Olympisme, une vision coloniale du monde

Voici le texte d’une intervention qui a eu lieu, le 11 juin dernier, au musée de l’immigration, dans le cadre d’un débat durant le colloque sur l’histoire des jeux olympiques. Avec quelques mots de contexte en préambule

Cette intervention a été réalisée par un collectif de militantEs d’horizons divers, militant.es pour les droits des sans papiers et des immigréEs, syndicalistes, militantES pour le logement, activistes écologistes,  tous et toutes concernéEs par le lien entre les questions coloniales et les JO 2024. 

Nous n’avons pas eu le temps de  lire la totalité de la déclaration, interrompuEs par les animateurs du colloque. Notre prise de parole a été qualifiée d’attentat militant, un fourgon de police était sur place. Sabrina Agresti-Roubache, la secrétaire d’Etat à la ville à qui nous souhaitions nous adresser, a annulé sa viste au dernier moment. Voici le texte dans son intégralité. 

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« Mesdames et messieurs les intervenant.es à ce colloque au musée de l’immigration, nous sommes un collectif de militants d’horizons divers. voici nos remarques. D’abord le titre de l’exposition « Olympisme, une histoire du monde ». Nous vous proposons de le remplacer par «  Olympisme, une vision coloniale du monde ».

Amara Dioumassy, Maxime Wagner, Jéremy Wasson, Joao Baptista Fernandez, Abdoulaye Soumahoro, Franck Michel, Seydou Fofana.

Travailleurs de la construction, immigrés ou descendants de l’immigration post coloniale, ils ont perdu la vie sur les chantiers du Grand Paris qui ont remodelé la ville en vue des Jeux Olympiques et paralympiques 2024.

Dimanche prochain, nous commémorerons les 1 an de la mort d’Amara, suite à de graves manquements à la sécurité sur le chantier du bassin d’Austerlitz destiné à rendre la Seine baignable pour les JO. Dans quelques jours, Madame Hidalgo se baignera dans une eau teintée du sang d’Amara. Ses orphelins seront ils pris en charge par la mairie?

Si les athlètes racisés sont mis en valeur dans cette exposition, quid de tous les travailleurs et travailleuses immigrées, sans papiers, qui ruinent leur vie et leur santé pour rendre cet événement possible ?

Est ce que la mort d’un ouvrier africain vaut une médaille ? Non, parce que nous vivons dans un Etat colonial.

Que dire de la division raciale du travail qui soumet les personnes noires, arabes et Turques aux métiers les plus durs, les plus dangereux, les plus mal payés, dans des entreprises de sous-traitance dont certaines relèvent de la traite d’être humain : construction, déchets, nettoyage, restauration, sécurité privée : si ces travailleurs décident de s’arrêter, il n’y aura pas de Jeux Olympiques à Paris.

Est ce que les donneurs d’ordre imposent aux patrons délinquants de respecter le droit du travail ? Non, parce que nous vivons dans un Etat colonial.

Le 17 octobre dernier, les travailleurs sans papiers et leurs soutiens ont occupé le chantier de l’Arena, et 630 sans papiers de tous les secteurs, de la restauration au nettoyage, ont entamé une grève pour leur régularisation.

Est ce que tous ces salariés ont été régularisés ? Non, parce que nous vivons dans un Etat colonial.

Au contraire, la loi immigration réduit les conditions d’accès aux papiers, foule aux pieds le droit du sol. Cette loi ne facilite en rien les régularisations par le travail car l’arbitraire des préfets est renforcé sans aucune garantie pour les travailleurs sans papiers. Parmi ces salarié.es, il y aura ceux qui assureront votre sécurité, ceux qui laveront vos verres pendant la fête.

Est ce que les demandeurs de titre de séjour peuvent déposer leur dossier dans le respect du droit? Non, parce que nous vivons dans un Etat colonial.

Pour la construction du village des athlètes, les résidents d’un foyer d’immigrés ont été expulsés. Aujourd’hui même, un campement de familles à la rue, en majorité immigrée, se tient à Bastille ; des centaines de mineurs isolés déambulent dans les rues avec la flamme des oubliés pour demander logement et protection, loin de la flamme raciste et classiste promue par Pierre de Coubertin.

Madame la secrétaire d’État à la ville, que répondez vous à ces jeunes et ces familles qui demandent le respect de leurs droits? Vous ne répondez rien, parce que vous êtes un des rouages de l’État colonial.

Preuve en est, les fameux jeux olympiques populaires, destinés aux jeunes des quartiers, mais surtout pas ceux du 93, invités à quitter le département pendant la fête.

Franz Fanon définissait le fascisme comme la colonisation à l’intérieur du pays colonial. La façon dont sont traités les habitants des quartiers populaires est la preuve d’un fascisme en marche, corroboré par le dernier résultat aux élections européennes.

Suite au meurtre de Nahel par la police et aux révoltes qui ont suivi, vous avez soutenu l’expulsion des familles de révoltés des HLM. Enfants de l’immigration post coloniale, l’État leur réserve un traitement particulier, au mépris du droit fondamental au logement et à la protection des mineurs.

Jeteriez vous à la rue une famille de blancs d’un quartier de centre ville si l’un des enfants commettait un délit ? Non, parce que vous êtes un rouage de l’État colonial.

La répression qui s’est abattue sur Nahel et ses semblables, s’abat aujourd’hui sur toutes les voix dissonnantes. Ce matin, Kamel Brahmi, le secrétaire de la CGT 93, est passé au tribunal suite à un rassemblement du secteur de l’éducation qui dénonçait dans une banderole les 8 milliards d’euros dépensés dans les JO alors que les enfants des quartiers populaires n’ont pas de chauffage à l’école. Amnesty international s’inquiète du niveau de repression et de la brutalité de la police en France. On ne compte plus les atteintes au droit fondamental de se rassembler ou de manifester sur le sujet des JO.

Est ce que ces critiques inquiètent votre ministre de tutelle, auquel est aussi rattaché ce musée de l’immigration, Gérald Darmanin ? Non, parce que la police française est une police coloniale.

Pour s’en convaincre, regardons les colonies : la flamme olympique ne passera pas par la Kanaky : pour mater la contestation liée au dégel du corps électoral, géré par la loyaliste Sonia Backes, qui vous a précédée sur le poste de secrétaire d’État à la citoyenneté, le raid, la CRS 8 et le GIGN ont été déployés, l’état d’urgence décrété comme en Algérie, des manifestants sont abattus. Des kanak sont traités de cafards par des milices armées. L’opération militaire de décasage à Mayotte, le racisme environnemental en Guadeloupe avec le chlordécone, l’inégal accès à l’eau, montrent que nous sommes encore au temps des colonies.

Le 7 juillet prochain, 30 000 forces de police seront affectées dans la capitale pour assurer la sécurité des JO. Ce sera aussi la date du second tour des législatives. Il est probable qu’elles soient utilisées pour mater des protestations à l’annonce des résultats. Quid de la démocratie en France?

Le soutien de la France à l’Etat colonial et génocidaire d’Israël,  est marqué par le refus d’entendre les appels au boycott des JO qui fleurissent sur les réseaux sociaux et dans les manifestations.

Animateurs de l’exposition, vous avez montré que l’histoire des JO est marquée par les mouvements sociaux et la situation politique. Si les critiques fusent jusqu’à l’édition chinoise de 2008, vous ne faites aucune mention des nombreuses contestations qui émaillent les JO de Paris 2024, et encore moins quand elles relèvent directement de la dénonciation du colonialisme français. On peut interroger votre indépendance critique pour une exposition qui promeut à la fois la Macronie et le CIO à travers les prêts du musée de Lausanne.

Est ce aussi parce que, en plus d’être sous la tutelle du ministère de l’intérieur, vous avez pour administratrice une proche de Bolloré et de la sphère politico médiatique d’extrême droite qu’il finance avec les millions du continent africain ?

Si cette dame trouve le bâtiment dans lequel nous nous trouvons – je cite- magnifique, elle ne déconstruit en aucune façon les fresques colonialistes qui le décorent. Ce musée est la lessiveuse du colonialisme d’État et du fascisme en marche, et vous faites partie du système.

Dans ce contexte, faut il s’étonner que l’extrême droite soit aux portes du pouvoir ?

Collectif, le 11 juin 2024

Intervention au musée de l’immigration pour le colloque «  Olympisme, une histoire du monde ».

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