pour une démocratie inclusive », publié aux Editions du Croquant, par Didier Epsztajn, parue dans Entre les lignes entre les mots, le 3 avril 2017.

(voir également la présentation de ce livre sur notre site)

Dans l’introduction, « Un contexte (inter)national bouleversé et source de conflits démultipliés », publié (sur le site d’Entre les lignes entre les mots), avec l’aimable autorisation des Editions du Croquant, les auteur-e-s indiquent : « L’un des axes principaux du livre est la dénonciation de l’exacerbation des conflits armés dans un système néo-libéral en crise et, en l’absence de contrepoids suffisants, notamment sur les terrains macro-économique et diplomatique, de l’accroissement des logiques de domination internationales et des inégalités au niveau des relations inter-communautaires à l’intérieur des « métropoles » et des pays ». Elles et ils proposent une lecture géopolitique et stratégique, parlent de l’ordre sécuritaire, de déconstruction des relations françafricaines, néocoloniales et impérialistes…

« Cette publication a pour objectif de faciliter le dialogue entre les forces sociales, militantes et citoyennes attachées à l’égalité des droits, quelle que soit leur origine, leur couleur ou leur religion. La situation des femmes et des jeunes, particulièrement impactés par les retombées de la crise sur ces catégories vulnérables, n’est pas oubliée. Ce livre publié avec le soutien d’Attac France et d’Attac Togo, du Cedetim, du Cran, de la Fondation Fanon, du FUIQP, de Sang pour Sans, de Sortir du colonialisme… propose non pas de livrer une réflexion exhaustive qui épuiserait le débat mais des pistes de discussion qui appellent à être explorées, dans une approche systémique ».

Les auteur-e-s soulignent, entre autres, l’importance de s’attaquer « tout à la fois aux racismes, au sexisme et à la domination socio-économique », de lutter « contre tous les fondamentalismes et extrémismes réactionnels ». Elles et ils parlent de la laïcité, « en tant qu’affirmation de la volonté de vivre ensemble en intégrant les différences culturelles entre les citoyen-nes » ; nous invitent à « penser la place du racisme dans le monde néolibéral, pour récuser toute opposition entre questions sociale et raciale, sans pour autant réduire la seconde à la première » ; et face à la racialisation et au racisme institutionnel de repolitisation de « la société civile et les quartiers populaires ».

Le livre est préfacé par Amina Traore qui aborde, les murs visibles et invisibles, la panoplie des accords (commerciaux, monétaires, militaires…) perpétuant le pacte colonial. Elle en appelle à notre capacité d’indignation, de résistance et de mobilisation.

Les différents textes sont répartis en quatre parties :

  • Etat des lieux historiques et géopolitique
  • Xénophobie d’Etat et mobilisations antiracistes
  • L’antiracisme en débat
  • Programme antiraciste et en faveur d’une démocratie inclusive

Le(s) racisme(s) ne saurai(en)t être réduit(s) à des (mauvaises) opinions individuelles. Il s’agit de constructions historiques, sociales et institutionnelles, à analyser dans leurs contextes en prenant en compte les évolutions/reformulations, les persistances ou les nouveautés. Nous pouvons donc en saisir, comme pour tout autre rapport de domination, les bases matérielles – y compris les dimensions idéelles -, analyser les vecteurs institutionnels ou politiques qui y participent, et construire un programme de démocratie inclusive et de mobilisations pour y répondre…

Différents textes sont proposés sur l’analyse des contextes internationaux et national, l’unification-désagrégation du monde, la persistance du colonialisme, les relations Afrique-France-monde, la géopolitique du chaos, l’autoritarisme étatique, les nouvelles formes d’impérialismes, l’islamisme radical, les relations « de compétition et d’alliance » au Moyen-Orient, les migrations et les migrant-e-s, celles et ceux qui fuient « dans leur écrasante majorité les guerres et veulent préserver leur vie et celle de leurs familles », la permanence de la question palestinienne, les forces conservatrices et réactionnaires, l’Europe forteresse cynique, les nationalismes et les xénophobies… sans oublier les soulèvements populaires et les contestations du néolibéralisme.

Certain-e-s reviennent sur l’esclavage et la traite négrière, le devoir de mémoire et celui de réparation, l’héritage colonial, la nécessité de faire émerger « un universel de l’en-commun partagé dans lequel doit s’inscrire l’humanité », les spécificités du racisme anti-Arabe, anti-maghrébin et l’islamophobie, les « identités » assignées différentes des « identités » revendiquées, l’islamisme radical, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les nettoyages ethniques, les « deux pôles contre-révolutionnaires » analysés par Gilbert Achcar cité par un des auteurs (voir par exemple, Symptômes morbides. La rechute du soulèvement arabe, conflit-triangulaire-entre-un-pole-revolutionnaire-et-deux-camps-contre-revolutionnaires/)… ou les luttes contre le racisme et les discriminations et celles contre l’intégrisme « deux faces d’une même médaille ».

Des chapitres sont consacrés aux populations Rroms et à leurs droits ; à l’antisémitisme, au sionisme et à l’antisionisme, les campagnes BDS, la défense des droits des Palestinien-ne-s ; au féminisme « face au défi du racisme et du sexisme », à l’universel auto-affirmé et aux démarches à vocation universalisante ; aux jeunes des « quartiers populaires », à l’approche sécuritaire et policière, à la « panique identitaire » et la reconstruction du « vivre ensemble »…

Le racisme, l’essentialisation des personnes, la hiérarchisation des groupes humains, une des justifications de la domination, le racisme biologique, le racisme culturaliste, la prétendue guerre des civilisations, un « rapport social historiquement daté », les discours publics racisés, les pratiques institutionnelles, « face à la discrimination raciste on reste dans le déni ou l’incantation ; l’égalité de traitement cède la place à l’égalité des chances ou à la diversité, habile recours à la méritocratie qui fait porter la responsabilité du rejet sur la victime », les changements de visage des idéologies racistes… Reprendre l’initiative, « poser nos questions avec nos propres mots », nécessité de sortir des cadres imposés et de politiser les débats, désigner les visages contemporains du racisme, « Seule la compréhension de la dimension politique du racisme et de l’antiracisme, prenant en compte les causalités matérielles et culturelles, internes et externes, peut permettre de faire reculer « la bête immonde » »…

Le titre de cette note est inspiré d’une phrase de Gus Massiah.

Un ensemble de textes pour débattre et construire, dans le respect de l’autonomie et de l’auto-organisation des groupes racisés, un large front social, peut-être sous la dénomination d’un des auteurs : « pour le cosmopolitisme insurgé »… Et comme le rappelle un autre : « l’émancipation intègre et renforce les différentes libérations »

Urgence antiraciste. Pour une démocratie inclusive

Un livre coordonné par Martine Boudet, avec le soutien des associations et réseaux : Attac France – Attac Togo/CADTM – Cedetim/IPAM – CRAN – Fondation Frantz Fanon – FUIQP – MRAP – Reprenons l’initiative – Sang pour Sans – Sortir du colonialisme

Collectif des auteurs : Nils Andersson – Farid Bennaï – Adda Bekkouche – Saïd Bouamama – Martine Boudet (coordination) – Monique Crinon – Christian Delarue – Bernard Dreano – Mireille Fanon Mendés-France – Patrick Farbiaz – Augustin Grosdoy – Gilles Manceron – Gus Massiah – Paul Mensah – Evelyne Perrin – Alice Picard – Louis-Georges Tin – Aminata Traoré (préface)

Editions du Croquant, Vulaines-sur-Seine 2017, 236 pages, 10 euros

Didier Epsztajn

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