Par Rudolf Bkouche
Le gouvernement israélien est un gouvernement de droite, voire d’extrême-droite. Il suffit de lire les déclarations des ministres israéliens sur les Palestiniens pour le comprendre [note]ainsi une ministre du nouveau gouvernement déclare que la terre qui va du Jourdain à la Méditerranée appartient à l’Etat d’Israël]], il suffit d’entendre le premier ministre israélien proclamer son refus d’un Etat palestinien, déclarer que les constructions de maisons continuent à Jérusalem-est et en Cisjordanie, pour comprendre la volonté politique de ce gouvernement « de droite » d’achever la conquête de la Palestine. On peut alors, avec bonne conscience, condamner le gouvernement le plus à droite de l’histoire israélienne et proclamer qu’une autre politique est possible.
Mais en quoi, en ce qui concerne la politique envers les Palestiniens, ce gouvernement est-il plus « de droite » que ses prédécesseurs, de droite ou de gauche.
Netanyahou fait scandale parce qu’il demande, pour négocier avec l’Autorité Palestinienne, que celle-ci reconnaisse l’Etat d’Israël comme l’Etat du peuple juif et qu’il renchérit quelques jours plus tard en proclamant que l’Etat d’Israël est l’Etat-nation du peuple juif. En quoi est-ce un scandale que le premier ministre israélien rappelle, à l’aube du XXIe siècle, ce que disaient les sionistes au début du XXe siècle ?
A lire certaines critiques du nouveau gouvernement israélien, on pourrait croire que c’est la droite sioniste qui a organisé la conquête de la Palestine et l’expulsion des Palestiniens en 1947/48, que c’est la droite israélienne qui a mis en place une politique d’Apartheid envers les Palestiniens restés sur le territoire israélien après la Nakba, que c’est la droite israélienne qui a achevé la conquête de la Palestine en 1967 et mis en place ce qu’on appelle la colonisation qui n’est que la façon d’annexer la terre palestinienne en commençant par débarrasser la terre de ses habitants indésirables, les Palestiniens.
Il suffit donc de quelques déclarations brutales de quelques nouveaux ministres israéliens pour que l’on oublie que la politique de ce gouvernement s’inscrit dans l’idéologie sioniste, qu’elle continue une politique menée par la « gauche sioniste », politique qui a commencé bien avant la création de l’Etat d’Israël, dès que le mouvement sioniste a décidé de construire l’Etat juif en Palestine.
Il y a pourtant une différence entre la droite sioniste et la gauche sioniste, c’est le discours.
A droite, un discours cynique, discours qui a le mérite de la clarté. Ce discours a commencé avec Jabotinsky, le père de la droite israélienne. Jabotinsky avait compris que les habitants de la Palestine n’accepteraient jamais que leur pays deviennent le territoire d’un Etat étranger et il en avait conclu que la guerre était la seule solution ; c’est cette politique que préconisent ses héritiers avec comme objectif celui de débarrasser la terre de l’Etat juif de toute présence palestinienne. A la froideur cynique du discours de leur père spirituel, ils ont ajouté le racisme contre les Palestiniens comme si ce racisme valait justification de leur discours.
A gauche au contraire, on a cherché à occulter la brutalité de la conquête sous un discours lénifiant. Comme expliquait Chaïm Weizamn, celui qui fut le maître de ce discours de mauvaise foi avant de devenir le premier président de l’Etat d’Israël :
« Il existe une nation arabe au glorieux passé. A cette nation nous avons tendu la main et nous la tendons encore aujourd’hui, mais à une condition… elle doit savoir que nous avons le droit de bâtir notre foyer en Eretz-Israël sans faire de tort à personne, en apportant notre aide à tous. »
« Sans faire de tort à personne », c’est-à-dire que le tort que nous faisons n’existe pas et tout est dit ; c’est Weizmann qui décide si oui ou non il y a tort envers les habitants de la Palestine, et puisqu’il décide qu’il n’y a pas tort… Les Palestiniens ne sont plus que les figurants d’un jeu qui ne les concerne plus, d’un jeu dont ils sont condamnés à n’être que les spectateurs passifs et sur lesquels ils n’ont rien à dire ; les Palestiniens n’existent pas puisque c’est contraire au sionisme qu’ils existent.
Le discours de la gauche a pour objectif de proclamer que ce sont les Palestiniens qui sont responsables du conflit, d’abord pour avoir refusé le partage de la Palestine proposé par l’ONU en 1947, comme si, face à la conquête sioniste, il eût été normal que les Palestiniens acceptent la création d’un Etat étranger sur leur propre terre, ensuite pour leur refus de reconnaître cet Etat. Ainsi selon le discours de la gauche sioniste, les Palestiniens deviennent les agresseurs, retournement nécessaire pour que le sionisme préserve la belle image d’une nation renaissant après deux mille années d’exil.
C’est encore ce double discours, conforté par les alliés de l’Etat d’Israël, qui va conduire à la mise en place de « la politique du processus » qui va suivre les Accords d’Oslo. Les Accords d’Oslo proposaient un simulacre de paix tout en préservant l’hégémonie israélienne sur la terre palestinienne. Consacré par la grande cérémonie de Washington où Rabin et Arafat se retrouvaient sous la houlette du président des Etats-Unis Clinton, les Accords allaient être suivis de « négociations » destinés à mettre fin au conflit. Ainsi se mettait en place un processus destiné à durer, chaque étape de ce processus se terminant par un échec, mais ce qui importait, c’était que la responsabilité de l’échec soit renvoyée aux seuls Palestiniens, l’exemple emblématique étant la rencontre de Camp David en 2000. Ainsi devait apparaître la bonne volonté des Israéliens face à la mauvaise foi des Palestiniens. Depuis se sont déroulées plusieurs étapes qui se terminaient par le refus des Palestiniens d’accepter les exigences israéliennes. Il faut alors revenir sur ces exigences que les Israéliens savaient inacceptables par les Palestiniens, que ce soit le refus de mettre fin à cette conquête du territoire que l’on appelle la colonisation ou que ce soit la demande faite aux Palestiniens de reconnaître l’Etat d’Israël comme un Etat juif. Il faut ici préciser que c’est la droite qui a posé ses exigences dont elle savaient qu’elles étaient inacceptables pas les Palestiniens;
C’est encore ce double discours qui a conduit la gauche sioniste au slogan « un Etat juif et démocratique ».
On comprend alors que certains aient « salué » la victoire de Netanyahou comme une opération « Vérité ». Ainsi Ali Abunimah écrit :
« Si l’Union sioniste (la liste « centre-gauche ») avait gagné, il aurait existé un très grave danger que les Palestiniens soient entraînés à nouveau dans une décennie de « négociations » stériles du style Oslo, qui auraient servi de couverture pour la poursuite de l’assujettissement et de la colonisation. »[Nous renvoyons à [l’article d’Ali Abunimah « Pourquoi je suis soulagé que Netanyahou ait gagné », The Electronic Intifada, 18 mars 2015.]]
et il ajoute :
« Le seul résultat positif de l’élection en Israël, c’est que cette voie-là semble être fermée. »
Avec son gouvernement considéré comme le plus à droite de l’histoire de l’Etat d’Israël, les choses sont claires. On sait que l’objectif reste non seulement l’achèvement de la conquête de la Palestine mais le départ des Palestiniens afin de permettre à l’Etat d’Israël d’être l’Etat juif espéré par les Pères fondateurs du sionisme.
De gauche ou de droite, la question reste celle du sionisme, cette idéologie nationaliste extrême qui a conduit d’une part à une catastrophe pour les Palestiniens et d’autre part à l’enfermement des anciens parias de l’Europe dans un Etat guerrier et oppresseur.
Rudolf Bkouche