Iran, le risque d’une nouvelle fuite en avant criminelle et suicidaire d’Israël

Le Bureau National de l’UJFP fait sienne l’analyse de Michel Warschawski

Arrêtez-les, ils sont fous et dangereux!

MERCREDI 16 NOVEMBRE 2011

Michel Warschawski

AU PIED DU MUR

Cela fait plusieurs années que les dirigeants israéliens menacent d’attaquer l’Iran, ou plutôt pressent les Etats-Unis de le faire. Le régime iranien est systématiquement identifié par les médias israéliens au régime nazi des années trente, et, si l’on veut éviter une nouvelle Shoah, il est indispensable de l’éradiquer par la force avant qu’il n’ait acquis les moyens de détruire ladite civilisation judéo-chrétienne. La chute de l’administration néo-conservatrice à Washington, qui partageait les visées bellicistes israéliennes, n’a fait que renforcer les appels du gouvernement israélien en faveur d’une offensive militaire contre le régime des Ayatollahs.

Profitant de l’incapacité de Barack Obama à s’opposer aux dirigeants israéliens, à la veille d’une campagne électorale qui s’annonce problématique pour le président sortant, ceux-ci ont haussé le ton.

Souvent interrogé lors de conférences publiques sur l’éventualité d’une frappe israélienne contre l’Iran, j’ai toujours répondu que nos dirigeants étaient courageux mais pas téméraires, et que les menaces d’attaque n’étaient que du bluff. En effet, les capacités de riposte iranienne étaient énormes: bombardement massif des villes israéliennes, bombardements des puits de pétrole des pays du Golfe les plus liés aux Etats-Unis, rupture du flux pétrolier vers l’Europe en coulant un ou deux bateaux dans le détroit d’Ormuz, vague d’actions terroristes dans les pays occidentaux, etc. Une attaque contre l’Iran coûterait extrêmement cher à Israël et à ceux qui l’auraient laissé faire, d’où ma quasi-certitude qu’une telle attaque contre l’Iran n’aurait pas lieu.
Depuis quelques semaines, mes certitudes en ont pris un coup. Malgré l’avis défavorable de l’état-major et de l’ensemble des agences de renseignements israéliennes, et malgré l’opposition de l’allié stratégique américain, il semblerait de plus en plus que l’équipe au pouvoir à Tel-Aviv soit décidée à passer outre et à prendre les risques incommensurables qu’une agression militaire impliquerait. Car la troïka qui tient les rênes du gouvernement israélien est composée de fanatiques irresponsables et extrêmement dangereux: Benjamin Netanyahu, Ehoud Barak et Moshe Yaalon sont, tous les trois, des docteurs Folamour. Surtout Ehoud Barak, qui semble être le plus déterminé dans ces visées guerrières et suicidaires. Le ministre de la Défense a été plusieurs fois décrit dans les médias israéliens comme un dangereux psychopathe armé d’une idéologie faite de brutalité et de racisme – «nous sommes une villa dans la jungle», aime-t-il répéter – persuadé d’être un génie stratégique qui comprend toujours mieux que les autres ce qu’il faut faire. Le fait qu’il ait toujours échoué n’y change rien: il n’a jamais gagné une guerre, il a essuyé des gifles électorales et réduit son parti à l’état groupusculaire avant de quitter le navire qu’il a fait lui-même chavirer. Jamais Israël n’a connu de dirigeant à la fois si incapable et si dangereux.

Avec de tels personnages à la tête du pays, les risques d’une attaque contre l’Iran sont à ce point réels que des généraux à la retraite, des politiciens et d’anciens chefs de renseignements ont décidé de monter au créneau et de débattre publiquement les projets gouvernementaux et les risques qu’ils impliquent. Ils peuvent s’appuyer sur nombre de dirigeants européens qui, à l’instar d’Alain Juppé, mettent en garde contre les conséquences catastrophiques d’une offensive israélienne. Mais les mises en garde ne sont plus suffisantes: ce qui semble se préparer nécessite de fortes pressions politiques et commerciales, capables de ramener le gouvernement de Tel-Aviv à la raison. Si c’est encore possible.

* Militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).