par André Rosevègue.
A propos du combat de Bernard Coadou contre l’Ordre des Médecins.
Bernard Coadou, médecin bordelais, depuis plus de 30 ans de toutes les batailles pour la santé, s’aperçoit la retraite venue que pour garder son titre de médecin et pouvoir exercer bénévolement en France ou à l’étranger il lui faut continuer à payer sa cotisation à l’Ordre.
Il reprend donc un combat contre ce syndicalisme obligatoire et vertical auquel il s’était déjà affronté dans les luttes collectives menées par le Syndicat de la médecine générale (SMG).
Il est donc poursuivi par l’Ordre et un procès aura lieu. Bernard a décidé de rouvrir tous les placards nauséabonds de l’Ordre, en commençant ce mercredi 7 octobre par commémorer sa création, il y a 75 ans.
Je suis intervenu à cette occasion, après les prises de parole de l’intéressé, de son avocat, d’un médecin du SMG, une infirmière de la CGT contre l’Ordre infirmier.
Mon cher Bernard,
Je tiens à t’apporter mon total soutien dans ta démarche de remise en cause de l’Ordre des Médecins, à la fois au nom de l’Union Juive Française pour la Paix et à titre personnel.
Il est juste de rappeler que la création de l’Ordre des Médecins par Vichy le 7 octobre fait suite à l’établissement du statut des Juifs quatre jours auparavant, et qu’une des premières tâches de cet Ordre sera de faire appliquer le Statut, d’interdire aux médecins juifs d’exercer leur métier, d’aryaniser la profession.
Et tu as raison de le faire en montrant qu’il ne s’agit pas d’une activité « théorique », qu’elle concerne directement des hommes et des femmes, tel le Docteur Sabatino Schinazi dont tu évoques la mémoire, toi qui as travaillé dans ce même quartier de Bordeaux Nord,.
A l’époque mes parents, venus à Montpellier faire leurs études à la fin des années 20′, ma mère de Bessarabie alors roumaine, mon père de Pologne, ont été privés du droit de poursuivre leur activité, ma mère interne à l’Hôpital Bagatelle de Talence, mon père à l’Hôpital psychiatrique de Mont-de-Marsan. Ils ont eu heureusement un sort moins funeste que le docteur Schinazi, mort en déportation. Vivant à partir de 1942 leur résistance avec des faux papiers, ils ont échappé aux rafles.
On nous dit que l’Ordre « recréé » après la Libération n’est plus le même.
Je n’ai pas eu accès aux archives, je ne peux donc voir quels ont été les éléments assurant la continuité entre ceux qui ont « épuré » la profession de ses métèques et ceux qui ont siégé ensuite. Bien sûr, l’antisémitisme n’est plus de mise aujourd’hui. Et les médecins juifs qui siègent dans les instances de l’Ordre seraient pour certains la preuve que l’Ordre d’aujourd’hui n’a pas de rapport avec l’Ordre de 1940.
Cependant, je pense nécessaire de faire deux observations.
Sans reprendre la longue liste des prises de position réactionnaires de l’Ordre depuis 1945, ce qui caractérise l’Ordre, c’est un principe corporatif et corporatiste au cœur de l’idéologie du fascisme. Une idéologie à l’œuvre aujourd’hui dans la logique de constitution d’Ordres qui décident que les problèmes doivent être réglés entre soi, à l’abri du jugement citoyen.
Et si l’antisémitisme n’est pas de mise, peut-on dire que racisme et xénophobie ont disparu ? Pour ne prendre qu’un exemple, que fait l’Ordre devant le traitement discriminatoire que subissent les médecins hospitaliers à titre étranger ?
Merci, Bernard, de ne pas être un médecin aux ordres.
André Rosevègue,
porte parole de l’Union Juive Française pour la Paix Aquitaine