Dans l’une des grandes tentes communautaires du camp des Amis à Deir al-Balah, transformée en refuge forcé pour des familles ayant perdu leur maison, leur sécurité, et parfois même des membres de leur famille, vingt femmes déplacées se sont réunies. Des visages marqués par le déplacement, fatigués par l’attente, mais toujours porteurs de ce regard simple, empreint d’espoir, qui disait en silence : « Nous continuons d’essayer ».

L’atelier organisé cette semaine par les équipes de l’UJFP était un espace psychologique et humain sécurisé, un petit havre de paix pour respirer, pleurer, se libérer, et aussi remettre un peu d’ordre dans le chaos de la vie sous les tentes. La séance portait un titre étroitement lié au vécu quotidien de chaque femme présente : « Pollution, insectes et rongeurs dans les camps de déplacés ». Un titre qui peut paraître anodin à première vue, mais qui résume une menace silencieuse s’insinuant au cœur de la vie de chaque famille du camp, les blessant sans bruit, semant peur et maladie dans leurs corps.
Les femmes étaient assises en cercle, les animatrices exprimant leur compréhension profonde de la souffrance vécue par chaque femme : non seulement la perte de leur maison ou le manque d’eau et de nourriture, mais surtout le combat quotidien pour protéger leurs enfants contre des dangers invisibles comme les mouches, les rats, les maladies, les mauvaises odeurs, l’humidité et la pollution. Il n’y avait pas de place pour les apparences ; celles qui animaient la séance n’étaient pas seulement des expertes, mais aussi des femmes conscientes de ce que signifie avoir peur pour son enfant à cause d’une piqûre de moustique, devoir couvrir la nourriture avec un vieux tissu faute de mieux, ou poser l’oreille sur la poitrine de son fils pour écouter sa respiration car on n’a pas de médicament s’il tombe malade.
Les animatrices ont commencé par montrer des images réelles prises dans les camps : des tas d’ordures accumulés, des ustensiles exposés à l’air libre dans des tentes délabrées, des enfants dont les visages portaient les traces des piqûres d’insectes. Elles ont parlé de la manière dont un environnement pollué devient un lieu idéal pour la prolifération des mouches et moustiques, de la transmission des maladies par les rongeurs, et de la façon dont l’absence d’eau potable et d’assainissement transforme une tente de fortune en un lieu menaçant la vie. Ce qui était douloureux dans cet atelier, c’est que la plupart des femmes n’avaient pas seulement besoin d’être sensibilisées, mais aussi d’être entendues, reconnues dans leur souffrance, et de voir leur réalité admise comme anormale et inacceptable.

Une femme d’une trentaine d’années, d’une voix tremblante, a parlé de ses nuits sans sommeil, craignant que les rats mordent ses enfants, de la manière dont elle couvre les ustensiles avec de vieux vêtements, de ses tentatives de créer une barrière en plastique entre le sol boueux de la tente et leurs espaces de couchage. Une autre femme a parlé de sa fille souffrant d’éruptions cutanées après une vague de piqûres d’insectes, et de son bébé qui souffre de diarrhée à répétition à cause de l’eau contaminée. Elle a dit d’une voix étouffée : « Tout ce que je demande, c’est de me sentir rassurée pour mes enfants, juste un seul jour… Un jour sans tomber malade de peur. »
Puis est venue la phase d’échange de savoirs : les animatrices ont présenté des solutions simples et applicables dans les conditions difficiles du camp — comment utiliser le citron ou le vinaigre pour repousser les mouches, l’importance d’éliminer immédiatement les restes de nourriture, comment recycler les bouteilles vides pour conserver les aliments, et encourager les femmes à collaborer pour nettoyer les abords des tentes. Les participantes, à leur tour, ont commencé à partager leurs propres astuces, chacune apportant ce qui avait fonctionné pour elle, comme si l’atelier s’était transformé d’un espace de plaintes en une table de solutions, d’une tente de douleur en un lieu de solidarité.
À l’approche de la fin de l’atelier, les femmes se sentaient un peu plus fortes. Non pas parce que leur situation avait changé, mais parce qu’elles avaient compris qu’elles n’étaient pas seules, qu’il y avait des personnes à l’écoute, présentes et solidaires. Les animatrices ont insisté sur le fait que cette séance n’était que le début d’un chemin, avec d’autres ateliers à venir sur la santé, l’hygiène, la nutrition et les moyens de s’adapter aux dures réalités du déplacement. Elles n’ont pas promis de miracles, mais ont semé des graines d’autonomisation, donné des outils de prévention, et surtout : insufflé aux femmes la confiance qu’elles peuvent agir, même dans les circonstances les plus extrêmes.
Dehors, le soleil commençait à se coucher, la poussière emplissait toujours l’air. Les femmes sont reparties avec des pas alourdis par la réalité, certes, mais plus conscientes, plus fermement ancrées dans la vie. Car le changement ne commence pas toujours par de grandes décisions, mais parfois par un verre d’eau couvert, un morceau de tissu propre, ou même un sourire d’animatrice qui dit : « Nous sommes avec vous… et nous ne vous laisserons pas seules. »
Photos et vidéos ICI
(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)