L’antisionisme est sans doute la tradition politique émancipatrice la plus caricaturée et la plus stigmatisée de nos jours, y compris sous un langage prétendument révolutionnaire. Dans ce texte extrêmement dense paru en janvier 1970 dans la revue Tsedek n°101 pages 7 à 12, Abraham Serfaty engageait un dialogue avec Emmanuel Lévyne, kabbaliste antisioniste de renom. Contrairement aux idées reçues, Serfaty montre que la perspective d’une Palestine démocratique et laïque, sur les frontières de 1948, n’implique en rien le reniement des traditions culturelles et religieuses, qu’elles soient juives ou musulmanes. Au contraire, fier de son héritage judéo-arabe, Serfaty souligne combien la révolution socialiste au Moyen-Orient nécessite une réappropriation des héritages messianiques, cultuels et éthiques communs aux « peuples du Livre ». Aux antipodes d’un marxisme-léninisme étriqué, Serfaty voit dans la lutte palestinienne un épanouissement possible de valeurs communautaires et religieuses, qui pourraient réenchanter un mouvement ouvrier occidental embourbé dans « les eaux glacées du calcul égoïste ». Cette contribution inestimable est un témoignage saisissant des tentatives communistes arabes de penser une théologie de la libération, qui combine résistance à l’impérialisme et hégémonie multiconfessionnelle.
NDLR : l’introduction et les notes sont d’Emmanuel Lévyne directeur de publication de la revue Tsedek