Hormis l’ensemble des leaders de la droite et de l’extrême droite qui se sont longuement exprimés sur la question des migrants et exilés noirs, les décrivant comme étant l’un des dangers civilisationnels majeurs qui menacent la France, la gauche – toutes tendances confondues – est restée muette à leur propos, se gardant d’exprimer à leur égard le moindre sentiment de solidarité, le moindre projet politique cohérent quant aux solutions à apporter à leur invisibilité organisée, à la chasse à l’homme permanente dont ils sont les victimes, à leur précarité. Pas un mot sur Frontex, cette milice européenne qui ne les gêne nullement.
L’antiracisme dont elle se pare n’est plus seulement un antiracisme compassionnel dépassé, type « Touche pas à mon pote ». Nous devons lui arracher ce masque vertueux, le nommer pour ce qu’il est réellement aujourd’hui devenu : un antiracisme contre-révolutionnaire. Français par excellence, héritier du colonialisme, jamais réglé à gauche.
Voir à ce propos le Programme du CNR dont le PCF clandestin est co-rédacteur, rendu public dès avant la Libération, en mars 1944, intitulé : Les jours heureux. Le point C, consacré à l’avenir de ce qui est nommé alors « l’Empire » précise souhaiter : « Une extension des droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales ».
13 mots, 13 mots en tout et pour tout sont consacrés dans ce programme au futur des peuples colonisés, vivant sous le joug de la France, uniquement soucieux de la reconstruction de celle ci et et de son économie dévastée, de l’avenir de la seule population française.
C’est à la lumière de ces treize pauvres mots que nous devons comprendre le massacre des Tirailleurs
Sénégalais – prisonniers de guerre, mais internés en France à la demande des nazis, rapatriés au Sénégal ensuite, réclamant à juste titre le paiement de leurs soldes – perpétré à Thiaroye (village proche de Dakar) le 1er décembre 1944 puis, le 8 mai 1945 – le jour même de la capitulation nazie et la fin de la Seconde Guerre Mondiale – les bombardements de Setif, de Guelma et de Kherrata en Algérie. Indigènes ils étaient, indigènes ils devaient le rester. Nulle revendication de leur part, si légitime soit-elle, n’était tolérée.
Rien ne sépare idéologiquement le massacre de Thiaroye des noyades organisées aujourd’hui en Méditerranée des migrants noirs au mépris du Droit International, véritables crimes contre l’Humanité – quel que soit le nombre des victimes – avec la complicité active de la France. Rien n’explique mieux le silence assourdissant de ce qu’il reste de la gauche française à propos de l’accueil et la protection des jeunes femmes et hommes noirs – souvent mineurs – pauvres à l’extrême , venus de nos anciennes colonies, prétendument indépendantes mais toujours pillées par la France, victimes du Franc CFA, soumises aux diktats du FMI. Impuissante à penser ces femmes et ces hommes comme leurs égaux. Impuissante à penser un partage, à penser une communauté de combats. Incapable d’accepter que ce soient eux qui écrivent leur propre récit (un récit neuf, ancré dans le XXIe siècle), et qu’ils déterminent les formes de leurs luttes.
Le racisme systémique de la gauche à l’encontre des Musulmans dont les familles sont venues hier travailler en France, ce même racisme systémique à l’encontre des migrants et exilés noirs parvenant à atteindre les côtes méditerranéennes puis, à franchir la frontière française, sont de même nature. L’un et l’autre sont ancrés dans l’histoire coloniale de la gauche française depuis la Libération, peuvent être aujourd’hui qualifiés d’irréversiblement contre-révolutionnaires.
Les bases d’un antiracisme solidaire, inclusif, doivent être entièrement repensées, hors de ces vieilles structures qui ont aujourd’hui définitivement failli.
Nommer les Migrants et exilés noirs participe à la construction d’un mouvement décolonial et antiraciste politique, solidaire et solide, si nous souhaitons lutter efficacement contre le racisme et le fascisme qui vient.
Notre pays s’appelle Résistance !
Georges Gumpel