par Joëlle Marelli
Oublier l’hegemon . Vers de nouvelles alliances judéo-arabes[[Merci à Michèle Sibony, de l’UJFP, qui m’a incitée à redéployer une partie du texte paru dans la revue Asylon en 2014 http://www.reseau-terra.eu/article1254.html#nb2. Dans le présent texte (qui forme la première partie d’un dyptique dont la seconde est à venir), la notion d’hegemon renvoie à l’instance hégémonique, à laquelle il importe, à mes yeux, de restituer sa part d’abstraction : par cette abstraction, la notion d’hegemon rappelle en effet que personne ne « colle » véritablement à aucune des définitions qui instaurent l’hégémonie culturelle et politique de certains groupes au détriment d’autres ; celles et ceux qui perpétuent leur propre hégémonie en réitérant les catégories de pensée qui leur sont nécessaires pour se maintenir à l’exclusion de leurs « autres » ne doivent plus pouvoir se prévaloir de l’universel abstrait comme s’il décrivait une catégorie d’êtres réels. L’hegemon est la catégorie de ceux qui se prennent les pieds dans le tapis de l’universel abstrait et prétendent y entraîner les groupes que cette catégorie n’engloberait pas. Il s’agit d’inverser le processus : si les luttes anti-hégémoniques ont cherché jusqu’ici, avec raison, à faire ressortir le caractère abstrait de l’universalisme pour démontrer son exclusivisme, il importe également, désormais, de montrer que les catégories qui se croient représentatives de l’universel, et imposent à ce titre leurs régimes d’exclusion, en sont en réalité toujours déjà exclues elles aussi, par l’un ou l’autre aspect de leurs identités, et plus fondamentalement, répétons-le, par l’abstraction de la figure universelle.]]
La peur, l’hystérie
Quand on parle de ce qui s’est passé, se passe et se passera – dans l’hypothèse où le futur n’est pas radicalement hypothéqué – en Israël/Palestine, on met le plus souvent deux termes en regard : les Juifs, les Arabes – palestiniens et/ou autres ; ou encore les juifs, les musulmans, selon que le « conflit » est pensé en termes nationaux ou religieux. Les autres instances (l’Europe, les États-Unis) sont abordées le plus souvent comme des arbitres, des observatrices plus ou moins bienveillantes, plus ou moins investies, plus ou moins mal à l’aise. Et, bien sûr, toujours désintéressées. Ces instances occupent la position du tiers raisonnable qui assume la tâche de la médiation et de la facilitation entre ces enfants impossibles que seraient les Juifs et les Arabes, les juifs [[Ici comme ailleurs, j’utilise de manière plus ou moins arbitraire la capitale ou le bas de casse pour l’initiale du nom « J/juif ». Je problématise ailleurs (dans un travail en cours) la règle qui prévaut en français quant à la graphie de ce nom.]] et les musulmans, les Israéliens et les Palestiniens.