Le premier congrès juif antisioniste a lieu du 13 au 15 juin à Vienne, en Autriche, dans le but d’amplifier les voix juives contre le sionisme et d’aider le mouvement mondial pour la justice et la libération en Palestine.
Haim Bresheeth-Žabner – 12 juin 2025
L’antisionisme est aussi ancien que le sionisme politique. Les deux mouvements sont nés la même année, 1896. L’un était un mouvement modeste lancé par le journaliste viennois Theodore Herzl, tandis que l’autre était un mouvement de masse de travailleurs juifs de pays d’Europe de l’Est et de Russie – le Bund socialiste. Alors que le Bund est devenu un vaste mouvement dans plusieurs pays d’Europe de l’Est – en Pologne par exemple, c’était le deuxième parti le plus nombreux au Seym, le parlement polonais, le sionisme représentait moins de 1% de la population juive d’Europe. Pendant la grande période d’émigration juive d’Europe de l’Est qui a commencé en 1881, des millions de Juifs ont immigré en Amérique du Nord et du Sud, en Grande Bretagne, en Afrique du Sud et en Australie. Pendant la même période, quelques milliers de sionistes ont immigré en Palestine.
Si ce n’était Hitler, le sionisme serait resté une petite colonie juive insignifiante en Palestine, très probablement. Les six millions de Juifs morts dans l’Holocauste n’étaient pas sionistes, la plupart étaient antisionistes, soit des socialistes bundistes, soit des Juifs religieux orthodoxes, qui voyaient le sionisme comme extrêmement antijuif. En exterminant les grandes communautés juives d’Europe, les Nazis ont tué l’antisionisme, laissant 250 000 survivants, dont la plupart furent incarcérés dans des camps de personnes déplacées en Europe après la deuxième guerre mondiale. L’Europe, les USA, le Royaume Uni, le Canada et le reste de l’Occident étaient réticents, voire opposés à prendre des survivants. Aussi, au lieu d’offrir aux gens détruits qui avaient survécu au nazisme un foyer dans leurs propres pays, ils les ont juste envoyés en Palestine – hors de leur vue et oubliés. C’est une des principales raisons pour lesquelles ces États ont voté en 1947 le partage de la Palestine accordant la plus grande partie, 55%, au sionisme et le reste, 44%, « donné » à la population indigène, les Palestiniens, qui étaient la majorité, soit plus des deux tiers de la population. Cette sorte de justice a toujours été appliquée à la Palestine par l’Occident depuis lors.
En 1948, la Nakba a aggravé la terrible injustice de la privation infligée aux Palestiniens par l’ONU de 55% de leur terre, de façon à trouver une place aux victimes du fascisme et du nazisme européens – un conflit auquel les Palestiniens ni d’autres Arabes n’ont pris part. Cette injustice, que l’ONU a décidé de ne pas traiter si ce n’est en votant des résolutions défiées par Israël, n’a fait que s’approfondir en 1967, quand Israël a pris le contrôle de la totalité de la Palestine et a commencé à y créer des colonies illégales. Aujourd’hui, les Palestiniens ne contrôlent même pas 5% de leur propre pays.
Malgré cela, l’ONU a évité de prendre quelque sanction que ce soit contre Israël. Tous les efforts pour engager des sanctions ont toutes essuyé un veto de l’Occident. C’est là la situation depuis 1948, mais il ne devrait pas en être ainsi.
Si l’Occident, avec à sa tête les USA, oppose automatiquement un veto à toutes les résolutions du conseil de sécurité contre Israël, il ne peut pas le faire pour les résolutions de l’Assemblée Générale de l’ONU, qui constituent le droit international. En 1974, l’Assemblée Générale a voté la suspension de l’Afrique du Sud pour le crime d’apartheid, à une large majorité : 92/22. La plupart des États occidentaux, derrière les USA, le Royaume Uni et la France, ont voté contre. L’Afrique du Sud n’a été réadmise qu’en 1994, sous la présidence Mandela.
Il n’y a pas de raison pour que cela ne se reproduise pas. Si l’action est juste contre le crime d’apartheid, elle est d’autant plus justifiée contre les crimes israéliens dont le génocide, l’affamement de masse, le déni des soins, les destructions massives de l’habitat, des universités, des écoles, des mosquées, et des services de base dont la purification de l’eau, l’évacuation des eaux usées, la production d’électricité, les routes et la terre cultivable – tout cela réduit à néant par les bombardements.
Le premier Congrès Juif Antisioniste doit avoir lieu du 13 au 15 juin à Vienne, la ville natale de Théodore Herzl, le père du sionisme politique. Ce congrès entend porter la voix de Juifs antisionistes dont le nombre a grossi dans le monde entier au cours de la dernière décennie, en particulier depuis le 7 octobre 2023, pour contribuer à un changement urgent des attitudes occidentales envers les crimes du sionisme.
Nous pensons crucial de créer un mouvement politique international pour mettre fin au sionisme et décoloniser la Palestine. La véritable organisation qui représente la société civile palestinienne est le mouvement BDS/BNC avec lequel nous sommes en phase, que nous soutenons pleinement et qui nous conduira. Les différentes forces progressistes d’Europe et d’ailleurs doivent s’unir derrière ce mouvement et nous espérons que le Congrès va aider ce processus. Nous entendons renforcer l’opposition au sionisme et aider à développer le soutien à la Palestine à l’échelle mondiale ; nous nous considérons comme partie intégrante de ce mouvement.
Les Juifs vivant principalement en Occident et faisant partie de ses élites délinquantes, cette lutte n’est pas seulement contre le sionisme en Palestine mais contre nos propres gouvernements, élites et états profonds occidentaux qui aident et encouragent les crimes d’Israël. La Palestine devrait devenir l’épreuve décisive de toute « démocratie » occidentale. Il nous faut construire la lutte ensemble, avec tous les groupes progressistes et socialistes partout, en ayant à l’esprit que certains sont silencieux ou réticents à agir ouvertement à cause de la répression politique dans leur société. Certaines organisations « de gauche » en Europe soutiennent même Israël, comme en Allemagne et en Autriche.
Mais cela change. L’opposition au sionisme émerge largement de toute la société, parfois contre toute attente, à mesure que les gens réalisent que l’État se sert du soutien à la Palestine comme d’un bâton contre la liberté de parole et d’action. Et c’est là où nous entrons en scène.
Le congrès rassemble des voix du monde entier contre les crimes du colonialisme de peuplement sioniste, pratiqué et soutenu en Occident, contre les Palestiniens et leurs soutiens. Le congrès est organisé par des Juifs et des Palestiniens, mais il est ouvert à tout le monde. On n’a pas besoin d’être juif pour s’opposer au sionisme. Voici quelques-unes de nos espérances :
- Un événement unissant des Juifs antisionistes, des Israéliens, des Palestiniens et tous autres groupes – Noirs, Arabes, Musulmans, féministes, environnementalistes et plus – contre les crimes terrifiants du sionisme contre l’humanité, le droit international, l’environnement, la justice politique, les préceptes religieux – et contre les Palestiniens. C’est aussi un crime contre les Juifs, qui nie l’histoire d’une existence commune de plus de mille ans en Palestine jusqu’à l’arrivée des colonisateurs sionistes.
- Un cri d’alarme aux citoyens, quelles que soient la politique, la religion et l’histoire dont ils se réclament – à s’unir contre le sionisme toxique, son désordre, sa brutalité, son suprémacisme, son racisme et sa cruauté absolue.
- La voix juive antisioniste manifeste une fibre morale, une histoire progressiste, une fermeté juridique, une moralité de la coexistence – en rejoignant la lutte contre le sionisme, en luttant aux côtés des Palestiniens pour libérer non seulement la Palestine – mais aussi le judaïsme du sionisme.
Mandela comme l’archevêque Desmond Tutu nous ont rappelé que « aucun de nous ne sera libre tant que la Palestine ne sera pas libre ». Ronnie Kasrils, un compagnon juif de Mandela, leader de la lutte armée en Afrique du Sud, a déclaré en soutien au congrès :
« L’idée de rassembler des Juifs et des antisionistes du monde entier dans un tel congrès revêt une importance historique. Et, certes, c’est un projet, un projet en devenir. Les organisateurs ne se proclament pas les représentants d’une vision définitive ni d’une cristallisation de ce dont il s’agit.
Mais c’est un pas en avant vers la création maintenant d’un mouvement politique de Juifs antisionistes directement impliqués avec des Palestiniens, comme c’était le cas avec quelques Blancs directement impliqués dans la lutte pour la libération de l’Afrique du Sud ».
Nous sommes ensemble parce que notre message est un message de coexistence pacifique, d’égalité et de justice en Palestine – une version actualisée de la Convivencia (vivre ensemble) conduite par les Musulmans en Palestine, Afrique du Nord, Al Andalus (l’Andalousie arabe), l’Empire Ottoman, le Moyen Orient, l’Arabie, l’Iran, l’Inde et quelques autres territoires de l’Europe du Sud – où les trois religions s’accordaient plutôt qu’être en conflit. Ce modèle de résolution des conflits, dans un monde où le conflit et devenu le mode d’action normal, est ce que nous soutenons ; le conflit n’est pas seulement entre des nations, des religions, des États, des blocs et des empires, mais avec la nature, le vivant et son équilibre fragile pour soutenir la vie sur cette planète. La coexistence est l’avenir, si tant est que nous ayons un avenir.
Notre congrès vise à mettre l’accent sur les voix juives contre le sionisme, à se lier à la libération de la Palestine et à aider le mouvement mondial pour la justice et la paix, pour les Palestiniens et pour ceux des Juifs israéliens qui souhaitent faire partie d’un régime politique démocratique, égalitaire du fleuve à la mer.
Traduction SF pour l’UJFP