Dans la bande de Gaza, même la terre ne suffit plus pour ceux qui l’ont quittée. Il n’y a pas de scène plus cruelle que celle d’un être humain privé de son dernier droit : être enterré dignement dans le sol de sa patrie. Avec la poursuite de l’agression israélienne brutale et l’augmentation quotidienne du nombre de morts, la souffrance a dépassé les limites du supportable. Gaza est devenue un champ de mort à ciel ouvert, sans tombes, sans terre, sans respect pour les défunts.
Les funérailles sont devenues une fuite face à une roquette ou une balle. L’adieu est une caresse hâtive sur le front d’un mort avant qu’il ne soit enveloppé dans un linceul et soustrait aux regards. Les scènes sont choquantes, elles arrachent l’humanité à l’homme et profanent la dignité du vivant comme du mort. C’est un moment charnière pour la conscience humaine, quand les tombes deviennent un luxe inaccessible et que l’enterrement devient un vœu difficile à exaucer. Est-il concevable que les cimetières deviennent une revendication urgente dans la liste de souffrances d’un peuple assiégé ?
Une terre qui n’accueille plus ni ses vivants… ni ses morts
Les massacres se succèdent quotidiennement. Le cri des endeuillés à peine apaisé est étouffé par un nouveau bombardement. Mais la tragédie ne se limite plus aux morts et à la destruction. Elle a dépassé les limites de l’imaginable : où enterrer nos martyrs ?
Imaginez une famille entière anéantie, sans que leurs proches ne trouvent un lieu pour leur dire adieu ou placer une pierre sur leur tombe pour les distinguer. La terre, jadis pleine de vie, est désormais saturée de cadavres. Les villes autrefois peuplées sont désormais envahies par la mort : des corps gisent à l’air libre, parfois les uns sur les autres.
Les mosquées ne peuvent plus contenir le nombre de funérailles. Les imams récitent des prières collectives pour des dizaines, voire des centaines de noms sans fin. Le spectacle ressemble à un cauchemar qui se répète chaque jour.
Avec l’occupation de plus de 75 % de la superficie de Gaza par les forces israéliennes, la souffrance a atteint un niveau sans précédent. Des milliers de familles sont piégées dans de petites poches au sud de la bande, dans des zones surpeuplées ou agricoles inadaptées à l’habitation, et encore moins à l’enterrement.
L’armée israélienne empêche les Palestiniens d’accéder à leurs anciens cimetières et cible quiconque tente de retourner dans les zones dont ils ont été expulsés.
La terre qui abritait leurs ancêtres et leurs bien-aimés est aujourd’hui sous occupation, interdite aux vivants comme aux morts. Le Palestinien ne possède même plus un coin de sa propre terre pour y reposer ses martyrs. La mort est devenue un rituel incomplet : sans adieu, sans sépulture, sans dignité.
C’est le sommet de la tragédie : être privé de sa patrie vivant, et même après la mort, être empêché de toucher son sol une dernière fois.
Des scènes déchirantes… des dépouilles au bord des routes
Les morgues des hôpitaux ne peuvent plus contenir de nouveaux corps. À l’hôpital Nasser, dans la ville de Khan Younès, l’administration a officiellement annoncé qu’il ne restait plus de tombes pour enterrer les morts, ajoutant un nouveau choc au fardeau quotidien des Gazaouis.
Il n’y a plus de lieu pour préserver les corps des martyrs. Ils sont entassés les uns sur les autres, déposés dans les couloirs des hôpitaux, dans des camions fermés ou même sous les arbres.
Les corps sont stockés dans des congélateurs à poisson ou dans des camions frigorifiques destinés au transport de légumes. Il n’y a plus de respect pour la mort, plus de voix qui s’élève au-dessus de celle de l’oppression.
Les familles pleurent en silence, craignant que les corps ne se décomposent avant d’être enterrés ou qu’elles soient contraintes de les abandonner sur le bord de la route faute de solution.
La mort n’est plus un moment ponctuel, elle est devenue constante, ininterrompue. Toute Gaza semble s’être transformée en un vaste cimetière.
Des enterrements collectifs… sans dignité, sans adieu
Dans une scène poignante, les familles sont contraintes de procéder à des enterrements collectifs pour leurs enfants. Il n’y a ni cérémonies, ni temps pour les adieux, ni tombes individuelles portant les noms des martyrs.
Ils placent des corps dans une seule fosse qu’ils recouvrent précipitamment de terre, par peur des bombardements. Même dans la mort, le Palestinien n’a pas droit à une reconnaissance digne de son sacrifice.
Il n’y a plus de condoléances, plus de tombes avec des noms, juste des fosses silencieuses sans marques ou de longues tranchées remblayées de pierres. Les martyrs sont enterrés à la hâte, enveloppés dans des sacs en plastique, jetés dans la terre sans rites ni adieux.
Même les prières sont murmurées, étouffées par la peur des frappes. La perte est devenue quotidienne, les larmes se sont taries, et nul ne sait où reposent exactement ses proches. Quelle fosse de cette terre cache leurs corps ?
Une injustice qui dépasse la vie… et poursuit l’être humain jusqu’à sa mort
Ce qui se passe à Gaza n’est pas seulement une agression militaire. C’est une violation totale de toutes les valeurs humaines. Être privé d’enterrement est un crime, une preuve de la cruauté extrême infligée aux civils du territoire.
Où est la communauté internationale face à cette tragédie ? Où est la conscience humaine face à un peuple qui ne trouve même pas où enterrer ses morts ?
Cette faillite morale ne peut être justifiée par aucun prétexte. Le droit international garantit la dignité de l’homme vivant et mort, et criminalise toute atteinte au caractère sacré des défunts. Mais à Gaza, tout est permis : tuer, bombarder, affamer, et même interdire l’enterrement.
Les Palestiniens n’ont plus aucun allié dans ce monde indifférent. Leurs appels à l’aide ne trouvent plus d’oreilles attentives ni de cœurs réceptifs. La tragédie est au-delà des mots, et le silence est un crime ajouté à ceux de l’occupation.
Gaza souffre aujourd’hui non seulement des bombardements, de la faim et du siège, mais aussi de l’entassement des morts, du manque de terre, et de l’angoisse des cœurs qui ne savent plus comment dire adieu à leurs enfants.
C’est une réalité qui dépasse l’imagination, résumant la catastrophe dans tous ses détails : un peuple vivant au cœur de la mort, des morts sans sépultures ni dignité.
Ce n’est pas une crise temporaire, mais un nouveau chapitre d’un génocide silencieux, où le vivant devient témoin d’un cadavre non enterré, une mère gardienne d’un enfant tué sans tombe.
À chaque nouveau martyr, la question douloureuse revient : « Où enterrerons-nous ceux que nous aimons ? » La terre s’est rétrécie, et la mort n’est plus une fin, mais une succession d’humiliations et de privations.
Gaza appelle aujourd’hui… Y a-t-il quelqu’un pour répondre ? Y a-t-il encore une conscience qui bat ? Une justice qui viendra… même tardivement ?
(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)