Un contexte terrible qui nous impose de résister
Du côté de Trump, c’est « America first » avec une brutalité décomplexée. Du côté de Nétanyahou, c’est l’affirmation officielle d’un apartheid renforcé avec la loi « Israël État-Nation du peuple juif ». Dans ce contexte en Europe, c’est un populisme xénophobe aux relents fascisants qui progresse, s’installe au pouvoir ou impose son agenda. Trump et Nétanyahou pensent que le rapport de force leur est définitivement favorable et qu’ils peuvent faire capituler le peuple palestinien.
L’État d’Israël est devenu plus que jamais le laboratoire des armes les plus sophistiquées, de la surveillance et de l’enfermement des populations déclarées dangereuses. Cet État est protégé et soutenu par la plupart des dirigeants occidentaux parce que ce morceau d’Europe, installé par la force au Proche-Orient, c’est leur État, c’est un exemple vivant de reconquête coloniale, c’est un endroit où la répression de masse fonctionne.
L’alliance entre les forces racistes et souvent antisémites (les Chrétiens sionistes, l’extrême droite européenne) et les dirigeants israéliens n’est pas fortuite. Elle est durable et correspond à une proximité idéologique faite de néocolonialisme et de suprématisme.
L’espoir né en 2011 des révolutions arabes s’est éteint dans beaucoup de pays dans le sang et la dictature. Le régime d’Assad massacre son peuple en toute impunité. La dictature du Maréchal Sissi collabore avec l’occupant israélien en contribuant en particulier au blocus de Gaza. Et le régime féodal et patriarcal d’Arabie Saoudite, en allié de Trump, exige à son tour une capitulation des Palestiniens et conduit le massacre du peuple yéménite.
La Palestine n’a pas d’État, mais elle a deux gouvernements rivaux. Cette fragmentation est une grande victoire de l’occupant. Ces deux gouvernements consacrent plus d’efforts à se combattre qu’à appuyer la résistance de leur peuple. Celui-ci a connu durant l’année écoulée une nouvelle avancée de la colonisation, une nouvelle forme de massacre de masse à Gaza et une aggravation du nettoyage ethnique contre les Bédouins.
La négation des droits élémentaires des Palestiniens a pour pendant la chasse aux exilés et aux immigrés chez nous.
Cette chasse est devenue particulièrement meurtrière en Méditerranée.
L’Union Européenne renvoie les exilés à leurs tortionnaires. Les dirigeants de cette Union rivalisent en propos xénophobes et en démantèlements des camps de réfugiés. Alors que la plupart des gouvernements européens détruisent systématiquement la protection sociale et les garanties conquises, le populisme détourne l’insatisfaction en propageant le racisme et en faisant des exilés les nouveaux boucs émissaires. L’Union Européenne finance et arme ceux qui ont construit de véritables camps de concentration aux portes de l’Europe.
L’UJFP dans le mouvement de solidarité avec la Palestine
Les décisions de Trump de déménager son ambassade à Jérusalem, de couper les vivres de l’UNRWA et d’expulser la représentation de l’OLP aux États-Unis achèvent de détruire le mythe de l’existence d’un processus de paix.
La Palestine est plus que jamais fragmentée et il est tout à fait contreproductif de prétendre qu’il n’y a qu’une seule voie possible pour la résistance : les accords d’Oslo se sont révélé être une totale impasse pour les Palestiniens et le gouvernement israélien en a fait un instrument de la poursuite de la colonisation. La solution à deux États dans les frontières de 1967 et une Palestine représentée par l’Autorité Palestinienne, ne peuvent être en aucun cas la voie unique imposée au mouvement de solidarité. Les paroles palestiniennes sont très diverses, notre solidarité va naturellement à la société civile qui, dans la difficulté, reste debout, et à un peuple qui refuse d’être enfermé dans des bantoustans. Quand l’Autorité palestinienne emprisonne ses opposants politiques ou coupe les salaires à Gaza, on comprend que la société civile palestinienne la dénonce et que le mouvement de solidarité la soutienne.
L’UJFP participe activement au mouvement BDS-France. Elle défend un boycott tel que défini et appelé par les Palestiniens (boycott politique, économique, commercial, militaire, culturel, universitaire, syndical, sportif …) et souhaite que le mouvement de solidarité le soutienne. Elle fait sienne les trois grandes revendications de l’appel au BDS : liberté, égalité et justice.
Dans le mouvement de solidarité, la dénonciation de l’apartheid israélien et le développement du BDS sont des axes majeurs. En tant qu’association juive, nous nous devons de combattre l’idéologie sioniste qui est raciste, suprématiste, criminelle contre les Palestiniens et suicidaire à terme pour les Juifs. Nous devons réaffirmer que le sionisme est un obstacle à toute paix fondée sur la justice et l’égalité des droits.
L’avenir de la Palestine dépend de la capacité du peuple palestinien à résister malgré l’adversité et de notre capacité à nous, société civile occidentale, à imposer que nos gouvernants cessent d’être complices avec l’apartheid israélien et sanctionnent enfin Israël. L’attitude du gouvernement français envers Salah Hamouri, Georges Ibrahim Abdallah et la flottille de Gaza révèlent cette complicité.
Nous n’avons pas à convaincre nos dirigeants français ou européens qui sont parfaitement informés. Nous devons construire un rapport de force qui les contraigne à changer de politique.
Cette année a été marquée par les marches du retour. Le crime fondateur de cette guerre, c’est la Nakba, l’expulsion préméditée des Palestiniens de leur propre pays en 1948-49. La revendication du droit au retour est centrale et incontournable. Cette année a aussi été marquée par une nouvelle flottille de la liberté partie pour briser le blocus de Gaza dans laquelle l’UJFP a été très impliquée.
L’UJFP doit amplifier ses liens avec les autres associations juives progressistes en Europe, en Amérique et à l’internationale), notamment EJJP, JVP et IJAN. Elle soutient plus que jamais les anticolonialistes israéliens. La loi sur l’État-nation est aussi une attaque frontale contre les Juifs vivant hors d’Israël et « devenus à l’insu de leur plein gré », aux yeux des sionistes, des étrangers dans leurs propres pays.
La question de nos alliances et des actions communes est un débat permanent.
Soutenir le peuple palestinien où qu’il se trouve, c’est lutter contre la fragmentation de la Palestine et du mouvement de solidarité. L’UJFP est engagée dans le soutien aux réfugiés, aux prisonniers, aux Palestiniens de 48, victimes de discriminations, à celles et ceux qui résistent à l’avancée de la colonisation et aux destructions de maisons en Cisjordanie. Elle est au côté de la population de Gaza, engagée dans la grande marche du retour, qui refuse l’ethnocide programmé et continue à faire société (scolariser les enfants, étudier à un haut niveau, cultiver la terre et pêcher) malgré le blocus. Elle popularise la lutte des Bédouins qui résistent au nettoyage ethnique dans le Néguev comme dans la vallée du Jourdain …
L’UJFP contre le racisme
Nous prônons le vivre ensemble dans l’égalité des droits en Israël/Palestine comme en France ou dans les autres pays.
Face à une nouvelle montée d’un racisme décomplexé qui touche les populations post-coloniales, les Noirs, les Roms, les musulmans, les Arabes, les Asiatiques et contribue à une recrudescence de l’antisémitisme, l’UJFP s’engage :
contre les crimes racistes et les violences policières,
contre la chasse au faciès,
contre les discriminations à l’emploi et au logement,
contre les lois d’exception,
contre une justice qui ne combat pas le racisme,
contre la diffusion massive des idées d’extrême droite, terreau commun à toutes les formes de racisme,
contre une chasse institutionnelle aux migrants et/ou aux sans-papiers,
contre la répression qui frappe toutes celles et ceux qui refusent de courber la tête, y compris le mouvement social.
L’UJFP dénonce le colonialisme français qui persiste aujourd’hui et n’a jamais réellement disparu et les interventions militaires qui l’accompagnent.
L’UJFP, au nom de la mémoire dont elle est porteuse, est totalement solidaire de celles et ceux qui, de la Roya à Briançon ou à Calais refusent l’inhumanité du traitement infligé aux exilés. Elle a signé le manifeste pour l’accueil des migrants.
Elle salue l’action exemplaire de SOS Méditerranée et de l’équipage de l’Aquarius qui ont sauvé des milliers de vies.
L’UJFP entretient des rapports privilégiés avec les autres associations de racisés ; elle est de plus en plus partie prenante dans la mobilisation pour un antiracisme décolonial. Elle s’implique avec ces organisations dans la construction d’outils communs.
L’UJFP plus que jamais nécessaire
Avec l’ensemble du mouvement social, nous vivons une situation paradoxale : une majorité en France considère à présent que le gouvernement israélien porte la responsabilité majeure dans la poursuite de la guerre au Proche-Orient. Et pourtant, nous peinons à organiser des manifestations massives.
Quand nous nous exprimons, nous rencontrons souvent l’adhésion et même un certain soulagement que notre voix juive existe. Militants ou pas, nous avons besoin de nouveaux soutiens.
Nous avons subi cette année des attaques très dures. De la part des institutions sionistes, rien d’étonnant. Mais nous avons du mal à créer des brèches. Alors que des voix qui ne viennent pas de chez nous s’indignent à propos de l’évolution fascisante de la société israélienne (Zeev Sternhell, Charles Enderlin …), notre voix ne pénètre que très peu la communauté juive française organisée. Mais il n’y a pas fatalité à ce que cette communauté soit aujourd’hui dirigée par l’extrême-droite.
Sauf à de rares moments, les grands médias ignorent le mouvement de solidarité et l’UJFP.
Sur pression de NGO-Monitor, une organisation israélienne, et des officines sionistes, l’État français a tenté d’intimider l’UJFP en s’en prenant aux 10 clips de l’UJFP.
Ces officines n’ont visiblement pas supporté que l’UJFP parle d’antisionisme et de racisme d’État. L’UJFP ne changera pas : ces deux questions sont au cœur de notre raison d’être.
Enfin l’UJFP se préoccupe de la transmission nécessaire de l’ancienne génération, celle des enfants cachés, des enfants de résistants, des luttes anticoloniales, aux générations suivantes.
Conserver nos acquis et notre mémoire tout en renouvelant nos pratiques et notre voix juive est indispensable.