Témoignage d’Abu Amir le 19 juillet 2025 – À Gaza, chaque matin, la famine organisée hurle !

Photo les gens transportent de l'eau potable sur un site de déplacement dans le centre de Gaza.
Les gens transportent de l’eau potable sur un site de déplacement dans le centre de Gaza. Sans plus de carburant pour alimenter les générateurs de secours, l’extraction de l’eau et le dessalement pourraient bientôt s’arrêter. Photo de OCHA/Olga Cherevko

Chaque matin, les habitants de Gaza se réveillent au son d’une souffrance renouvelée, qui commence dès qu’ils ouvrent les yeux jusqu’au dernier souffle de la nuit. La journée entière se transforme en une misérable quête pour un morceau de pain, une poignée de farine ou quelques gouttes d’eau potable. Dans les rues de la bande de Gaza, la vie ne suit pas son cours : elle trébuche au milieu des décombres, des files de déplacés et du silence meurtrier du monde. Les femmes ne suivent plus leurs enfants vers l’école, mais vers les points de distribution d’aide humanitaire — et il se peut que la mère rentre les mains vides… ou ne rentre jamais.

La faim à Gaza n’est plus une métaphore ni une exagération, mais une réalité mesurable aux kilos perdus des corps des enfants, à leurs yeux enfoncés qui n’ont pas goûté au lait depuis des mois. Les images venues de là-bas disent la vérité sans commentaire : des enfants aux os saillants, des lèvres fendillées par la soif, des jeunes aux regards perdus, courant après les camions d’aide avant d’être rejetés vers la mort. Dans certains quartiers, on tue pour s’être simplement approché d’un camion contenant quelques sacs de farine. Les files d’attente pour du pain sont devenues des zones de danger, et l’eau potable un objectif militaire sur lequel on tire sans pitié.

Tout à Gaza témoigne d’une famine — mais pas une famine naturelle. C’est une famine imposée délibérément, de manière méthodique. Depuis des mois, la bande est fermée à la nourriture et aux médicaments. Le blocus étouffant étrangle la respiration de plus de deux millions de personnes. Les moulins sont à l’arrêt, les boulangeries sont hors service, les fermes ont été réduites en cendres sous les bombardements. Même les petits potagers familiaux, dernier souffle de survie pour certaines familles, ont été asphyxiés sous un ciel que ne traversent que des avions de guerre.

Le drame ne se limite pas à la faim : il s’étend à la maladie. Dans des hôpitaux sans carburant ni médicaments, des milliers de malades gisent. Certains se tordent de douleur, d’autres rendent leur dernier souffle dans le silence, car le monde a décidé que leurs cris ne méritaient pas d’être entendus. Des nouveau-nés meurent de déshydratation, de manque de soins ou simplement parce qu’ils sont nés à Gaza. Il n’y a ni électricité, ni lait, ni couveuses, ni droit à la vie.

La scène évoque les récits de persécutions collectives enseignés par l’Histoire, sauf qu’elle se déroule maintenant, non dans un passé lointain. C’est une famine collective organisée, exécutée sous l’œil des caméras du monde, et justifiée par des prétextes des plus fragiles. Lorsque la faim est utilisée comme une arme, et que les familles doivent choisir entre mourir sous les bombes ou de faim, ce n’est plus une stratégie de guerre, mais une forme de génocide lent. La machine militaire prive délibérément les gens des nécessités vitales, puis accuse les victimes de « vol d’aide », et punit tout le monde pour un crime qu’aucun d’eux n’a commis. Ainsi, le peuple paie seul le prix, sans distinction entre enfant et vieillard, entre femme et nourrisson.

Dans les expressions les plus poignantes de cette souffrance, ce sont les voix des mères qui racontent la véritable histoire : des mères à la recherche d’un seul repas pour nourrir leurs enfants, qui passent la nuit dans l’angoisse parce que leur enfant n’a pas mangé depuis deux jours, qui courent à l’aube derrière un camion censé contenir de l’« aide » — avant que l’endroit ne soit bombardé ou que des tirs ne s’abattent sur eux. Même la mort à Gaza n’est pas égale : certains meurent lentement de faim, d’autres en un instant, en cherchant à manger.

Aujourd’hui à Gaza, personne ne rêve d’avenir, mais d’un simple repas. Personne ne souhaite le bonheur, mais la survie. Tous ceux qui vivent là-bas paient le prix d’une injustice sans fin, d’une oppression incessante, d’une complicité internationale qui a fait de cet endroit un champ libre à la famine et à la punition collective. Chaque instant sans action est un instant où une petite fille meurt, où le lait d’une mère s’assèche, où un petit espoir s’éteint.

Et ainsi, les habitants de Gaza continuent à affronter leurs journées avec une dignité brisée et une faim brûlante, poursuivant le pain comme s’il s’agissait d’un rêve inaccessible, dans un monde qui a perdu son humanité — ou qui a choisi de voir… et de se taire.

(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)

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