Au cœur de l’enfer que vit la bande de Gaza, où les décombres des maisons s’entassent sur les cadavres des rêves et où le bruit des bombardements remplace les chansons d’enfance, les femmes de Gaza apparaissent comme les plus durement touchées par cette catastrophe humanitaire qui perdure. Elles sont les mères qui portent les douleurs de leurs enfants, les déplacées qui ont perdu leur maison, les épouses qui ont dit adieu à leurs maris partis vers des tombes précoces ou derrière les barreaux de la prison. Elles sont celles qui restent seules, à découvert, avec leurs enfants lorsque tout disparaît.
Le quotidien des femmes dans les camps de déplacés est insupportable. Dans chaque tente, il y a une histoire de douleur ; dans chaque regard, une larme suspendue qui attend un moment de répit, même fugace. La faim, qui a commencé à ronger les corps, ne fait pas de distinction entre femme et enfant. La peur récurrente des bombardements sème la terreur dans les moindres détails de la vie quotidienne. La vie est désormais une question de survie, non plus de vivre pleinement.
Dans cette obscurité, l’importance des séances de soutien psychologique apparaît comme de petites lanternes qui éclairent un chemin au milieu des ténèbres. Elles offrent aux femmes un moment pour respirer avant de sombrer complètement.
C’est dans ce cadre que les équipes de l’UJFP ont organisé une séance spéciale de soutien psychologique intitulée « Souris, Gaza : Une heure de joie », dans le camp des Amis, à l’ouest de Deir al-Balah. Vingt femmes déplacées y ont participé, venues avec le poids des jours sur leurs épaules et reparties avec une âme plus légère et un espoir renouvelé.
La séance a commencé par une introduction chaleureuse intitulée « Le mot de la joie », où l’on a demandé à chaque participante de dire un mot qui, pour elle, exprimait la joie. Les réponses variaient entre « rire », « réunion », « sécurité », « voix de mes enfants ». Mais ce qui a le plus ému l’assemblée fut cette femme quinquagénaire qui, d’une voix tremblante, déclara :
« La joie, pour moi, c’est un repas chaud pour mes enfants. Cela fait longtemps qu’ils n’ont pas mangé en souriant. »
Ces mots furent l’étincelle qui réchauffa l’atmosphère. Les participantes ressentirent que leurs émotions étaient partagées et que leurs douleurs étaient les mêmes.
La séance s’est poursuivie avec un moment de relaxation et de respiration profonde. On demanda aux femmes de fermer les yeux, une musique douce se fit entendre en arrière-plan, et l’animatrice les guida à travers des exercices de respiration lente. Pendant ces instants, l’une d’elles versa des larmes en silence. Après l’exercice, elle dit :
« C’est comme si, pour la première fois, je respirais avec ma poitrine et non avec ma peur. J’ai senti que mon cœur battait à nouveau pour la vie, pas seulement pour survivre. »
Vint ensuite l’activité « Les plus beaux souvenirs », qui consistait à diviser les femmes en petits groupes pour échanger une histoire joyeuse ou un souvenir drôle du passé. L’une raconta son mariage, lorsque tout le quartier éclata de rire parce que l’électricité s’était coupée pendant la danse, et que tout le monde continua à chanter et applaudir dans le noir. Les rires fusèrent, et il sembla, l’espace d’un instant, que le parfum de la vie s’était invité dans le camp.
Au sommet de cette ambiance festive, on lança un « concours de chant et de sketches humoristiques ». Une jeune femme, malgré sa timidité, chanta une chanson populaire palestinienne d’une voix tremblante mais pleine de vie. Après sa prestation, elle dit :
« J’avais peur, mais j’ai senti que nous étions comme une seule famille. Je me suis revue petite fille chantant pour ma mère. »
Puis vint l’activité « Une histoire sortie de mon imagination », un jeu collectif où les femmes composaient ensemble une histoire amusante, chacune ajoutant une phrase à celle de la précédente. Très vite, la tente éclata de rire : l’histoire avait commencé par « Il y avait un chat qui aimait le mansaf » et s’était transformée en conte sur un chat cuisinier qui épouse un coq parlant ! Les rires étaient purs et les visages lumineux.
Pour conclure, on organisa la séquence « Prière pour la joie », où l’animatrice demanda à chaque femme de formuler une courte prière exprimant son vœu de bonheur. L’une d’elles, d’une voix émue, dit :
« Seigneur, ne fais pas de la joie un visiteur éphémère dans notre tente, mais un résident dans nos cœurs. »
Le silence régna, puis une autre ajouta :
« Mon Dieu, ramène-nous chez nous. Que nous ne riions pas seulement, mais que nous riions du fond du cœur, en sécurité. »
Cette séance n’était pas qu’un divertissement, mais une véritable intervention psychologique en plein effondrement. Les femmes y ont puisé une énergie nouvelle, la certitude qu’elles n’étaient pas seules et que le rire, les histoires et le chant possèdent une force thérapeutique réelle. L’une d’elles déclara plus tard :
« Nous riions, mais nous pansions nos blessures par le rire. Merci à vous. »
Cette expérience confirme une fois de plus que le soutien psychologique n’est pas un luxe en temps de crise, mais une nécessité pour sauver ce qui reste d’humain en nous. Les femmes de Gaza n’ont pas seulement besoin de pain et d’eau, mais aussi d’un moment humain, d’une main posée sur leur épaule qui leur dise : « Tu n’es pas seule. »
En conclusion, le sourire des femmes lors de cette séance reste une image éclatante qui adresse ce message au monde :
« Malgré la destruction, malgré la perte, nous possédons encore la joie. Nous continuons à rire, à raconter, à chanter. Car notre sourire est notre force, et notre joie est notre chemin vers la résilience. »
Photos et vidéos ICI
(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)