L’Académie de Poitiers a émis un document intitulé « Prévention de la radicalisation en milieu scolaire » qui prétend former le personnel de l’Éducation nationale à repérer les jeunes gens atteints par la « radicalisation ».
D’où une liste d’« indicateurs de radicalisation » qui, quand ils ne sont pas extravagants : « refus du tatouage », « jambes couvertes jusqu’à la cheville », « page Facebook secrète », « cal sur le front »), visent clairement les élèves de confession musulmane : « habillement musulman », « intérêt pour les débuts de l’islam », « préférence pour les sites web jihadistes ». Nous notons au passage que les auteurs sont très mal renseignés : ils ne savent pas que l’histoire des débuts de l’islam figure au programme de la cinquième.
Si le texte venait d’un club d’admirateurs nostalgiques de Charles Martel, nous l’aurions vu comme une plaisanterie de mauvais goût marquée par l’ignorance et la bêtise.
Hélas, il ne s’agit pas d’une plaisanterie. Ce document émane d’une structure officielle de l’Éducation nationale. Et il constitue à la fois une incitation aux persécutions religieuses à l’encontre des fidèles de l’islam et une atteinte aux libertés individuelles et à la vie privée de tous les élèves.
Ajouté à la loi du 15 mars 2004, aux brimades subies par les jeunes filles musulmanes en raison de vêtements jugés insuffisamment « neutres », à la discrimination pratiquée dans nombre d’écoles à l’encontre des mamans portant voile ou foulard, discrimination qui touche aussi leurs enfants, et compte tenu d’une islamophobie qui s’affiche chaque jour davantage, ce document nous fait éprouver les plus grandes craintes quant à la situation de tous les élèves, en particulier des élèves musulman(e)s ou supposé(e)s tel(le)s.
Une condition indispensable pour enrayer cette dérive est l’application de la loi de 1905 et des conventions internationales ratifiées par la France (Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Convention internationale des droits de l’enfant…).
L’école, qui enseigne à respecter les droits humains, doit être la première à les respecter sans défaillance. C’est une condition indispensable à l’épanouissement de tous les enfants et plus généralement à la construction d’une société harmonieuse où chaque personne peut vivre libre et en sûreté.
C’est pourquoi nous demandons instamment à Mme Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de modifier le paragraphe « Garantir la laïcité » de la circulaire dite « Châtel » du 27 mars 2012 afin que tous les parents d’élèves aient le droit d’accompagner les sorties scolaires.