Le rapport en anglais ICI
Faits marquants
- Le blocus, les nouveaux ordres de déplacement et les bombardements en cours, y compris sur les tentes, les hôpitaux et les écoles, continuent de faire de plus en plus de victimes, de déplacements et de dénuements extrêmes dans l’ensemble de Gaza.
- Lors d’un exposé au Conseil de sécurité sur la situation humanitaire et la protection des travailleurs humanitaires à Gaza, le chef des secours des Nations unies, Tom Fletcher, a appelé à une action décisive pour prévenir le génocide à Gaza.
- Des frappes sur les deux principaux hôpitaux de Khan Younis ont encore paralysé un système de soins de santé déjà décimé, suscitant de nouveaux appels à la protection des civils, y compris le personnel médical, et des installations médicales conformes au droit international humanitaire.
- Les trois quarts de la population de Gaza devraient faire face à des niveaux d’urgence ou catastrophiques d’insécurité alimentaire grave dans le cadre d’un scénario catastrophe réaliste, le scénario d’une opération militaire de longue durée et de grande envergure et de la poursuite du blocus complet. Dans ce scénario, les indicateurs clefs de l’insécurité alimentaire, de la malnutrition et de la mortalité aigus dépasseraient les seuils de famine du CIP.
Développement humanitaire
- Depuis le 2 mars 2025, et durant 74 jours, les autorités israéliennes imposent un blocus complet à Gaza, conduisant à la quasi-paralysie des efforts humanitaires visant à protéger et à aider les civils par la fourniture de produits de base. Parallèlement, depuis le 18 mars 2025, les forces israéliennes ont intensifié les bombardements aériens, terrestres et maritimes sur toute la bande de Gaza et mené des opérations au sol étendues. Cela a entraîné des centaines de victimes, des destructions d’infrastructures civiles et des déplacements massifs. En l’absence de lieu sûr, on estime que plus de 436 000 personnes ont été déplacées à nouveau depuis la réescalade des hostilités le 18 mars et à la date du 13 mai, selon le cluster Gestion des sites (Site Management Cluster SMC)[1]. Les gens se sont confinés dans des espaces de plus en plus rétrécits, 71 % de la bande de Gaza se trouvant maintenant dans des zones militarisées israéliennes ou ayant été soumis à des ordres de déplacement depuis le 18 mars. Des frappes sur les bâtiments résidentiels, les tentes pour les personnes déplacées à l’intérieur du pays et les hôpitaux ont été signalées, ainsi que sur des bâtiments. Des combats entre les forces israéliennes et des groupes armés palestiniens ont été signalés.
- Dans son exposé au Conseil de sécurité des Nations unies sur la situation humanitaire et la protection des travailleurs humanitaires à Gaza le 13 mai 2025[2], le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Tom Fletcher, a déclaré que les Nations unies avaient « informé ce Conseil de manière très détaillée sur les dommages considérables causés aux civils dont [les humanitaires] sont les témoins quotidiens : morts, blessures, destruction, faim, maladies, torture, autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, déplacements répétés, à grande échelle. Les [humanitaires] ont décrit l’obstruction délibérée des opérations d’aide et le démantèlement systématique de la vie palestinienne, et de ce qui la soutient, à Gaza.» Il a appelé les membres du Conseil de sécurité à exiger qu’il soit mis fin à cette situation, à cesser d’armer ce pays et a insisté sur l’obligation de rendre des comptes. Il a demandé aux autorités israéliennes de cesser de tuer et de blesser des civils, de lever le blocus et de laisser les humanitaires sauver des vies. Il a appelé le Hamas et d’autres groupes palestiniens armés à libérer immédiatement et sans condition tous les otages et à cesser de mettre les civils en danger pendant les opérations militaires.
- Selon le Ministère de la santé à Gaza, entre le 7 et le 14 mai à midi, 275 Palestiniens ont été tués et 949 blessés. Entre le 7 octobre 2023 et le 14 mai 2025, le Ministère de la santé à Gaza a signalé qu’au moins 52 928 Palestiniens avaient été tués et 119 846 blessés. Cela comprend 2 799 personnes tuées et 7 805 blessées depuis la réescalade des hostilités le 18 mars 2025, selon le Ministère de la santé.
- Les attaques contre les travailleurs humanitaires et le personnel médical à Gaza continuent d’être signalées. Le 4 mai, une pharmacienne bénévole du Fonds d’aide aux enfants de la Palestine a été tuée[3] avec toute sa famille dans la ville de Gaza. Le 7 mai, un autre professionnel de la santé (sage-femme) travaillant pour Al Awda Health and Community Association a été tué[4], avec sa famille, lorsque leur maison a été frappée dans le nord de Gaza. Depuis le 7 octobre 2023, au moins 430 travailleurs humanitaires, dont 305 membres du personnel de l’ONU, ont été tués. Cela comprend 151 travailleuses humanitaires et 276 travailleurs humanitaires masculins à la date de fin d’avril 2025. En outre, le Ministère de la santé a signalé que plus de 1 400 agents de santé avaient été tués. Appelant la communauté internationale à prendre des mesures immédiates pour protéger les travailleurs de santé de Gaza, Medical Aid for Palestinians (MAP) a déclaré que « le système de santé de Gaza est systématiquement démantelé, ce qui rend impossible le maintien de la vie des Palestiniens à Gaza ». Un chirurgien a déclaré au MAP : « Aucun endroit n’est sûr (…) Mon message est le même que celui que nous répétons depuis plus d’un an et demi : les équipes médicales qui continuent à soigner les patients et restent à leurs postes dans ces conditions dévastatrices doivent être protégées ».
- Les hôpitaux continuent d’être attaqués. Le 13 mai, les forces israéliennes ont frappé à la fois l’hôpital Nasser et l’hôpital européen de Gaza, les deux principaux hôpitaux de Khan Younis. Le directeur des hôpitaux de campagne du Ministère de la santé, Dr. Marwan Al-Hams a indiqué qu’il s’agissait de la deuxième attaque contre l’hôpital Nasser en deux mois. Elle a mis hors service 40 lits d’hospitalisation et 10 lits d’unité de soins intensifs. Le directeur de l’hôpital a informé[5] l’OMS que deux personnes avaient été tuées et 12 autres, dont des patients et des membres du personnel médical, avaient été blessées. Un journaliste a été pris pour cible[6] et tué dans l’attaque alors qu’il recevait un traitement dans son lit d’hôpital à la suite d’une blessure qu’il avait subie lorsqu’une tente pour les journalistes avait été frappée auparavant. Le même jour, la Coordonnatrice adjointe de l’action humanitaire dans le territoire palestinien occupé (OPT), Suzanna Tkalec, s’est rendue[7] à l’hôpital, où elle s’est entretenue avec le personnel et une équipe de médecins internationaux; elle a souligné que ces attaques étaient inacceptables et qu’il fallait qu’elles cessent,et que les établissements de soins de santé et les personnes qui les desservaient devaient toujours être protégés. Le même jour, les forces israéliennes ont pris pour cible l’hôpital européen de Gaza avec une série de frappes aériennes, frappant les cours intérieures et les environs de l’hôpital. Dix-neuf personnes, dont cinq, auraient été tuées et plus de 40 blessées, dont quatre journalistes. Le porte-parole de la défense civile palestinienne (Palestinian Civil Defense – PCD) a signalé que les équipes de secours avaient retrouvé 28 morts. Il a ajouté que deux membres de leur équipe avaient été blessés alors qu’ils avaient ensuite été pris pour cible alors qu’ils tentaient de secourir des blessés dans une maison d’habitation près de l’hôpital. L’équipe a dû se retirer de la maison sans pouvoir aider les blessés qui étaient piégés à l’intérieur. À la suite de l’attaque, Médecins sans frontières (MSF) opérant à l’hôpital[8] a dû suspendre les consultations externes et réduire le nombre de membres du personnel de MSF dans l’établissement.
- Entre le 7 octobre 2023 et le 7 mai 2025, l’OMS a recensé[9] 686 attaques sanitaires dans la bande de Gaza, touchant 122 établissements de santé et 180 ambulances. Il s’agit notamment de plusieurs événements qui ont été signalés depuis la réescalade des hostilités le 18 mars, qui ont entraîné la destruction[10] de l’hôpital d’amitié turco-palestinien, les dommages causés au service chirurgical de l’hôpital de Nasser, les dommages causés au service de l’unité de soins intensifs (UIT) et les panneaux solaires de l’hôpital Al-Durrah, qui l’ont rendu hors service, et la destruction[11] du bâtiment d’urgence et d’autres installations de l’hôpital arabe d’Al-Ahli. En outre, selon l’OMS, au moins 38 points de services de santé sont situés dans des zones d’évacuation désignées, et 110 autres dans un rayon d’un kilomètre, ce qui menace l’accès aux soins de santé dans l’ensemble de la bande. À Rafah, il n’existe pas de services de soins de santé primaires ou secondaires qui fonctionnent; seuls des services de soins de santé limités sont dispensés par les hôpitaux de terrain du CICR et des Émirats arabes unis et deux points médicaux, leur accès étant limité par les risques de sécurité.
- À cinq reprises entre le 7 et le 12 mai, trois écoles qui abritaient des personnes déplacées auraient été frappées dans la ville de Gaza et dans le gouvernorat nord de la bande de Gaza. Une école servant d’abris aux réfugiée dans la ville de Gaza a été frappés trois fois les 7 et 8 mai, ce qui a entraîné la mort de 21 personnes et de nombreuses autres personnes blessés. Le 10 mai, une autre école a été frappée dans la ville de Gaza, ce qui aurait entraîné la mort de deux personnes. Le 12 mai, une école qui héberge des personnes déplacées a été touchée dans le nord de Gaza, ce qui aurait entraîné la mort de 16 personnes, dont six enfants. D’après la dernière évaluation[12] du cluster Éducation, 62 % des bâtiments scolaires qui ont été utilisés par les personnes déplacées comme refuges ont été directement touchés (voir ci-dessous).
- Entre le 7 et le 14 mai, d’autres faits ayant fait des morts ont été signalés dans la bande de Gaza, notamment :
- Le 7 mai, vers 17 heures, cinq Palestiniens, dont un enfant, auraient été tués lorsqu’un immeuble résidentiel aurait été frappé à Beit Lahiya, dans le governorat nord de la bande de Gaza.
- Le 7 mai, vers 23 heures, cinq Palestiniens, dont un enfant, auraient été tués et cinq autres blessés, tandis que d’autres auraient été portés disparus, lorsqu’un bâtiment résidentiel aurait été touché au sud-ouest de Beit Lahiya, dans governorat nord de la bande de Gaza. Au cours des opérations de secours, un ambulancier aurait été blessé après l’effondrement d’une partie du bâtiment.
- Le 8 mai, vers 18 h 23, quatre Palestiniens, dont une petite fille et un garçon, auraient été tués et au moins 20 blessés lorsqu’un magasin à l’intérieur d’une maison familiale a été frappé près de la route de Salah Al Deen dans le camp de réfugiés d’An Nuseirat, à Deir al Balah.
- Le 9 mai, vers 1 h 41, trois Palestiniens, dont un jeune garçon et une femme, auraient été tués et d’autres blessés lorsqu’un immeuble d’habitation aurait été frappé dans l’est du camp de réfugiés d’An Nuseirat, à Deir al Balah.
- Le 11 mai, vers 0 h 55, quatre Palestiniens (un couple marié et leurs deux enfants) auraient été tués lorsqu’une tente de personnes déplacées aurait été touchée dans l’est de Khan Younis.
- Le 12 mai, à minuit, trois Palestiniens (un couple marié et leur enfant) auraient été tués lorsqu’une tente de personnes déplacées aurait été frappée à Jabalya, dans le governorat nord de la bande de Gaza.
- Le 14 mai, vers 1 h 30, 19 personnes, dont neuf femmes et 9 enfants, auraient été tuées lorsqu’une maison aurait été frappée dans le camp de réfugiés de Jabalya, dans le governorat nord de la bande de Gaza.
- Le 14 mai, vers 1 h 30, 15 personnes, dont neuf enfants et trois femmes, auraient été tuées lorsque deux appartements auraient été frappés dans le camp de réfugiés de Jabalya, dans le governorat nord de la bande de Gaza.
- Le 14 mai, vers 2 h 15, neuf Palestiniens, dont un couple marié, leurs deux fils et deux filles et trois de leurs petits-enfants, auraient été tués et d’autres blessés lorsqu’un bâtiment résidentiel a été frappé dans la région d’Al Fukhkhari, dans l’est de Khan Younis.
- Entre le 8 et le 14 mai, deux soldats israéliens ont été tués à Gaza, selon l’armée israélienne. Entre le 7 octobre 2023 et le 14 mai 2025, selon les forces israéliennes et les sources israéliennes officielles citées dans les médias, plus de 1 614 Israéliens et ressortissants étrangers ont été tués, la majorité le 7 octobre 2023 et ses conséquences immédiates. Il s’agit notamment de 414 soldats tués, en plus de 2 663 soldats blessés, à Gaza ou le long de la frontière israélienne depuis le début de l’opération au sol en octobre 2023. Il s’agit notamment de sept soldats tués et de 77 blessés depuis la réescalade des hostilités le 18 mars 2025.
- Le 12 mai, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a facilité le transfert d’un otage[13] de Gaza aux autorités israéliennes. Il s’agit de la première opération de libération depuis la fin du cessez-le-feu le 1er mars. Au cours du cessez-le-feu, entre le 19 janvier et le 1er mars 2025, 25 otages israéliens et cinq otages thaïlandais, les corps de huit otages israéliens, dont deux enfants, et 1 777 détenus palestiniens ont été libérés. Au 14 mai, on estime que 58 Israéliens et ressortissants étrangers restent prisonniers à Gaza, y compris les otages qui ont été déclarés morts et dont les corps sont retenus.
- Selon l’aperçu[14] de la Classification intégrée des phases de sécurité alimentaire (Integrated Food Security Phase Classification – IPC) sur la bande de Gaza, qui a été publiée le 12 mai, la population totale de 2,1 millions de personnes devrait être confrontée à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire entre le 11 mai et la fin de septembre 2025, un demi-million de personnes (une sur cinq) étant confrontées à la famine, notant que les résultats marquent une détérioration significative par rapport à l’analyse précédente de l’IPC d’octobre 2024. « Avec l’expansion annoncée des opérations militaires dans toute la bande de Gaza, l’incapacité persistante des organismes humanitaires à avoir accès aux populations dans les besoins pressants, une escalade anticipée des hostilités et la poursuite des déplacements massifs de population, le risque de famine dans la bande de Gaza n’est pas seulement possible – il est de plus en plus probable », avertit l’IPC (voir note 14). Les principales conclusions et projections de l’analyse de la CIP sont résumées ci-après :
- L’analyse explique que la reprise des opérations militaires à la suite du cessez-le-feu, des déplacements massifs, l’effondrement des systèmes alimentaires et le blocus en cours ont encore perturbé l’accès à l’aide humanitaire, aux marchés, à la santé, à l’eau et aux services d’assainissement, et causé des dommages supplémentaires aux infrastructures essentielles restantes. L’analyse souligne que, sur la base de données récentes, de nombreux ménages ont recours à des stratégies d’adaptation extrêmes: « Un tiers des personnes interrogées ont indiqué qu’elles ramassaient des déchets pour les vendre contre de la nourriture (to sell for food), tandis qu’un quart d’entre elles ont indiqué qu’il ne restait aucun déchet de valeur ».
- L’analyse prévoit qu’entre le 11 mai et la fin de septembre 2025, l’ensemble de la population de Gaza soit confrontée à une crise ou à des niveaux plus graves d’insécurité alimentaire (IPC 3 et plus), dont plus d’un million de personnes (54%) devraient être dans la phase d’urgence (phase 4 de l’IPC 4) et 470 000 personnes (22%) confrontées à des niveaux catastrophiques d’insécurité alimentaire grave (phase 5 de l’IPC).
- L’analyse prévoit que 71 000 enfants âgés de 6 à 59 mois et près de 17 000 femmes enceintes ou allaitantes devraient avoir besoin d’un traitement d’urgence pour la malnutrition aiguë entre avril 2025 et mars 2026. Elle souligne que les gouvernorats de Gaza-ville, du Nord de la bande de Gaza et de Rafah devraient être engagés dans la phase 4 (critique) pour la malnutrition aiguë, tandis que les gouvernorats de Deir al Balah et de Khan Younis atteindront la phase 3 (grave). Selon l’analyse, les facteurs qui contribuent à la malnutrition aiguë comprennent l’insuffisance de l’apport alimentaire, l’accès extrêmement limité aux services de santé et de nutrition et les lacunes critiques dans les domaines de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène.
- L’analyse donne un aperçu de la famine potentielle dans le cadre du scénario le plus défavorable, où l’insécurité alimentaire, la malnutrition et la mortalité aiguë dépasseraient les seuils de la phase 5 (famine) du CIP : « Dans un scénario d’une opération militaire de longue haleine et à grande échelle et de maintien du blocus humanitaire et commercial, il y aurait un manque critique d’accès aux fournitures et aux services essentiels à la survie. Ce scénario entraînerait probablement de nouveaux déplacements massifs à l’intérieur des gouvernorats et entre eux. La grande majorité de la population de la bande de Gaza n’aurait pas accès à la nourriture, à l’eau, à l’abri et aux médicaments. Cela exacerberait les troubles civils et la concurrence pour les ressources rares restantes, érodant encore davantage les mécanismes de survie et de soutien communautaires limités qui subsistent. Les restes de services de santé s’effondreront complètement en raison du manque de personnel et de fournitures, notamment pour le traitement de la malnutrition grave et la fourniture des vaccins nécessaires pour prévenir les épidémies. L’absence d’options de traitement pour les maladies transmissibles et non transmissibles conduirait à une détérioration rapide de l’état de santé et de nutrition de la population. Le manque d’eau potable, l’effondrement du système de gestion des déchets solides et le surpeuplement aggraveraient les conditions de santé et augmenteraient la morbidité chez les enfants et les adultes. »
- Pour éviter de nouveaux décès, la faim et la malnutrition aiguë, et une plongée dans la famine, l’Initiative mondiale de l’IPC (IPC Global Initiative) appelle à la cessation immédiate et durable des hostilités, à un accès humanitaire sans entrave et soutenu; à la protection des civils, aux travailleurs humanitaires et aux infrastructures civiles; à la fourniture d’une aide vitale grâce à des interventions intégrées multisectorielles – notamment en matière d’alimentation, de nutrition, d’eau de santé, d’assainissement et d’alimentation; et de la restauration à grande échelle des approvisionnements commerciaux, des services essentiels, des systèmes de marché et des systèmes locaux de production.
- Commentant l’aperçu de l’IPC, la Directrice générale de l’UNICEF, Catherine Russell, a souligné[15] : « Le risque de famine n’arrive pas soudainement. Il se déroule dans les endroits où l’accès à la nourriture est bloqué, où les systèmes de santé sont décimés, et où les enfants sont laissés sans le strict minimum pour survivre. La faim et la malnutrition grave sont une réalité quotidienne pour les enfants de toute la bande de Gaza », ajoutant que l’UNICEF a « mis en garde à nouveau contre cette trajectoire et appellent à nouveau toutes les parties à prévenir une catastrophe ». De même, la Directrice exécutive du Programme alimentaire mondial (PAM), Cindy McCain, a souligné[16] que « [Les familles de Gaza meurent de faim alors que la nourriture dont elles ont besoin se trouve à la frontière. Nous ne pouvons pas les leur transmettre en raison de la reprise du conflit et de l’interdiction totale de l’aide humanitaire imposée au début du mois de mars », exhortant la communauté internationale à agir pour apporter de l’aide à Gaza parce que si « nous attendons que la famine soit confirmée, il sera déjà trop tard pour de nombreuses personnes ». L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a en outre souligné[17] que l’impact à long terme de la malnutrition « peut durer toute une vie sous la forme d’un retard de croissance, d’une altération du développement cognitif et d’une mauvaise santé », avertissant que « faute d’aliments nutritifs en quantité suffisante, d’eau propre et d’accès aux soins de santé, c’est toute une génération qui sera affectée de manière permanente ».
- Avec une détérioration alarmante de l’insécurité alimentaire et une famine imminente, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a demandé[18] un accès immédiat pour sauver les moyens de subsistance et la production alimentaire. La communauté internationale doit agir maintenant. Le rétablissement immédiat de l’accès aux fournitures humanitaires et commerciales à grande échelle est essentiel. Chaque retard aggrave la faim et accélère la disette, nous rapprochant ainsi de la famine », a déclaré le Directeur général de la FAO, M. QU Dongyu. Depuis octobre 2023, la production commerciale de bétail a été en grande partie détruite, et il ne reste plus qu’une production domestique limitée pour l’autoconsommation, qui est vitale pour la sécurité alimentaire des ménages, car elle constitue la dernière source accessible de lait, d’œufs et de viande. La FAO a estimé que le nombre de moutons a baissé à 36%, de chèvres à 39%, de bovin à 3,8%, de poules pondeuses et de poulets de chair à 1,4%, et d’animaux de traits à 79,5%. Toutefois, à la suite de l’interdiction de toutes les fournitures humanitaires et commerciales du 2 mars, 20 à 30 % supplémentaires du bétail devraient avoir péri. La FAO souligne qu’en l’absence d’aliments pour animaux et de kits vétérinaires, il en résultera non seulement une perte supplémentaire de sources alimentaires essentielles, mais que les animaux non traités présentent également de graves risques pour la santé publique en devenant des vecteurs de maladies. La FAO note qu’une nouvelle évaluation FAO-UNOSAT est actuellement en cours et que les premières indications suggère une nouvelle réduction des terres agricoles utilisables, laissant peu de place pour préserver ou restaurer les moyens de subsistance. Comme l’a souligné le CIP, l’aide alimentaire ne permettra pas à elle seule d’éviter la famine, soulignant l’importance d’une réponse humanitaire multisectorielle et intégrée, y compris la nutrition, la santé, l’assistance WASH et le rétablissement à grande échelle de la production alimentaire locale, des marchés et de l’offre commerciale.
- D’après une nouvelle évaluation[19] du cluster Éducation, qui s’appuie sur les images satellitaires recueillies le 4 avril 2025, près de 88,8 % des bâtiments scolaires de la bande de Gaza (501 sur 564) ont été directement touchés ou endommagés et on estime qu’ils nécessiteront une reconstruction complète ou des travaux de réhabilitation importants pour être à nouveau fonctionnels. L’évaluation a révélé que 406 bâtiments scolaires (72%) étaient directement frappés et 95 (16,8%) endommagés depuis le 7 octobre 2023. Cinquante pour cent (279) des écoles directement touchées et endommagées sont des écoles publiques, 29 % (162) sont des écoles de l’UNRWA et 11 % (60) sont des écoles privées. En outre, 62 % des bâtiments scolaires qui ont été utilisés par les personnes déplacées comme abris ont été directement frappés. Les écoles qui ont été directement frappées ou endommagées desservaient plus de 547 000 élèves et emploient plus de 20 500 enseignants avant octobre 2023, ce qui représente environ 88,4 % de la population étudiante et du personnel enseignant dans la bande de Gaza.
Rétrécissement de l’espace humanitaire
- Au 14 mai, environ 249 000 repas par jour ont été préparés et livrés par 16 partenaires du cluster Sécurité alimentaire dans le cadre d’une cinquantaine de cuisines dans la bande de Gaza. Il s’agit d’une réduction d’environ 160 000 repas par rapport au niveau de production du 11 mai, en raison de la fermeture de 19 cuisines supplémentaires. Au total, depuis le 25 avril, où 1 080 000 repas ont été produits et livrés quotidiennement par 180 cuisines, la production de repas a diminué de 75 % dans la bande de Gaza, environ 115 cuisines ayant été contraintes de fermer en raison du manque d’approvisionnement. Ce nombre augmente de jour en jour.
- La situation nutritionnelle des enfants à Gaza continue de se détériorer rapidement, sans entrée de fournitures nutritionnelles spécialisées et avec des possibilité limitée ou nulle pour les organismes humanitaires de fournir de la nutrition et d’autres services. En avril, les partenaires du cluster Nutrition ont examiné près de 60 000 enfants et identifié 2 500 cas de malnutrition aiguë, dont 169 souffrant d’une grave malnutrition. Par rapport à février 2025, la proportion d’enfants identifiés comme souffrant de malnutrition aiguë parmi ceux qui ont fait l’objet d’un dépistage a presque doublé, ce qui témoigne de la gravité de la situation. De même, 27 enfants souffrant de malnutrition grave et souffrant de complications médicales ont été admis en avril dans trois centres de stabilisation, contre 14 en mars. Les trois centres de stabilisation sont situés dans les gouvernorats de la ville de Khan Younis et de Deir al Balah, laissant des milliers d’enfants dans le nord de la bande de Gaza et à Rafah sans accès à ces services essentiels. La réduction de l’espace humanitaire et les contraintes d’accès entravent encore les efforts de détection de la malnutrition, les sites de programme thérapeutique ambulatoire (outpatient therapeutic programme – OTP) ont été réduits de 25 % par rapport à février, laissant seulement 87 sites OTP opérationnels dans l’ensemble de Gaza. En outre, en avril, le nombre de dépistages a diminué d’environ 26 % pour les enfants et de 20 % pour les femmes enceintes et allaitantes (PBW) par rapport à mars, où 92 404 enfants et 30 358 enfants ont été dépistés. Dans le même temps, les partenaires du cluster Nutrition signalent qu’ils sont en rupture de stock de suppléments nutritionnels spécialisés pour la prévention de la malnutrition. Ces multiples interventions de prévention de la malnutrition (supplémentation, micronutriments, alimentation complémentaire) sont essentielles dans le contexte de l’aggravation de la faim et de la malnutrition. Selon le cluster Nutrition, plus de 92 % des enfants âgés de 6 et 23 mois et les femmes enceintes et allaitantes ne répondent pas à leurs besoins en nutriments en raison de l’insuffisance alimentaire minimale.
- Dans de vastes zones de la bande de Gaza, les équipes humanitaires sont encore tenues de coordonner leurs mouvements avec les autorités israéliennes. Entre le 7 et le 13 mai, sur les 53 tentatives visant à coordonner les mouvements d’aide prévus dans la bande de Gaza, 31 ont été purement et simplement refusées par les autorités israéliennes, une a été initialement acceptée mais a rencontré des obstacles, notamment des blocages ou des retards sur le terrain pouvant entraîner l’annulation ou l’accomplissement partiel des missions, 20 ont été entièrement facilitées et une a été retirée par les organisateurs pour des raisons logistiques, opérationnelles ou de sécurité. Il s’agit notamment de 20 tentatives de mouvements d’aide coordonnés à l’intérieur ou vers le governorat nord de la bande de Gaza, dont 12 ont été facilitées, 7 ont été refusées et 1 retirée. Dans le sud de Gaza, sur les 33 tentatives de missions coordonnés d’aide, 8 ont été facilitées, 24 ont été refusées et une a été entravée.
- Le 13 mai, un ordre de déplacement a été émis par l’armée israélienne pour des parties du gouvernorat nord de la bande de Gaza, couvrant environ 5,2 kilomètres carrés dans huit quartiers, à la suite de tirs de roquettes palestiniens. Selon le cluster Gestion des sites (Site Management Cluster SMC), il y a 38 sites de déplacement dans la zone concernée par l’ordre, dont 25 sites se trouvent dans des zones qui qui ont déjà fait l’objet d’un ordre de déplacement. En outre, des installations humanitaires sont situées dans la zone concernée, dont quatre puits, deux stations de pompage des eaux usées, une usine de dessalement, un bassin d’eaux pluviales, six espaces d’apprentissage temporaires desservant environ 700 enfants et deux hôpitaux, entre autres. Au total, entre le 18 mars et le 13 mai, l’armée israélienne a émis au moins 23 ordonnances de déplacement, plaçant environ 146 kilomètres carrés, soit 41 % de la bande de Gaza, sous ordonnance de déplacement. Un autre ordre de déplacement a été émis le 14 mai.
- Un seul patient a été évacué par des raisons médicales en dehors de Gaza depuis le 22 avril, ce qui porte à 123 le nombre total de patients qui ont été évacués par des raisons médicales à l’étranger depuis la réescalade des hostilités le 18 mars. En comparaison, entre le 1er février et le 17 mars 2025, au cours du cessez-le-feu, 1 702 patients ont été évacués pour recevoir un traitement médical à l’étranger, selon l’OMS[20]. Depuis octobre 2023, plus de 7 230 patients ont été évacués de Gaza, mais plus de 10 500 patients, dont plus de 4 000 enfants, ont encore un besoin urgent d’évacuation sanitaire[21].
- Le Ministère de la santé de Gaza a émis des avertissements urgents au sujet d’un effondrement catastrophique du système de santé[22], touchant en particulier les services de soins ophtalmologiques. Selon le Dr. Abdelsalam Sabah, directeur de l’hôpital d’ophtalmologie de Gaza, environ 1 500 personnes ont perdu la vue en raison de blessures liées à la guerre, et 4 000 autres sont exposées à un risque imminent de cécité en raison de graves pénuries de médicaments essentiels et de matériel chirurgical. Dr. Sabah a en outre averti que le secteur de la santé était confronté à une grave pénurie de consommables et de dispositifs médicaux nécessaires pour les chirurgies ophtalmologiques, ce qui a entraîné une dégradation presque totale des services chirurgicaux, en particulier pour les maladies rétiniennes, la rétinopathie diabétique et les saignements internes. L’hôpital d’ophtalmologie est aux prises avec un manque grave de consommables et d’équipements chirurgicaux, avec seulement trois ciseaux chirurgicaux usés qui sont réutilisés à plusieurs reprises, augmentant considérablement les risques pour les patients et empêchant un traitement efficace. De nombreuses blessures aux yeux causées par les explosions nécessitent des matériaux spécialisés, tels que l’acide hyaluronique et les sutures fines, qui sont presque épuisés. Dr. Sabah a ajouté que si la situation actuelle persiste, l’hôpital ne serait bientôt plus en mesure de fournir quelque type de services chirurgicaux que ce soit.
- Le système de santé au sens large est également mis à rude épreuve en raison des pénuries critiques de médicaments essentiels et de fournitures médicales. Selon le Ministère de la santé, 43 % des médicaments essentiels sont actuellement en rupture de stock, soit une augmentation de 6 % par rapport au mois précédent, tandis que 64 % des consommables médicaux ont été épuisés[23]. Les services d’urgence, de chirurgie et de soins intensifs fonctionnent avec des fournitures gravement épuisées, dans un contexte d’augmentation du nombre de patients gravement blessés. Les patients atteints de maladies chroniques et sévères, telles que l’insuffisance rénale, le cancer, les troubles sanguins et les maladies cardiaques, sont les plus touchés par les pénuries, a rapporté le Ministère de la santé, avertissant du risque d’arrêt complet des services de santé en raison du refus d’entrée de fournitures pharmaceutiques urgentes.
- Les hôpitaux ont également du mal à faire face à des pénuries critiques de matériel médical, a rapporté[24] le Ministère de la santé. Il s’agit notamment des appareils de radiographie mobiles, des dispositifs d’anesthésie et des instruments chirurgicaux nécessaires pour les chirurgies spécialisées en orthopédie, les soins vasculaires, l’ophtalmologie et la chirurgie générale. Les services hospitaliers sont débordés par la pénurie de lits médicaux, d’appareils d’assistance et d’espace pour accueillir le nombre croissant de patients. Les stocks de gaz médicaux vitaux comme le dioxyde de carbone, l’éthylène et les oxydes sont complètement épuisés, et les tissus chirurgicaux essentiels, le linge de lit et les linceuls sont indisponibles. En outre, les mesures de lutte contre les infections ont été gravement compromises en raison des pénuries de fournitures d’hygiène, telles que le chlore concentré et les enzymes de nettoyage. Les équipes médicales travaillant sans relâche 24 heures sur 24 sont également confrontées à des pénuries de nourriture et de soutien nutritionnel, ce qui compromet leur capacité de fournir des soins.
[1] https://www.cccmcluster.org/resources/gaza-population-movement-monitoring-flash-update-14
[2] https://www.ochaopt.org/content/briefing-security-council-humanitarian-situation-and-protection-aid-workers-gaza
[3] https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=667937279204308&id=100079641243877&mibextid=wwXIfr&rdid=sNsObJw6Ef3TOSmV
[4] https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=661241446541905&id=100079681656155&mibextid=wwXIfr&rdid=ob4EbncCL55WHL6o
[5] https://x.com/DrTedros/status/1922289438773698916
[6] https://pjs.ps/ar/page-3325.html
[7] https://www.unocha.org/news/todays-top-news-occupied-palestinian-territory-sudan-5#occupied-palestinian-territory
[8] https://prezly.msf.org.uk/gaza-strike-on-nasser-hospital
[9] https://www.emro.who.int/images/stories/Sitrep_58s.pdf?ua=1
[10] https://www.ochaopt.org/content/humanitarian-situation-update-275-gaza-strip
[11] https://www.ochaopt.org/content/humanitarian-situation-update-280-gaza-strip
[12] https://reliefweb.int/report/occupied-palestinian-territory/verification-damages-schools-based-proximity-damaged-sites-gaza-occupied-palestinian-territory-update-9-may-2025
[13] https://reliefweb.int/report/occupied-palestinian-territory/israel-and-occupied-territories-icrc-facilitates-hostage-release-calls-renewed-and-sustainable-ceasefire-agreement-enarruzhdept
[14] IPC Global Initiative – Special Snapshot : https://www.ipcinfo.org/fileadmin/user_upload/ipcinfo/docs/IPC_Gaza_Strip_Acute_Food_Insecurity_Malnutrition_Apr_Sept2025_Special_Snapshot.pdf
[15] https://www.unicef.org/mena/press-releases/risk-famine-children-across-gaza-new-report-says
[16] https://www.wfp.org/news/risk-famine-across-all-gaza-new-report-says
[17] https://reliefweb.int/report/occupied-palestinian-territory/people-gaza-starving-sick-and-dying-aid-blockade-continues?utm_source=rw-subscriptions&utm_medium=email&utm_campaign=country_updates_180
[18] https://www.fao.org/newsroom/detail/gaza–with-famine-looming–fao-urges-immediate-access-to-save-livelihoods-and-food-production/en#:~:text=Agriculture%20on%20the%20brink%20of%20collapse&text=But%20a%20geospatial%20assessment%20carried,have%20been%20damaged%20or%20destroyed.
[19] https://reliefweb.int/report/occupied-palestinian-territory/verification-damages-schools-based-proximity-damaged-sites-gaza-occupied-palestinian-territory-update-9-may-2025
[20] https://www.emro.who.int/images/stories/Sitrep_58s.pdf?ua=1
[21] https://www.unognewsroom.org/story/en/2635/un-geneva-press-briefing-09-may-2025/0/WjnegYbwZ1#:~:text=Since%20the%20resumptions%20of%20hostilities,4%2C000%20of%20which%20were%20children.
[22] https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=1012396024398673&id=100068848555061&mibextid=wwXIfr&rdid=pijxPcexxB0EYjIR
[23] https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=1012440657727543&id=100068848555061&mibextid=wwXIfr&rdid=d9t0Rm8YVd9VrbXG
[24] https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=1013104054327870&id=100068848555061&mibextid=wwXIfr&rdid=PsGXdkqWnCq3KLf0