Les Israéliens dans la rue, les Palestiniens au pied du mur

Depuis qu’Israël a mené la guerre contre le Liban l’été dernier, l’opinion publique a sans doute évolué. Le 5 août 2006, en plein milieu de l’engagement militaire de leur pays au Pays du Cèdre, 10 000 Israéliens ont manifesté dans les rues de Tel-Aviv pour réclamer l’arrêt immédiat des hostilités, ainsi que le retrait d’Israël des territoires palestiniens occupés.

Cette manifestation était appelée par toutes les composantes de la gauche anticolonialiste : Gush Shalom, Ta’ayoush, l’AIC, la Coalition des femmes pour la paix, Hadash (Parti communiste), les objecteurs de conscience, les partis arabes à la Knesset, etc. Neuf mois plus tard, la rue israélienne a manifesté à nouveau. Mais les protestataires, plus de 150 000 le 3 mai 2007, n’étaient pas les mêmes. Cette fois-ci la foule a réclamé la démission du Premier ministre Ehoud Olmert (Kadima) et du ministre de la Défense Amir Peretz (Parti Travailliste). La plupart des manifestants n’ont pas crié « démission » parce qu’Olmert et Peretez ont causé la mort de plus de 1 500 civils libanais et palestiniens. Ils ont crié « démission » parce que ces dirigeants n’ont su ni gagner la guerre, ni éliminer le Hezbollah (principal parti de la résistance libanaise), ni liquider son chef Hassan Nasrallah (la nouvelle bête noire d’Israël depuis la mort de Yasser Arafat). Car la commission Winograd est passée par là. Son rapport, rédigé à la demande du gouvernement, a identifié comme principaux responsables de cette débâcle militaire Olmert, Peretz et le général Dan Haloutz, chef d’état-major à l’époque.

Si 10 000 Israéliens ont manifesté contre la guerre en août 2006, 15 fois plus l’ont fait contre la débâcle en 2007. La proportion de manifestants est donc de 1 juste contre 15 excités hurlant avec les loups pour encore plus de sang. Dans n’importe quelle société, 1 juste pour 15 abrutis peut suffire à faire basculer l’opinion en faveur de la justice, mais c’est bien au contraire qu’on assiste à l’heure actuelle. Il faut cependant préciser qu’Uri Avnery, figure historique du mouvement anticolonialiste israélien, nous informe que parmi les 150 000 manifestants la semaine dernière, il y avait certes des gens de droite mais aussi ceux de gauche, des religieux et des laïques, des sépharades et des ashkénazes, des colons et des pacifistes, des jeunes et des vieux. Autrement dit, des citoyens représentant toutes les sensibilités de la société israélienne souhaitent la démission d’Olmert et de Peretz… pour des raisons différentes. De fait, la question n’est pas tant les 160 000 manifestants qui ont battu le pavé au cours des derniers neuf mois, toutes tendances confondues. C’est de savoir où est le reste de la population : les quelques 5 840 000 autres Israéliens, qui, eux, n’ont PAS manifesté, ni en 2006, ni en 2007. Que pensent-ils ? Tout laisse croire qu’ils sont davantage séduits par les abrutis que par les justes. En effet, en cas de démission du gouvernement, les derniers sondages donnent la victoire, dans des élections législatives anticipées, au Likoud de l’ancien Premier ministre Benyamin Netanyahou (une formation à la droite de Kadima). La vague néo-conservatrice incarnée par des dirigeants comme Bush, Berlusconi, Sarkozy et Poutine semble gagner Israël. C’est triste pour les Israéliens et mortifère pour les Palestiniens, les grands perdants de ce raz-de-marée réactionnaire.