Du jeudi 28 mai 2015

17:00

au mercredi 25 décembre 2024

Intervention de Mireille Fanon-Mendès-France au colloque de Rennes du 28 mai 2015

Evènement organisé par : Colloque organisé par l'AFPS, l'UJFP, Amnesty International et la LDH.

Le thème en était « DROIT INTERNATIONAL, DROIT HUMANITAIRE – LES QUESTIONS SOULEVÉES PAR LA SITUATION DES PRISONNIERS PALESTINIENS ».

Colloque organisé par l’AFPS, l’UJFP, Amnesty International et la LDH.

Voir l’annonce sur notre site

Mireille Fanon-Mendès-France membre de l’UJFP, experte à l’ONU, présidente de la Fondation Frantz Fanon est intervenue pour la partie concernant la Cour Pénale Internationale et la Palestine.

L’analyse de Cyrille Louis (1) , parue dans le Figaro (2) du 2 avril dernier, dans sa rédaction interroge sur plusieurs points. Le premier concerne la Palestine depuis la Nakba, pour ne pas remonter plus avant. Mais on le pourrait, tant le mandat britannique a scellé le destin d’un peuple dont la souveraineté a été niée, l’a conduit dans le champ du déni du droit, voire d’une élimination programmée et assumée ainsi que l’a clamé haut et fort l’actuelle ministre de la Justice en Israël (3), « les mères palestiniennes devraient suivre leurs fils [dans la mort], cela ne serait que justice. Elles devraient disparaître, tout comme les foyers dans lesquels elles ont élevé les serpents. Sans quoi d’autres petits serpents y seront élevés à leur tour ».

Le second est la qualification qu’il emploie pour désigner la Palestine. Il affirme qu’après l’adhésion à la CPI de la Palestine « un proto-Etat », il n’y a eu ni manifestation de liesse à Ramallah ni de colère à Jérusalem. C’est bien dans cette dénomination de « proto Etat » que réside l’information essentielle. Il véhicule ainsi l’opinion de juristes positivistes qui ont conclu, à l’instar d’autres, qu’en aucun cas la Palestine n’était un Etat ; ce qui la confine, pour l’heure, au statut d’Etat observateur non membre (4) au sein de la communauté internationale.

S’il avait assumé son métier de journaliste, qui se doit d’informer en toute objectivité et non de manière partisane, il aurait appris que, dès 1922 (5) , la Palestine –alors incluse dans l’empire ottoman suite au traité de Sèvres (6) -, avait été placée sous un Mandat de Classe A par la Société des Nations. Cette décision avait été prise parce que les membres de cette même Société avaient constaté « que certaines communautés appartenant à l’empire ottoman ont atteint un stade de développement tel que leur existence en tant que nations indépendantes doit être admise. Il suffit, dans l’attente de leur totale capacité à assumer seules ce statut de nations indépendantes, de les conseiller et de les guider dans leur gestion » (7).

Pour la Cour internationale de Justice, ces mandats de classe A sont basés sur deux principes :
1. la non-annexion
2. le bien-être et le développement de ces peuples sont « a sacred trust of civilization (8) »

S’il s’était renseigné, il aurait aussi appris que le système juridique de la Palestine était non seulement très structuré, autant que celui d’un Etat indépendant, mais aussi parfaitement respecté par les puissances assumant le Mandat (9) et par la Société des Nations. La Palestine, dans les discussions concernant la question de la dette publique, était partie aux arbitrages (10) ; ainsi dans les documents issus de ces négociations, il y est fait référence en tant qu’Etat, dont jamais la qualification juridique n’a été contestée ou remise en cause par les autres parties présentes.

A cela, il faut ajouter que sur le plan intérieur, l’ordre juridique palestinien, indépendant de tout autre ordre, était reconnu par la couronne britannique (11) , par les cours égyptiennes (12) mais aussi des cours nord-américaines (13) et uruguayennes (14) qui ont confirmé cette reconnaissance.

Par ailleurs, signalons que la Cour britannique a toujours admis l’existence d’une nationalité palestinienne (15) . Si l’on considère la Convention de Montevideo 16), pour qu’un peuple se constitue en Etat, il faut que soient réunies quatre caractéristiques :
• l’existence d’un territoire délimité et déterminé
• l’existence d’une population résidente sur ce territoire
• l’existence d’une forme minimale de gouvernement
• la capacité à entrer en relation avec les autres États

Or, il y a bien longtemps que la Palestine vit sur son territoire, qu’elle est peuplée d’une population stable, qu’elle a des institutions étatiques et qu’elle a noué des relations d’ordre diplomatique. Ce statut d’Etat ne peut lui être retiré même s’il est vrai que sa souveraineté a été remise en cause par l’occupation qui ne peut pourtant remettre en cause ses droits inaliénables. A ce titre, on peut affirmer que le vote de l’Assemblée générale n’a, substantiellement, rien changé ; il a juste confirmé l’existence indéniable d’un Etat palestinien.

Mais revenons sur l’un des principes de la Cour internationale de Justice, et plus particulièrement sur celui de la non-annexion.

En 1949, la Grande Bretagne annonce qu’elle met fin à son mandat en Palestine et rappelle que le Traité de Sèvres (17) interdit tout démantèlement de la Palestine, avertissant que le Roi « n’a aucun pouvoir pour attribuer ce pays ou aux Arabes ou aux Juifs, ou même pour décider d’une partition entre eux (18) ».

En toute logique, la fin de ce mandat aurait dû conduire à l’indépendance de la Palestine, comme cela fut le cas pour le royaume hachémite de Jordanie.

L’Assemblée générale des Nations Unies en a décidé autrement. Le 29 novembre 1947, par sa Résolution 181, elle recommande la division du territoire palestinien. Sans aucune valeur contraignante, cette résolution a été adoptée alors que les Nations unies n’ont aucune autorité pour disposer du territoire d’un Etat souverain.

Agissant ainsi, les Nations Unies ont reconnu, de facto, le statut d’Etat de la Palestine ; si tel n’était pas le cas, elles auraient demandé la création de deux Etats.

Le jour même de la fin du mandat britannique (19), l’Agence juive a proclamé la création de l’Etat d’Israël sur le territoire où la partition a été obtenue en violation des obligations de la majorité des membres composant la communauté internationale.

Depuis ce jour, l’Etat d’Israël ne cesse d’utiliser la violence armée contre le peuple palestinien en violation de la Charte des Nations unies qui interdit l’usage de la force (20) ou la menace de l’usage de la force dans les rapports entre Etats ou dans le cadre de règlements de conflits.

Les Nations Unies ont bien essayé de se racheter de leur cynisme à l’égard du peuple de l’Etat de Palestine en faisant adopter la Résolution 194 (21) affirmant le droit au retour pour tout Palestinien, chassé de sa maison ou de ses terres ; les Israéliens ont bien pu affirmer qu’ils respecteraient l’auto- détermination et le droit au retour (22) des Palestiniens ; une armistice (23) entre Israël et les Etats voisins a bien pu être conclue avec l’instauration d’une ligne verte qu’aucune force armée ne devait franchir, le peuple palestinien a vu, en violation de toutes les normes du droit international et du droit international humanitaire, son Etat démantelé et sa souveraineté foulée aux pieds.

Entre 1949 et 1967, il y aura une série de résolutions (24) -sans aucune valeur contraignante- rappelant, ad libitum, à l’Etat d’Israël, devenu entre temps membre de la communauté internationale (25), ses obligations au regard du droit international et du droit humanitaire international, dont la IVème Convention de Genève.

Tout cela se soldera pour la Palestine par un Etat détruit, volé, avec l’aide de la communauté internationale et abandonnée à son sort d’un peuple sans Etat, confronté aux visées expansionnistes des Israéliens (qui ont déclaré voir Elias sambar.) une terre sans peuple pour un peuple sans terre

A partir de 1967, un plan systématique est mis en place. Commencera alors une série d’actes armés visant à épuiser, effrayer et à rendre toute vie impossible aux Palestiniens.

Ce seront des arrestations sans fin, la plupart sans raison et sans jugement en raison de la détention administrative ; près de 20% (26) de la population sera arrêtée au cours d’opérations violentes où l’usage de la torture et de traitement dégradant vont être utilisés, sans que cela ne gêne en rien la Cour suprême d’Israël (27).

Ce seront des installations de colonies illégales malgré les nombreuses résolutions pointant cette violation.

Ce sera la volonté exprimée de changer le statut de Jérusalem-est en pratiquant des expulsions, des expropriations, des destructions de maisons, sans oublier le transfert de population.

Ce sera la construction illégale (28) , et à l’intérieur de la ligne verte, d’un mur de séparation pesant lourdement sur la vie sociale, familiale et économique des Palestiniens. Mur justifié par l’Etat israélien (29) en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations unies et des Résolutions 1368 (30) et 1373 (31) du Conseil de Sécurité. La CIJ a fait remarquer que la construction du mur trouve son origine à l’intérieur de ce territoire, et non en dehors. Cette situation est donc différente de celle envisagée par les résolutions ci-dessus mentionnées, et de ce fait Israël ne saurait en tout état de cause les invoquer en soutien à sa prétention à exercer un droit de légitime défense. En conséquence, la Cour conclut que l’article 51 de la Charte est sans pertinence, même si elle reconnaît que cet Etat, devant faire face à des actes de violence indiscriminés, visant sa population civile, a le droit, et même le devoir, d’y répondre en vue de protéger la vie de ses citoyens. Néanmoins, elle souligne que les mesures prises n’en doivent pas moins demeurer conformes au droit international applicable.

Ce sera aussi le blocus imposé à Gaza et dénoncé dans de nombreux rapports(32), après les élections démocratiquement remportées par le Hamas, qui était entre décembre 2001et décembre 2014 sur la liste des organisations terroristes de l’UE ; mais pour autant la Cour de justice européenne a précisé que cette annulation « n’implique aucune appréciation de fond sur la question de la qualification du mouvement Hamas de groupe terroriste (33) ». Il n’est d’ailleurs qu’à écouter RFI, qui, ce 27 mai, a rapporté quatre raids aériens sur la Bande de Gaza, en réponse au lancement d’une roquette et qui nomme, sans aucune distanciation, les combattants palestiniens de « djihadistes ». Il n’en demeure pas moins que ce blocus constitue une attaque continue contre le peuple palestinien de Gaza.

Ce seront aussi des attaques incessantes contre les pêcheurs. Si à l’issue des Accords d’Oslo, les pêcheurs pouvaient sortir au-delà de 20 miles des 40 kilomètres de côtes palestiniennes, aujourd’hui leur espace maritime se réduit 3 miles ; avec le risque d’être, à l’intérieur de cette délimitation, attaqué par les navires israéliens. En 2005, ils étaient plus de 10 000 (34), dix après, ils ne sont plus que 3 500 et seuls 3% d’entre eux se risquent à sortir quotidiennement.

On ne peut parler du blocage de Gaza sans parler de l’attaque contre le Mavi Marmara (35) qui a vu 9 citoyens turcs tués et de nombreux autres blessés.

Signalons qu’en mai 2013 la Procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a reçu une saisine du gouvernement des Comores, signataire du statut de Rome depuis 2006 (36) -le Mavi Marmara battait pavillon comorien. En novembre 2014, cette même Procureure a déclaré qu’il n’y avait aucune base sérieuse pour procéder à une enquête (37). Dossier clos !

Non ; des victimes des Etats Unis, (le plus jeune d’entre elles avait la double nationalité américano-turque), de Jordanie, du Maroc, du Qatar, de Malaisie, de Grande Bretagne, du Yemen, d’Algérie, de Suède et du Koweit ont déposé plainte à la Cour criminelle d’Istanbul. En mars 2015, cette même cour a reconnu la légalité de la demande des victimes et a décidé d’envoyer au Ministre de la Justice turc 4 mandats d’arrêts internationaux contre 4 Généraux israéliens responsables de l’attaque meurtrière, ayant eu lieu à l’intérieur des eaux internationales. A lui de les transmettre aux intéresses et à Interpol. Une nouvelle audience a lieu le 2 juin prochain.

A cela s’ajoutent les attaques militaires revenant avec l’horrible ponctualité d’un métronome meurtrier.

2008-2009, Plomb durci : 1 315 personnes tuées –une majorité de civils. A ce sujet, il faut souligner que des ONG, des associations de la société civile et des mouvements sociaux (38) ont déposé plainte (39) à propos des crimes de guerre commis pendant cette période. Plus, le gouvernement palestinien pour ne pas rester en reste devant cet élan exigeant justice pour les victimes, par l’entremise du ministre de la Justice, a demandé à reconnaître la compétence (40) de la CPI le 21janvier 2009. Dès le 22 janvier, au matin, il était reçu (41) par le Procureur, Luis Moreno Ocampo.

Ce même Procureur, en avril (42) 2012, a mis fin à l’étude du dossier palestinien, qui aurait dû déboucher sur une enquête préliminaire, en demandant aux Nations Unies un avis sur la validité de la demande de reconnaissance de la compétence de la CPI par la Palestine.

Cette décision est une violation flagrante de ce qu’on appelle le principe de « la compétence de la compétence (43) » qui veut qu’un tribunal international doit élaborer seul ses propres décisions ; selon la Cour Internationale de Justice, ce principe est un principe général (44) du droit international. En demandant cet avis, il a enfreint la règle établie par le Statut de Rome qui précise que la Cour doit s’assurer elle-même si elle a la juridiction dans les cas qui lui sont présentés (45) .

2012, Piliers de défense : 160 morts, toujours des civils.

2014, Mur de protection : 2 145 Palestiniens ont péri sous les bombes et les roquettes tirées à partir de drones survolant l’espace aérien palestinien. Combien de maisons, d’écoles, d’hôpitaux, de mosquées, d’institutions étatiques détruits ? Combien de blessés à jamais meurtris pour assurer la paix à un Etat qui se terre derrière son droit à se défendre, aidé par une communauté internationale prompte à utiliser la responsabilité de protéger lorsque cela arrange les intérêts de ses amis et affidés.
Prompte aussi à oublier qu’elle se doit d’assurer que les Etats membres ne violent ni le droit international ni le droit humanitaire international ; ce qu’a parfaitement rappelé la CIJ dans son avis sur la construction du mur de séparation ; de son point de vue un grand nombre de règles du droit humanitaire applicable dans les conflits armés sont si fondamentales pour le respect de la personne humaine qu’elles « s’imposent … à tous les Etats, qu’ils aient ou non ratifié les instruments conventionnels qui les expriment, parce qu’elles constituent des principes intransgressibles du droit international coutumier (46) ». Elle rappelle, par ailleurs qu’aux termes de l’article 1 (47) de la Quatrième Convention de Genève, « les Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la présente convention en toutes circonstances ». Il résulte de cette disposition l’obligation pour chaque Etat partie, qu’il soit partie ou non à un conflit déterminé, de faire respecter les prescriptions des instruments concernés.
Tous les Etats sont donc dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est. Ils ont également l’obligation de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette construction. La CIJ a ajouté que l’organisation des Nations Unies, et spécialement l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, doivent, « en tenant dûment compte du présent avis consultatif, examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à la situation illicite découlant de la construction du mur et du régime qui lui est associé (48) ». On sait la manière dont ces deux entités onusiennes ont tenu compte de ces recommandations !
Ce sera aussi l’instauration d’un plan systématique basé sur l’apartheid visant à mettre en place une discrimination institutionnalisée et une ségrégation banalisée afin de séparer deux groupes pour accaparer les terres palestiniennes ; la pratique de cet apartheid est mise au service d’un processus de colonisation et d’expansion décidé au lendemain de la fin du mandat britannique au détriment de l’Etat et du peuple palestiniens.
Tous ces éléments démontrent que dans cette situation intolérable vécue par la Palestine depuis plus de 64 ans, l’Etat d’Israël est bien sûr le responsable principal mais il est aidé, soutenu par un ensemble de forces (communauté internationale et institutions internationales) qui s’appuient sur lui pour maintenir une pression hégémonique sur l’ensemble des pays de la région ; quitte à violer les principes fondateurs de la Charte des Nations unies et leurs obligations en matière de responsabilité internationale. Certains portent leur part de responsabilité par leur inertie, leur silence complice, leur lenteur à régir, d’autres par leur appui non dissimulé à l’Etat d’Israël.

La dernière vilenie vient de la France qui veut la présenter au Conseil de Sécurité une Résolution en vue d’atteindre « une paix juste, durable et globale » entre Israéliens et Palestiniens ; elle devrait être adoptée dans les 18 mois après son dépôt, en vue d’atteindre « une paix juste, durable et globale » entre Israéliens et Palestiniens. Si aucun accord n’était atteint à l’issue de cette période, la France reconnaîtrait officiellement un « État de Palestine ». On peut se demander pourquoi maintenant et pas depuis 1922 ! Cet Etat serait créé sur la base des frontières du 4 juin 1967, moyennant des échanges mutuellement agréés de territoires équivalents », tout en plaçant les soi-disant « préoccupations sécuritaires » d’Israël au « cœur des futures négociations ». L’Etat palestinien devrait être démilitarisé alors que rien dans ce sens n’est demandé à l’Etat d’Israël alors qu’il a commis des crimes de guerre, des nettoyages ethniques pour conquérir les territoires palestiniens !

En ce qui concerne le droit au retour, la France propose « une solution juste, équilibrée et réaliste au problème des réfugiés », en soulignant qu’elle devrait s’appuyer sur un « mécanisme de compensation », oubliant au passage leur droit de retrouver les terres dont ils ont été expulsés et interdits de retour parce qu’ils n’étaient pas Juifs ;
En proposant une Résolution demandant la création de deux Etats, la France favorise l’Etat israélien qui cherche depuis des années à être reconnu comme Etat juif alors qu’une partie de sa population est constituée d’Arabes musulmans ou chrétiens.
La France, dans sa grandeur et parce qu’elle n’a rien à faire du droit des Palestiniens, entérine la ségrégation et favorise la politique d’apartheid déjà mise en place à l’égard des Palestiniens des Territoires occupés.

Sur le plan du droit quelles sont les ouvertures ?

La CPI qui a pris comme argument la déclaration de compétence déposée par l’Autorité palestinienne pour affirmer qu’elle n’était pas recevable, jouant sur le fait que cette déclaration a été présentée par l’Autorité palestinienne et non l’Etat de Palestine. On pourrait répondre à ces contradicteurs qu’il y a une différence entre la situation diplomatique d’un Etat et la situation procédurale : la Palestine agit contre l’Etat d’Israël, qui, lui, usurpe les attributs de la souveraineté palestinienne par l’occupation militaire. On ne peut faire reproche à la Palestine de ne pas avoir ce qu’elle demande en justice ! A défaut, c’est reconnaitre à l’agresseur la capacité d’empêcher l’agressé de demander justice.

Comme cela a été mentionné au début, historiquement, la Palestine préexiste à Israël, et il ne faut pas confondre l’existence des droits inaliénables avec la capacité d’exercer ces droits. Or, de 1922 à 1947, la Palestine est « un Etat sous mandat », donc un Etat. Les Etats ne disparaissent pas, pas plus que la souveraineté. Israël s’est imposé par la force sur le territoire de la Palestine et reste un Etat squatter ; à ce propos on pourrait, dans ce contexte préciser qu’il y a un risque pour les Palestiniens à se satisfaire, sans contrepartie, d’un territoire à l’intérieur des frontières de 1967.

La Palestine a des droits inaliénables, dont la fonction judiciaire qu’elle ne peut exercer, alors elle peut la transférer à la CPI -qui est là pour ça-

A la suite du rapport Goldstone, l’Assemblée générale de l’ONU a demandé à Israël et à la Palestine de juger les faits, ce qui signifie que la Palestine a cette fonction, mais ne pouvant le faire à cause de l’occupation, il est normal qu’elle transfère cette compétence à la CPI.

Avec la déclaration de la Palestine à l’ONU, tout s’accélère.

Peu importe que la Palestine ne soit pas inscrite à l’ONU. Elle se revendique maintenant comme Etat, la CPI doit en prendre acte.
Peu importe le refus d’Obama qui peut avoir de la force à l’ONU mais qui n’en a aucune à la CPI.

Les Etats-Unis n’ont toujours pas ratifié le traité du Statut de Rome ; parmi les Etats l’ayant ratifié (117), une majorité a reconnu la Palestine comme Etat à l’ONU.

Depuis mars 2009, le gouvernement de Ramallah avait stoppé toute démarche à la CPI –sous la pression des Etats Unis et des Européens- et avait demandé au Procureur de bloquer le dossier, tant il redoutait l’efficacité de cette plainte et qu’elle se retourne contre eux puisque la CPI a compétence en fonction du territoire où ont été commis les crimes, peu importe la nationalité des auteurs.

Entre 2009 et avril 2015, date de l’adhésion de la Palestine au Statut de Rome, il était convenu de menacer les Palestiniens des foudres de la communauté internationale, s’ils continuaient à vouloir reconnaître la compétence de la Cour ; rien ne devait être tenté contre Israël.

Pour contrer la velléité palestinienne et une fois encore museler le droit du peuple palestinien, il a suffi de prétendre que juridiquement une telle adhésion était pratiquement impossible et de proférer quelques menaces. Il Rappelons-nous les propos de Catherine Ashton qui a clairement donné le point de vue européen : il ne peut y avoir de soutien que si la Palestine ne profite pas de son nouveau statut pour reprendre la procédure à la CPI (49) ! N’est ce pas aussi ce qu’avait affirmé l’ancien président de la République, Sarkozy, en prévenant les Palestiniens qu’« en contrepartie d’un statut intermédiaire à l’ONU, (ils) doivent s’engager à ne pas utiliser ce nouveau statut pour recourir à des actions incompatibles avec la poursuite des négociations ».

A l’époque, les Palestiniens n’ont pu que dénoncer cette position (50). Mais une fois encore, la communauté internationale n’a pas répondu aux obligations qu’elle a elle-même édictées dans le Statut de Rome (51), à savoir que « reconnaissant que des crimes d’une telle gravité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde, affirmant que les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis et que leur répression doit être effectivement assurée par des mesures prises dans le cadre national et par le renforcement de la coopération internationale », elle est déterminée « à mettre un terme à l’impunité des auteurs de ces crimes et à concourir ainsi à la prévention de nouveaux crimes »(…).

Pour autant, les victimes palestiniennes de ces crimes de guerre n’ont toujours pas accès au droit à être reconnues et entendues comme victimes ; ce qui a valu à quelques juristes de légitimement poser la question « Is there a court for Gaza » quelques mois après la commission des crimes de guerre de 2009 sur la Bande de Gaza (52).

Aujourd’hui, la reconnaissance du ministre palestinien ouvre la porte à toute plainte relative à des crimes contre l’humanité ou crime de guerre commis sur les territoires occupés de Palestine.

On pourrait même affirmer que l’échec à l’ONU renforce la procédure à la CPI ; un jour où l’autre, la Palestine y sera entendue et la Procureur n’aura d’alternative que de diligenter une enquête préliminaire.

Le Barreau de Palestine lui a fait parvenir un courrier dans ce sens ; nombre de victimes leur ayant donné toutes les informations nécessaires à la constitution de dossiers. Leur objectif étant de combattre l’impunité dont jouit ouvertement l’Etat d’Israël : « On behalf of lawyers from the Palestinian Bar Association, I have the honor to request an appointment with your services for a working meeting in the issue of Palestine, under preliminary analysis phase to your office. PBA’s lawyers note that the process of investigation and trial events which occurred during the military operation Cast Lead in December 2008 and January 2009, wanted by resolution 64-10 of the UN General Assembly’s November 5, 2009, is impossible. Also, under the principle of subsidiarity and with reference to the purpose of the Statute which is the fight against impunity, the lawyers will file documents to ask you to forward the case to the Trial Chamber, to have a decision on admissibility of the action and to see opened an inquiry”.

Demain, après-demain, les milliers de victimes seront entendues à la CPI ; il en va de la crédibilité même de la CPI.

Notes :
1 Correspondant à Jérusalem
2 La CPI, une arme à double tranchant pour la Palestine, Opinions, page 17, Le Figaro, 21974 ; 2 avril 2015
3 Ayelet Shaked, en 2014, lors de la guerre de Gaza, elle avait posté sur sa page Facebook un article écrit en 2002 ; devant le tollé, elle l’avait retiré mais des captures d’écran avaient été faites
4 Adhésion novembre 2012
5 24 juillet
6 Traité de Sèvres, 10 août 1920 ; le texte du mandat de classe A pour la Palestine http://www.fordham.edu/halsall/mod/1922mandate
7 Pact, art.22, §4 ; N. Bentwich, « le système des mandats », RCADI, Vol 29, 1929-IV, pp 115-186
8 ICJ, International status of South West-Africa, avis, ICJ Reports 1950, p 131
9 Ordre principal du 10 août 1922, Statuts, règles et ordres, 1922 (n°1282), p.362 –le premier ordre principal a été instauré le 1er septembre 1922, publication dans le Journal officiel. Ont suivi ensuite une série d’amendements entre 1923 et 1948, où le 14 mai, la révocation du statut de a Palestine a été introduite.
10 Point 1, page 532, Cas de la dette publique ottomane, (Bulgarie, Irak, Palestine, Transjordanie, Grèce, Italie et Turquie) ; 18 avril 1925, RIAA, vol 1, p. 529-614
11 In Attorney General v. Goralschwili and Another, Mc Nair and Lauterpacht’s Annual Digest of the public international law cases for 1925-1926, p.48
12 Egyptian Government v. Palestine State Railways Administration, Mixed courts, 15 december 1925, Mc Nair and Lauterpacht’s Annual Digest of the public international law cases for 1925-1926, p.47
13 District de la Cour du district Est de Virginie, 10 mars 1949, Klausner v. Levy, Mc Nair and Lauterpacht’s Annual Digest of the public international law cases for 1949, p.37 . Mais aussi cour d’appel de Californie, 23 mai 1949, Mc Nair and Lauterpacht’s Annual Digest of the public international law cases for 1949, p.194 et cour de district de l’est Michigan, 23 avril 1948, Mc Nair and Lauterpacht’s Annual Digest of the public international law cases for 1948, p.226 et 693
14 Haute cour de Justice d’Uruguay, 7 mars 1928,
15 Court of criminal Appeals of Great Britain, 21 feb. 1939, REX v. Kelter, AJIL, vol.34, n°3, juillet 1940, pp 529-532 ; Modern Law Review, oct, 1939, oct. 1939, p.164, case comment by G. Schwarzbnbe
16 Convention de Montevideo sur les droits et les devoirs des États, traité signé à Montevideo le 26 décembre 1933
17 voir note 4
18 Ad hoc committee on Palestinian question, communication from the United Kingdom delegation to the United Nations, The political history of Palestine under British administration : memorandum by His Britannic Majesty’s government presented in 1947 to the United Nations Special committee on Palestine », published at Jerusalem, 1947, A/AC.14/8, 2 october 1947
19 14 mai 1948
20 Article 2§4
21 11 décembre 1948
22 Résolution 194-III
23 1949
24 Résolution 298, 25 septembre 1971 ; le Conseil de sécurité rappelle qu’ « acquérir du territoire par la adopté la Résolution 478, 20 août 1980 force militaire est inacceptable ». Ce principe a été rappelé dans la Résolution 446, 22 mars 1979. Il a aussi adopté la Résolution 478, 20 août 1980, après la décision du gouvernement israélien de « déclarer, dans la loi basique, Jérusalem capitale unique et éternelle d’Israël »
25 11 mai 1949
26 650 000 prisonniers et prisonnières, dont de nombreux enfants
27 HCJ 5100/94, Public Committee against Torture in Israël v. The State of Israël, International Law Reports, 2008, p.283
28 Voir à ce sujet, l’Avis de la CIJ, 9 juillet 2004, Conséquences légales de la construction du mur dans les territoires occupés palestiniens, Opinion, ICJ-Reports 2004, p.136
29 Le représentant permanent d’Israël auprès des Nations Unies a fait valoir devant l’Assemblée générale, le 20 octobre 2003, que « la barrière est une mesure tout à fait conforme au droit [de légitime défense] des Etats … consacré par l’article 51 de la Charte » ; il a ajouté que ces résolutions « ont reconnu clairement le droit des Etats au recours à la force en cas de légitime défense contre les attentats terroristes » et qu’elles reconnaissent par conséquent le droit de recourir à cette fin à des mesures n’impliquant pas l’emploi de la force (AIES-IO/ PV.21, p. 6).
30 2001
31 2001
32 A/HRC/28/78, 22 janvier 2015 ; le Secrétaire des Nations Unies et le Haut Commissaire pour les droits de l’homme n’ont cessé de dénoncer les violations du droit international dues au blocus ; voir A/69/347, 6.30-34 et A/HCR/25/40, 624_30, voir aussi celui de la Banque mondiale et de l’organisation Health Cluster in the occupied Palestinian territory, september 2014
33 https://www.ouest-france.fr/hamas-lue-le-retire-de-la-liste-des-organisations-terroristes-3060855
34 http://us7.campaign-archive2.com/?u=d7bf98037b5abfd4c69593c62id=060be4ad9a
35 attaque de la flotte israélienne le 31 mai 2010
36 1er novembre
37 https://www.icc-cpi.int/iccdocs/otp/OTP-COM-Article_53(1)-Report-06Nov2014Eng.pdf
38 Plus de 300 et 40 avocats ont signé cette plainte,
https://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/74EEE201-0FED-4481-95D4 C8071087102C/279777/20090122PalestinianDeclaration2.pdf
39 Pages 61-74, Presentation of complaint filed before the ICC, Gilles Devers, Mireille Fanon Mendes France, Is there a court for Gaza ?, A test bench for International Justice, Editors Chantal Meloni, Gianni Tognoni, editions Springer, 2012
40 Articles 11§2 et 12§3, Statut de Rome
41 https://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/979C2995-9D3A-4E0D-8192-105395DC6F9A/280603/ICCOTP20090122Palestinerev1.pdf
42 3 avril
43 Communiqué de presse : OTP https://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/9B651B80-EC43-4945-BF5A-FAFF5F334B92/284387/SituationPalestine030412ENG.pdf
44 ICJ, Nottebohm case (Preliminary Objection) Judgement of november 18th, 1953, ICJ Reports 1953, p199
45 Article 19-1, Statut de Rome
46 C.I.J. Recueil 1996 ( I ) , p. 257, par. 79
47 Disposition commune aux quatre conventions de Genève
48 § 160, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, Avis consultatif du 9 juillet 2004 ; C.I.J. Recueil 1996 ( I ) , p. 257, par. 79
49 https://www.courrierinternational.com/article/2011/09/22/la-risible-ligne-mediane-de-l-europe
50 https://www.lexpressiondz.com/internationale/les-palestiniens-jugent-quon-les-empeche-de-defendre-leur-cause-139418
51 § 3,4 et 5, Préambule du Statut de Rome ;
52 Ouvrage collectif,