COMMUNIQUE DE PRESSE
La SOGENA, organisatrice d’EURONAVAL 2024, n’a pas répondu à notre sommation du 25 octobre de prendre toutes les mesures afin d’empêcher la vente ou l’achat d’armes susceptibles d’être utilisées dans les crimes commis en Palestine, dans les territoires palestiniens occupés, et au Liban.
Paris, 2 novembre 2024
Plus 42 000 personnes palestiniennes dont 70 % de femmes et d’enfants ont été tuées dans le cadre des crimes internationaux les plus graves commis par Israël en Palestine, dans les territoires palestiniens occupés (ci-après TPO) et au Liban.
Plusieurs rapporteurs des Nations unies et de la Cour Internationale de Justice jugent plausible la situation de génocide et enjoignent Israël de faire cesser ces graves violations du droit humanitaire, des demandes d’émission de plusieurs mandats d’arrêt ont été formulées auprès de la Chambre Préliminaire de la Cour Pénale Internationale visant les plus hauts dirigeants israéliens dont le Ministre de la Défense, et une résolution du Conseil des droits humains de l’ONU a exigé l’arrêt de toute vente d’armes à Israël le 5 avril 2024.
Dans ce contexte, l’accueil d’entreprises Israéliennes ou des entreprises d’autres nationalités qui fournissent des armes à Israël au salon Euronaval, le plus grand salon de l’armement naval, que les sociétés (SOGENA, et sa maison mère le GICAN (Groupement des Industries de Construction et Activités Navales)) organisent du 4 au 7 novembre à Villepinte dans le pays des « droits de l’homme », nous apparaît d’une indécence inouïe, au-delà de son caractère que nous jugeons illégal.
Alors qu’Emmanuel Macron appelait début octobre à l’arrêt des ventes d’armes à Israël, la position de la France en ce qui concerne le commerce d’armement avec Israël reste ambigüe. Le 16 octobre, le site internet d’Euronaval annonçait que le gouvernement avait « validé la participation des délégations israéliennes au salon Euronaval 2024, sans stands ni exposition de matériel », précisant que 7 entreprises israéliennes étaient concernées par cette décision.
Le 18 octobre, l’exécutif français a pourtant annoncé par une dépêche AFP qu’« il n’a jamais été question d’interdire la participation des entreprises israéliennes ». Le site internet d’Euronaval modifiait alors sa communication, annonçant que ces entreprises « pourront disposer d’un stand d’exposition sous réserve que leurs produits ne soient pas utilisés dans les opérations militaires à Gaza et au Liban ». Sogena aurait donc estimé que deux entreprises israéliennes ne fabriqueraient pas de produits utilisés dans ces offensives. Elles devaient donc exposer leurs produits au salon, et les autres entreprises israéliennes étaient autorisées à être présentes sans exposer, ainsi que les délégations et visiteurs professionnels israéliens
Notre coalition de Collectifs a donc envoyé une sommation interpellative à la société la SOGENA le 25 octobre lui demandant de prendre sous huit jours des mesures supplémentaires et suffisantes afin d’éviter que des relations commerciales ne se nouent au salon en violation du droit pénal français et international humanitaire, des articles 6 et 7 (7) du Traité sur le Commerce des Armes (TCA), et de l’article 1bis de la position commune de l’U.E.
D’une part, nous pensons que ce tri entre les armes utilisées dans les offensives dans ces territoires et les autres armes livrées à Israël est impossible à effectuer, et à ce jour nous n’avons rien reçu de la part des sociétés organisatrices justifiant la mise en place de ce tri. De plus, des entreprises d’autres nationalités peuvent exposer des produits utilisés dans ces offensives à Euronaval, qu’il conviendrait donc d’interdire également.
D’autre part, permettre la présence au salon d’entreprises israéliennes ou d’autres nationalités, qui livrent des armes à un État criminel, quand bien même ces armes ne seraient pas identifiées comme étant utilisées dans l’offensive, et quand bien même elles n’exposeraient pas ces produits au salon, contribuerait à renforcer leur pouvoir économique de manière significative, et pourrait donc constituer une assistance aux crimes d’Israël.
Enfin, il apparait également tout à fait contraire au droit précité et particulièrement au droit pénal français et international en matière de complicité de crimes internationaux de permettre à des délégations ou intermédiaires d’un État criminel de venir au salon acheter les armes navales ayant vocation à permettre la poursuite des crimes dont il s’agit.
La justice française s’est prononcée sur tous ces points le 14 juin 2024. Suite à une campagne de mobilisation populaire de plusieurs mois conjuguée à une action en justice lancée par plusieurs de nos organisations et collectifs contre COGES, société organisatrice du salon mondial de l’armement Eurosatory, le Tribunal Judiciaire de Bobigny avait enjoint à cette société de respecter l’interdiction d’exposition des entreprises israéliennes prononcée par le gouvernement mais aussi d’interdire la participation des visiteurs professionnels israéliens et de leurs intermédiaires potentiels, estimant que leur présence pourrait causer un trouble manifestement illicite et un risque de dommage imminent.
Si la Cour d’Appel de Paris a infirmé cette décision quelques jours plus tard, elle s’est contentée de statuer en considérant que la procédure de référé utilisée par nos collectifs n’était pas la procédure appropriée. Elle n’a donc pas annulé le contenu de la décision qui reste valable et fait jurisprudence puisqu’il n’a pas été annulé par elle.
Des entreprises israéliennes avaient en parallèle saisi le tribunal de commerce qui avait jugé discriminatoires ces mesures d’interdiction au salon. Or cette décision n’a pas lieu d’être prise en compte dans la mesure où elle ne saurait venir en contradiction avec une décision de tribunaux judiciaires (du tribunal de Bobigny et de la Cour d’appel de Paris) et devrait faire l’objet d’un pourvoi dans l’intérêt de la loi devant la Cour de Cassation afin qu’elle retire cette décision illégale de l’ordre judiciaire français.
Des entreprises israéliennes ont à nouveau saisi le tribunal de commerce qui s’est prononcé le 30 octobre 2024 dans le même sens que pour l’affaire Eurosatory, et dans la même composition de juges non professionnels issus du monde des affaires, estimant les mesures d’interdiction d’exposition au salon de certaines entreprises par SOGENA discriminatoires envers les entreprises israéliennes
Or là encore, cette décision irait tout à fait à l’encontre des arrêts des plus hautes Cours de l’ordre judicaire et de la Cour Européenne des Droits de l’Homme que le tribunal de commerce ne peut contredire, qui ont jugé à plusieurs reprises, notamment dans le cadre de boycotts de produits israéliens, que le caractère discriminatoire tel que défini par le code pénal français n’était pas reconnu (C.Cass 17 octobre 2023 n° 22.83- 187, CA de Paris du 14 mars 2024 n° 22/03134 sur renvoi de la Cour de cassation, qui fait suite à la condamnation de la France par la CEDH, arrêt Baldassi et autres contre France 11 juillet 2020, n° 15271/16, pour avoir pénalisé l’appel au boycott des produits israéliens).
Le tribunal de commerce a aussi rejeté la demande du préfet, rejoint par le ministère public, qui lui demandait de décliner sa compétence, au profit du tribunal administratif normalement compétent pour connaître d’une décision administrative prise dans une matière aussi régalienne que le commerce d’armes.
Nous espérons que donc la SOGENA et le GICAN ne se réfugieront pas derrière cette décision contraire au droit applicable en matière de compétence juridictionnelle, de recevabilité de telles demandes mais aussi contraires aux décisions du juge judiciaire et qu’ils en feront appel dans le cadre d’une procédure d’urgence de référé d’heure à heure, appel auquel nos collectifs entendent faire une intervention volontaire, afin de pouvoir exposer nos arguments de droit devant la Cour.
Aussi, il est important de rappeler que cette décision du tribunal de commerce, comme l’autorisation qui aurait été donnée par les autorités françaises d’accueillir certaines entreprises et délégations à Euronaval, peuvent être considérées comme contraire au droit pénal français et international et par conséquent ne pas être suivies par les sociétés organisatrices. En effet, l’argument d’obéissance aux ordres (aussi appelé « défense Nuremberg ») selon lequel la personne obéissant aux ordres ne pourrait pas voir sa responsabilité engagée est totalement inefficace en droit pénal international s’agissant de crimes contre l’humanité (qualification englobant le génocide).
Nous espérons donc que les sociétés organisatrices d’Euronaval iront au-delà des mesures insuffisantes annoncées par l’exécutif et de la décision du tribunal de commerce, considérant sérieusement les risques encourus de voir leur responsabilité pénale lourdement engagée, comme la responsabilité de Lafarge l’a été pour complicité de crimes contre l’humanité.
Le CP et la sommation interpellative du 25 octobre ont été envoyés par les associations Al-Haq, UJFP, et les collectifs Stop Arming Israel France, Urgence Palestine, tous coordonnés et soutenus sur la stratégie médiatique et légale au sein de l’espace de travail collaboratif Droits et Mouvements Sociaux.